30ème chronique Vanité de la lutte contre le terrorisme

Les attentats contre Charlie Hebdo le 7 janvier 2015 (12 morts), dans Paris le 13 novembre (130 morts), à Bruxelles le 22 mars dernier (28 morts) ont frappé l’opinion publique, distillant la peur dans les ménages et le refus d’une partie des touristes étrangers de venir désormais séjourner en France.

Pour autant faut-il déployer des milliers de policiers armés de mitraillettes dans tous les lieux publics et dépenser des centaines de millions d’euros dans l’état d’urgence ? Mobiliser des dizaines d’agents pour filtrer au compte-goutte les participants à la messe de Pâques à Notre-Dame de Paris comme on a pu le constater de visu, alors que les cloches appelaient à toute volée les parisiens à se rassembler ? On peut en douter. Ces déploiements de force n’ont d’autre objet que de rassurer. Car quelle efficacité pour un tel dispositif policier contre des terroristes déterminés, lourdement armés, lobotomisés et suicidaires. Quasiment aucune ! Comment empêcher de tels bandits d’accomplir leurs sanguinaires méfaits une fois qu’on les a laissés s’organiser. Quasiment rien ! Car si ces attentats sont odieux et horribles, ce sont avant tout parce qu’ils constituent des événements rares : on ne peut pas les traiter avec des déploiements massifs. On ne chasse pas le moustique à coups de canon. Un peu comme si on mettait un car de CRS à chaque carrefour parce que le nombre de morts sur les routes était de 3400 par an (chiffre 2015). Or ce chiffre relativement important en absolu ne représente que quelques morts par milliard de kilomètres parcourus en France. Fort heureusement, mourir sur la route est un événement rare. Et mourir dans un attentat un événement encore plus rare.

Le seul travail efficace pour lutter contre le terrorisme se situe en amont : coordination des polices en France, en Europe et dans le monde dans le repérage et le suivi de réseaux clandestins, infiltration, démantèlement, … On est loin du compte, et Hillary Clinton a raison de se moquer de l’absence de coordination des polices en Europe : “Aujourd’hui, de nombreux pays européens ne s’alertent pas entre eux quand ils arrêtent un suspect djihadiste à leur frontière, ou quand un passeport est volé”, (FranceTVinfo le 23/03/16).

C’est un travail de fourmi et discret, un travail traditionnel de lutte contre des bandes organisées mafieuses ou de grand banditisme. C’est à ce travail qu’il faut consacrer l’essentiel des moyens financiers. Sa réussite réduira le risque d’attentat ; il ne le supprimera pas. Il faut vivre désormais sans crainte avec l’idée qu’il y aura de tels attentats peut-être demain, peut-être dans sa ville ou son quartier, comme on sait qu’il peut y avoir une explosion de gaz, un accident d’autobus ou qu’un pot de fleurs peut nous tomber sur le nez.

D’ailleurs qui nous prouve aujourd’hui qu’un policier ou un gendarme doté d’une arme de combat ne soit pas un infiltré dangereux qui s’amusera un jour à tirer dans la foule. Car les djihadistes ont su montrer combien, avant leurs folies, ils savaient se fondre dans l’anonymat et avoir un comportement tout à fait normal. Faut-il dès lors mettre un policier derrière chaque policier, … Événement rare vous dis-je !

Certes, travailler efficacement en amont des attentats, n’est pas spectaculaire. L’attentat avorté est rarement médiatisé.   Et quand l’attentat survient, la critique fuse. Les métiers de policier et de ministre de l’intérieur consistent à protéger les français, ils sont par nature ingrats. On ne parle pas dans les médias du travail bien fait. Peu importe !

Avec un peu de bon sens, bon sang !

FEMERAC

29 ème chronique Loi El Khomry – chant désespéré

On sait avec Musset que les chants désespérés sont les chants les plus beaux. La loi El Khomry en est un, qui risque de se transformer en pur sanglot sans pour autant devenir immortel.

François Hollande joue en effet son va-tout : après avoir distribué des dizaines de milliards aux entreprises sans contrepartie contractualisée avec le CICE, après avoir multiplié les emplois jeunes et les formations, il joue ce qu’il estime être sa dernière carte pour tenter de réduire le chômage en l’absence de reprise franche de la croissance économique : la libéralisation du marché du travail. La vieille idée qui veut que l’entrepreneur qui a aujourd’hui peur d’embaucher des salariés qui vont lui rester sur les bras et lui coûter trop cher à licencier en cas de renversement de conjoncture serait enclin à davantage embaucher s’il peut facilement licencier.

Or cette assertion est en général fausse. Même si elle vient d’être soutenue par d’éminents économistes (cf Le Monde du samedi 5 mars) emmenés par le très éminent et très libéral Prix Nobel Jean Tirole. Lesquels affirment que les mesures annoncées permettraient de stimuler l’embauche des jeunes qui sont aujourd’hui les laissés pour compte de l’économie. Et de citer l’Espagne qui ayant pris des mesures du même type a vu en peu de temps l’embauche de 300 000 jeunes. C’est ou de la mauvaise foi ou de l’incompétence : le taux de chômage était monté si haut en 2008-09 en Espagne et la croissance était si bas (négative !) que la moindre remontée de cette dernière (plus de 3% ces deux dernières années) se traduit mécaniquement par des embauches nouvelles, indépendamment des mesures de droit du travail. Rappelons que le taux de chômage en Espagne était de 26 % début 2013, le plus élevé de l’Union Economique.

Il est quand même étonnant et pour le moins paradoxal d’imaginer que la facilité de licencier va se traduire par un accroissement de l’emploi ! A remplacer plus facilement, peut-être et en partie, des salariés âgés par des salariés plus jeunes et donc moins chers. Et donc finalement encore baisser le coût du travail, mesure qui n’aboutit à rien en termes d’emploi quand la croissance est faible (et elle va le rester) et quand les entreprises ne sont pas performantes en termes de haute valeur ajoutée (cf la lettre de Femerac au président du CNPF), c’est-à-dire capables comme en Allemagne de vendre cher des biens très demandés où elles sont leader. Ce qui suppose d’ailleurs dans c cas et dans une logique inversée positive qu’on ait envie de garder les compétences plutôt que de les voir s’enfuir.

Aux Etats-Unis où on peut se faire licencier dans la journée sans justification (bonjour l’ambiance !) et en contrepartie s’en aller sans préavis , le marché du travail est certes plus fluide mais le niveau de l’emploi qui fluctue beaucoup est fondamentalement tiré par le niveau d’activité qui est lui-même tiré par la fuite en avant de l’endettement croissant.

Rappelons qu’il n’est pas possible de lutter contre les bas salaires des pays de l’Asie du Sud-Est ou de l’Europe de l’Est sauf à détruire l’économie française. Que les industries lourdes et pénalisées par le coût de la main d’œuvre ont quitté la France depuis longtemps. Et donc que toutes les mesures visant à diminuer le coût du travail ou à niveler la protection des travailleurs par le bas sont vouées à l’échec sur l’autel de l’emploi.

Il n’y a que le partage par la réduction du temps de travail (cf chronique 19). Avec un peu de bon sens, bon sang !

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Dans le registre de la gestion publique locale, il faut absolument lire l’ouvrage de Philippe PUJOL « La fabrique du monstre » (Les Arènes janvier 2016) pour comprendre le fonctionnement de l’économie parallèle de la drogue à Marseille dans les quartiers les plus pauvres d’Europe et de la violence associée, les raisons pour lesquelles le corse Jean-Noël Guérini, appelé dans sa jeunesse « le crétin du Panier » tant étaient élevées ses aptitudes et sa culture, est resté 17 ans président du Conseil Général le plus riche de France et comprendre enfin pourquoi la ville de Marseille, pourtant sous perfusion de l’Etat, est devenue la ville la plus endettée et une des plus mal gérées de France. Edifiant !

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Les associations qui se sont pourvues en justice contre les rejets des boues rouges désormais transparentes (cf chronique 27) ont été déboutées par la justice. La pollution peut continuer de s’accumuler au large des Calanques ! Lamentable.

 

FEMERAC