52ème chronique L’économiste et le café du commerce

Dur, dur d’être un économiste !

Bien sûr il y a la blague : « Pourquoi a-t-on inventé les économistes ? Pour que les météorologues ne se sentent pas seuls ! ». Blague qui fait fureur depuis la crise de 2008 et qui fait référence à l’incapacité des économistes à prévoir correctement l’évolution de la situation économique d’un pays.

Mais le pire ennemi de l’économiste c’est le café du commerce. Car, dans la conversation courante, il y a toujours quelqu’un qui connait le beau-frère de sa tante qui lui a dit qu’il avait vu un chômeur indemnisé qui ne cherchait pas du travail. Ou un autre qui a rencontré le copain d’un ami qui lui a raconté qu’un migrant kurde profitait avec sa famille nombreuse des aides généreuses de l’Etat alors que lui-même ne touchait aucune allocation. Ou encore un autre qui vous dit que l’inflation est galopante depuis l’euro car vous avez vu le prix de la baguette !

Le pire ennemi de la réflexion, vous dis-je, c’est quand on fait d’un cas particulier une généralité et surtout… quand on parle sans savoir !

Car le véritable économiste, et pas forcément besoin d’être hyper diplômé pour cela ni d’avoir pignon sur rue, est un être circonspect devant la rumeur, prudent devant des chiffres partiels, critique devant les discours et raisonnements simplistes (bonjour Monsieur François Lenglet !), un être qui pèse les arguments avec la balance des études et des recherches, bref un être qui travaille et qui pense….ou du moins qui essaye.

Et qui balaye du coup les idées fausses :

  • Non l’euro n’a pas entraîné depuis 2002 une inflation cachée. Et non, ma bonne dame, le prix de la baguette n’a pas doublé en 15 ans. Car il était en moyenne de 4,20 francs en 2000, soit 0,64 euro, et à 0,87 euros en 2013 soit une hausse de 36 % (2,8 % par an). (source : france-inflation.com/prix_depuis_1900_en_france.php  ). Ce n’est certes pas négligeable mais ce n’est épouvantable !   Oui l’indice des prix calculé chaque mois par l’INSEE sur la base de 200 000 prix relevés est fiable et non manipulé. L’inflation a été de 1,4 % par an de 2002 à 2017 alors qu’elle était de 2,1 % par an au cours des quinze années précédentes (source INSEE ; cf aussi le Monde des 25 et 26 mai 17).
  • Non les immigrés ne viennent pas manger le pain des français. C’est même l’inverse : dans une étude réalisée en 2010 par l’Université de LILLE pour le compte de l’Administration, la contribution nette globale de l’immigration au Budget des Administrations Publiques aurait été positive de près de 4 milliards d’euros pour l’année 2005. Ceci étant lié à la structure d’âge moyenne des immigrés, plus jeune et donc moins dépendante des aides.
  • Non les chômeurs ne sont pas tous des fainéants. « Si la vision du “chômeur fainéant” avait un sens, (cf analyse d’économistes dans Atlantico.fr du 3 juin 2016) cela signifierait que les personnes sans emploi refuseraient les emplois qui leurs sont proposés, et ainsi, que ces postes ne trouveraient pas preneurs. Ce qui obligerait les entreprises à aller chercher des personnes en emploi pour occuper ces postes, et donc à mettre les employeurs en concurrence entre eux. Ce qui provoquerait des hausses de salaires. Or, selon les chiffres de 2015, la rémunération des salariés a connu une croissance de 1.29% en 2015, contre plus de 4% en 2007. Aujourd’hui, c’est bien le manque de travail qui caractérise l’économie française, et non la fainéantise supposée de sa population. » La fameuse mesure proposée par Macron (oui il y en a quelques-unes, mais bon !) qui consiste à obliger un chômeur à accepter la troisième proposition qui lui est faite, a déjà été …mise en place en 2008 par Sarkozy et …restée sans effet car de fait inapplicable … faute d’emplois à proposer… et aussi parce qu’une telle mesure très coercitive n’est tout simplement pas légale !
  • Non l’emploi en France n’est pas trop rigide : selon les données officielles de l’OCDE, qui regroupe les 35 pays les plus riches, pour 2015 (oecd.org › Accueil de l’OCDE › Emploi › Politiques et données sur l’emploi): la France est un des pays où le taux d’emplois temporaires (CDD) est le plus élevé : 16,7 % contre 11,4 % pour l’ensemble de l’OCDE, 13,1 % pour l’Allemagne et 6,2 % seulement au Royaume-Uni !
  • Oui le travailleur français travaille plus (1482 heures) que le travailleur allemand (1371 heures) dans l’année (source OCDE stats pour 2015) et il a une productivité (PIB par tête) plus importante. Voila pourquoi madame (entre autres raisons) le taux d’emploi est plus important en Allemagne et donc le taux de chômage plus faible.
  • ….

Le débat et la polémique entre spécialistes au cours de l’année 2016, à partir de l’ouvrage de  Pierre Cahuc et André Zylberberg « Le négationnisme économique » sur le thème l’Economie est-elle une science avec ses lois inéluctables, n’a pas beaucoup d’intérêt pour le néophyte. Peu importe que l’Economie soit une science ou non. L’important c’est d’élaborer la réflexion économique de façon scientifique à partir d’une analyse rigoureuse des faits et des comportements…

Alors un peu bon sens, bon sang !

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Nicola Hulot est rentré de façon surprenante dans un gouvernement qui n’a pas fait de la défense de la planète sa priorité. Comme s’interroge justement Agnès Sinaï, fondatrice de l’Institut Momentum, journaliste et enseignante à Sciences Po, dans Le Monde du 23 mai dernier : « M. Hulot sera-t-il l’idiot utile d’une vieille politique ou le héraut du monde désirable de demain ? ». On croit avoir la réponse mais on suivra avec attention !

FEMERAC

51ème chronique Le pire est évité mais pour quel avenir ?

On l’a échappé belle. Exit la candidate des esprits faibles qui heureusement sont encore loin d’être majoritaires en France (Le Pen qui dépasse historiquement les 10 millions de voix ne réunit finalement au 2ème tour « que » 22 % des inscrits). Pour autant le nouveau président, qui a su profiter de circonstances exceptionnellement favorables en jouant habilement de la bêtise de la classe politique en place (Fillon pris la main dans le sac, le PS rempli de traitres et d’opportunistes, Mélenchon trop sûr de lui), n’a guère suscité l’enthousiasme. Comment justifier en effet le titre du Monde du mardi 9 mai « le triomphe de Macron », quand ce candidat a réuni 24 % des voix au 1er tour (18 % des inscrits !), alors même que beaucoup de votes dits « utiles » (utiles à quoi au juste ?) s’étaient déjà reportés sur lui, et qu’au deuxième tour il ne réunit qu’à peine 45 % des inscrits alors même que la moitié d’entre eux ont voté non pas pour lui mais contre Le Pen. Victoire qui n’est guère glorieuse en vérité !

La question est maintenant de savoir si ce jeune technocrate, qui a brulé toutes les étapes, va enfin régler les grands problèmes de la société française. Que nenni a priori tant son programme (que nous avons analysé en détail, ce qui doit être rare car aucune personne sollicitée par nos soins n’en avait la moindre idée !), constitué de mesurettes, est inexistant dans la lutte contre le chômage, la pauvreté, le pouvoir d’achat des ménages et l’évolution de la démocratie dans la ville et l’entreprise (cf nos chroniques précédentes). Et ne parlons pas de l’écologie ! Sauf à vouloir accélérer la mise en œuvre de mesures cherchant encore à fluidifier le marché du travail, dont on sait qu’elles sont non seulement inefficaces mais dangereuses car augmentant la précarité des salariés. Et sur l’Europe : renforcer l’axe franco-allemand, certes, mais pour quelle finalité ? Et sur les migrants, accueil pas accueil ?

On peut peut-être lui faire crédit de sa capacité à transformer enfin la grande créativité de nos jeunes start-ups, qui aujourd’hui s’exilent, en véritables entreprises de création de richesses. Ce qui pourrait augmenter la croissance de quelques pour cents et l’emploi de quelques dizaines de milliers. Ce serait efficace mais largement insuffisant.

Alors une nouvelle présidence pour rien, comme les précédentes ? Attention car la belle, très futée et très dangereuse Marion Maréchal-Le Pen de la 3ème génération est à l’affût !

Mais quand les politiques (et la plupart des français manipulés par le discours inconsistants des médias) seront-ils capables de comprendre que la très forte productivité des français (une des plus élevées du monde : cf The Economist, référence libérale anglo saxonne, de fin mars 2017), ne peut se traduire que par des pertes d’emploi même si le taux de croissance augmente, et que le chômage qui s’ensuit mécaniquement ne peut se résoudre que par un partage de plus en plus important du temps de travail, comme d’ailleurs c’est le cas aux Etats-Unis ou en Allemagne mais sous la forme d’un temps partiel non choisi (des femmes notamment) et peu rémunérateur. Ou encore qu’il suffit de trouver 35 milliards supplémentaires (c’est tout à fait réalisable !) à ajouter aux 100 milliards déjà distribués pour constituer un revenu universel digne de ce nom (pauvre Hamon qui a mangé son chapeau !) se substituant à toutes les autres aides sociales (hors chômage et santé) qui vaincra enfin la pauvreté et la précarité (cf notre article dans le Monde.fr). Amenant ainsi la France au niveau des peuples solidaires et heureux de leur sort.

Alors président Macron un peu d’audace et…avec un peu bon sens, bon sang !

FEMERAC