43ème chronique Trump et les sondages

L’élection de Donald Trump est une catastrophe. Et les commentateurs, peu avisés, de critiquer encore les sondages qui n’ont pas su « prévoir » ; rassurant les mal classés des sondages d’aujourd’hui : Sarkozy contre Juppé pour la primaire des droites, Le Pen contre X au second tour des présidentielles, … Il faut dès lors que le modeste statisticien qu’est l’auteur de ces chroniques rappelle quelques évidences pour mettre un terme à ces délires médiatiques :

  • Les sondages ne sont pas et n’ont jamais été des prévisions : ils donnent simplement à l’instant où ils sont réalisés, et pour ce seul instant, l’intention de vote de la population sondée.
  • Cette intention varie : dans les « swing states », ces Etats traditionnellement clés dans les élections aux Etats-Unis, l’évolution des intentions de vote montre une alternance entre Trump et Clinton au cours des derniers mois (cf par exemple le graphique du Monde du 3 novembre concernant la Caroline du Nord qui confirme la nette remontée de Trump lors des premiers jours de Novembre, notamment après que le FBI ait annoncé la reprise de l’enquête sur les mails d’Hillary Clinton : Trump peut dire un grand merci au directeur du FBI pour ce qu’on peut appeler une véritable manipulation électorale).
  • L’écart dans les sondages encore favorables à Clinton dans les derniers jours était du coup très faible, et notamment inférieur aux marges d’erreur technique (de l’ordre de 2%), liées à la modeste taille de l’échantillon testé, surtout quand les sondages s’appliquent à 50 Etats différents à la fois.
  • Rappelons également que l’abstention a été très importante (54,2 % de votants) : il ne suffit pas que le sondé dise pour qui il a l’intention de voter, encore faut-il qu’il vote ! Et enfin que Clinton a obtenu davantage de voix que Trump, ce qui mesure la difficulté de l’exercice des sondages lorsque deux candidats sont au coude à coude.

 

Cette difficulté se trouve renforcée lorsque les deux candidats ne suscitent guère l’enthousiasme, alors que c’était le cas lors de l’élection d’Obama. Le personnage de Donald Trump, sexiste et menteur, est détestable. Mais Hillary Clinton, qui avait déjà eu du mal à devancer Bernie Sanders, est une caricature de l’ « establishement » américain (c’est-à-dire ceux qui ont le pouvoir), peu empathique, au sourire artificiel et aux discours peu crédibles. Beaucoup d’électeurs ont voté contre Trump plutôt que pour elle et ont hésité jusqu’au dernier moment avant de le faire plutôt que d’aller à la pêche.

Alors une surprise l’élection de Donald Trump ? Pas quand on analyse précisément les sondages qui ont précédé l’élection. Mais pour sûr une mauvaise nouvelle.

Faut-il pour autant s’interroger sur les limites de la démocratie et la sagesse du peuple ? Et ne pas accepter que les esprits faibles, qui rejettent leur désarroi sur les étrangers, votent massivement pour des caricatures dont on sait pertinemment qu’ils ne résoudront aucun de leurs problèmes ?  Reprenons ici les mots de Lamartine lors de l’élection de Louis Napoléon Bonaparte en 1848 et cité par Dominique Rousseau, professeur à Paris I Panthéon-Sorbonne dans le Monde du 16 novembre : « Il y a des moments d’aberration dans les multitudes, il y a des noms qui entraînent les foules comme le mirage les troupeaux, comme le lambeau de pourpre attire les animaux privés de raison ; eh bien, malgré cela, je n’hésite pas à me prononcer en faveur de l’élection du président par le peuple. Et si le peuple se trompe, s’il veut abdiquer sa sûreté, sa dignité, sa liberté entre les mains d’une réminiscence d’Empire, s’il nous désavoue et se désavoue lui-même, eh bien tant pis pour le peuple ! Ce ne sera pas nous, ce sera lui qui aura manqué de persévérance et de courage. »

Sur l’analyse économique du phénomène Trump, reprenons le constat  pertinent, même si incomplet, d’Agnès Benassy-Quéré (Le Monde du 9 novembre), présidente déléguée du Conseil d’analyse économique en France : « Ce résultat illustre ce que l’on pressentait depuis longtemps : la mondialisation n’est pas soutenable pour un pays qui refuse d’en redistribuer les fruits par l’impôt et les services publics. Aux Etats-Unis, les dépenses publiques représentent environ 37 % du produit intérieur brut, contre plus de 50 % dans les pays scandinaves qui, eux, sont à l’aise avec la mondialisation. Toutefois, le vote Trump n’est pas majoritairement celui des plus pauvres : c’est celui des classes moyennes inférieures, dans les régions les plus désindustrialisées. »

Ce n’est pas certainement pas le milliardaire Trump, qui vient d’annoncer une nouvelle dérégulation du système financier, laquelle a conduit à la crise de 2008, qui va être l’élément moteur de cette redistribution. De beaux jours devant nous !!!

Avec un peu de bon sens, bon sang !

FEMERAC

42ème chronique Salauds de pauvres et de migrants !

La manchette du Monde du 1er novembre fait froid dans le dos : « L’hostilité envers les pauvres s’exprime de plus en plus ouvertement en France ».

Elle se traduit, toujours selon ce journal, par une « dégradation des centres d’accueil, des arrêtés anti-mendicité, une chasse aux sans-abris ». Migrants et SDF se font concurrence pour des hébergements en nombre largement insuffisant. De plus en plus « les communes et les français rejettent ces populations ».

Franchement insupportable.

Comment la cinquième ou sixième puissance au monde (selon le cours de la livre) peut-elle, avec ses 2 000 milliards d’euros de PIB c’est-à-dire de richesse créée, et ses 65 millions d’habitants ne pas consacrer quelques moyens à des dizaines de milliers de sans-abri et quelques milliers de migrants ? Et ne parlons pas de l’Europe, la zone la plus riche du monde avec ses 510 millions d’habitants. Le Liban avec son PIB de 47 milliards de dollars (43 milliards d‘euros) et sa population de 4 millions d’habitants accueille aujourd’hui 1 million et demi de migrants syriens.

Bien sûr il y a des SAMU sociaux, 450 centres d’accueil et d’orientation pour migrants, des bénévoles mobilisés au travers des ONG et par initiative individuelle. Bien sûr il y a des communes accueillantes et dynamiques comme Grande-Synthe dans le Nord. Mais règne globalement un rejet du SDF et du migrant, et des pauvres en général, comme si c’était le miroir insupportable d’une déchéance future possible ; comme si le fait de plus ou moins s’en sortir n’était lié qu’à nos seules capacités propres, sans tenir compte des aléas de la vie (maladies, décès, incapacités, divorces, guerres,…) qui brisent et excluent les individus.

Bien sûr la haine de l’autre, de l’étranger, du différent, … a toujours existé, mais elle s’exacerbe dans une société qui n’a pourtant jamais été aussi riche (si on exclut les 15 % de pauvres) mais malheureusement jamais aussi individualiste dans un consumérisme exacerbé. Adieu compassion et solidarité et bonjour moi. Et voilà comment les esprits faibles, de gauche et de droite, amènent de moins en moins subrepticement les forces brunes au pouvoir.

Bien sûr selon la formule bien connue de Michel Rocard, « l’Europe ne peut pas accueillir toute la misère du monde » en ajoutant, ce que tout le monde oublie et notamment Sarkozy lors de « l’Emission Politique » sur France 2 le 15 septembre dernier, « mais elle peut prendre sa part de cette misère.»

Dans les programmes des candidats à la présidentielle, rien pour vaincre la pauvreté sauf chez Mélenchon (« abolir la précarité » mais avec des mesures bien légères et bien peu efficaces) et chez les verts (« un revenu universel inconditionnel et personnalisé » ce qui est vague), et rien pour l’accueil favorable des migrants, bien au contraire.

Alors que diable, un peu de solidarité et de courage politique. Pour un revenu universel conséquent qui éradique la pauvreté (cf  31ème chronique) et un dispositif conséquent d’hébergement des SDF et un accueil positif et une  prise en charge dynamique des migrants. Pour que la France redevienne une terre d’asile et de solidarité, et non pas une zone de haine et d’égoïsme.

Avec un peu de bon sens, bon sang !

FEMERAC