28 ème chronique Selon que vous serez puissant ou misérable…

Plus de 38 000 comptes français auraient été ouverts auprès de la Banque Suisse UBS au cours des dernières années. Cet argent a été exporté pour éviter l’impôt. La cellule dite de « dégrisement » (sic !) a permis (Cf Le Monde du 19 février 2016) la régularisation de plus de 4 200 clients pour plus de 3 milliards d’euros d’avoirs. C’est-à-dire pour des sommes par compte avoisinant le million d’euros.

Bien sûr ces clients dégrisés, car sans doute enivrés par la folie de l’argent, ont payés de fortes pénalités en contrepartie de leur repentance. L’Etat a ainsi créé, pour être sûr de revoir une partie de cet argent caché, le concept de « Fraudeurs Anonymes » et un endroit secret à Bercy où ces français penauds viennent s’excuser (pas publiquement il ne faut pas exagérer !) et jurer qu’ils ne frauderont plus. Et puis si, en manque, ils retombent de nouveau un jour dans ce travers, et si jamais ils sont de nouveau pris en faute, ils referont une nouvelle séance d’autoflagellation et rentreront tranquillement chez eux. De peines de prison, que nenni !

Le ministre Jérôme Cahuzac, trois ans après avoir été pris la main dans le sac pour avoir lui aussi ouvert clandestinement un compte chez UBS de 600 000 euros, avoir menti officiellement sur son patrimoine déclaré et publiquement à l’Assemblée Nationale et devant les télévisions, avoir essayé de cacher son affaire en transitant les sommes en question par la banque Reyl puis à Singapour sur un compte au nom d’une société panaméenne puis sur un compte enregistré aux Seychelles, est toujours bien au chaud chez lui et exercerait même des activités lucratives dans l’immobilier. Bien sûr il est enfin convoqué devant le Tribunal Correctionnel et risque une …réprimande(?). Mais avant même d’avoir commencé le procès est reporté de six mois pour une question de Droit Constitutionnel. Une peine de prison, que nenni !

Au tribunal correctionnel de Bordeaux (Cf Sud-Ouest du 15, juin 2015) plusieurs prévenus ont été condamnés à 3 ou 4 ans de prison ferme et immédiatement incarcérés pour le vol de 3 800 bouteilles de grands vins qui aurait procuré à la dizaine de voleurs et de receleurs un bénéfice de l’ordre de 350 000 euros. Bien sûr ce n’est pas bien de voler des grandes bouteilles de Bordeaux et il est juste que ces individus louches soient punis.

Des roms qui avaient bloqué l’autoroute A1 après avoir mis le feu à des pneus et ordures ont été condamnés à  un an et demi de prison ferme et 400 000 euros d’amende à verser à la société d’autoroute. Bien sûr ce n’est pas bien de dégrader les routes de France et une sanction exemplaire était nécessaire. Mais les bonnets rouges qui ont détruits les portiques destinés au paiement d’une taxe écologique pertinente, les agriculteurs, les taxis, les Uber… ont-ils été poursuivis ?

Tous ces décalages à la Jean Valjean sont de nature à irriter, à inciter à la tricherie et à pousser les esprits faibles vers la droite extrême. Il n’est pourtant pas très difficile de faire en sorte que le droit et la justice s’exercent avec la même nécessaire sévérité pour tout citoyen et que des signes forts soient donnés.

Avec un peu de bon sens, bon sang !

FEMERAC

27 ème chronique Risques sanitaires et chantage à l’Emploi

Un millier de personnes se sont rassemblées devant la préfecture de Marseille le 30 janvier dernier pour protester contre le déversement des boues rouges de l’usine d’aluminium Alteo de Gardanne dans la Méditerranée entre Fos et Toulon devant le parc national des Calanques. Cette pollution dure depuis 1966 ; elle devait s’arrêter en décembre 2015 (50 ans après !) mais continue sous une forme liquide transparente certes atténuée mais extrêmement toxique et dangereuse : arsenic, uranium 238, thorium 232, mercure, cadmium, titane, soude, plomb, chrome, vanadium, nickel, … continuent de se déverser dans un flot de 270 m3 par heure, plusieurs dizaines de fois au-dessus des normes européennes. Pollution vérifiée par les laboratoires universitaires.

Tout ceci a largement été repris par la presse (voir notamment le Monde Diplomatique de mai 2015, l’excellente chronique d’Audrey Garric dans le Monde du 2 février). Tous les articles sont unanimes pour dénoncer un véritable scandale.

Pour autant rien ne se passe. Dans la manifestation de Marseille à laquelle votre serviteur participait, quelques élus des verts, José Bové …et c’est tout. Un millier de personnes, c’était finalement relativement peu compte-tenu des enjeux. Pourquoi pas les élus du PS ou du PR ? Les syndicats ?…

Parce que des emplois sont en jeu : 400 sur le site et un millier de sous-traitants. Alors silence, …

 

Pourtant des solutions techniques de traitement de l’ensemble des déchets existent mais ils nécessiteraient un investissement de plusieurs millions d’euros, que les propriétaires, le fond de placement américain HIG Capital (qui a racheté le site à Rio Tinto en 2012, qui l’avait lui-même racheté à Alcan en 2008, lequel l’avait racheté à Péchiney en 2003), refuse de faire. Rentabilité oblige. Alors silence, …

 

C’est le Conseil supérieur de prévention des risques technologiques (CSPRT), réuni à partir du 22 décembre, qui a donné un avis favorable au renouvellement de l’autorisation du rejet de ces effluents dnas la mer.  Le gouvernement n’y serait pour rien. Pourtant la pancarte de la manifestation qui disait « Manuelito, on va te couper les oreilles et la queue ! », n’avait sans doute pas tort. Personne n’en est dupe. L’encart Royal-Valls dans l’Obs du 4 février attribue bien la responsabilité de ce prolongement de rejet au premier ministre qui a, semble-t-il, cédé au chantage à l’emploi de l’investisseur américain. Alors silence, …

 Au lendemain de la COP21, qui fut il faut le reconnaitre un succès pour la diplomatie française et sans doute aussi pour l’écologie par la prise de conscience mondiale des problèmes de réchauffement climatique qui s’y est manifestée, la volonté de continuer à polluer et à altérer la santé des populations pour quelques centaines d’emplois est dramatique.

Bien sûr on ne peut pas parler à la légère des pertes potentielles d’emplois, mais quand on sait que l’investissement pour dépolluer le site de Gardanne permet de recycler et donc de valoriser les déchets, on est face au redoutable défi politique de mettre les industriels en face de leurs responsabilités collectives. Et si ces derniers s’avèrent incapables d’y faire face, ce qui est probable, de leur substituer des repreneurs alternatifs (si le propriétaire est prêt  à fermer l’usine c’est que sa valeur est nulle pour lui !) au risque de perdre des emplois à court terme pour améliorer le bien-être collectif et gagner des emplois demain dans des investissements permettant de construire la nouvelle industrie dont les Etats ont désormais besoin pour faire face aux défis écologiques. C’est à l’aune de ce type d’arbitrage qu’on mesure le vrai courage politique et que peut s’exprimer une vraie vision !

Avec un peu de bon sens, bon sang !

 

FEMERAC