40ème chronique Responsable donc payeur !

Certaines sociétés d’assurance veulent commencer à relier le montant de la prime d’assurance automobile à la nature de la conduite. Vous aviez déjà le bonus-malus et les radars, mais vous allez désormais avoir un mouchard dans notre voiture indiquant si votre conduite est à risque ou non.   De même certaines mutuelles commencent à vouloir relier le montant de vos primes à la façon dont vous prenez soin de votre santé (bracelet pour indiquer le nombre de pas effectués chaque jour, mesure du poids, de la tension, …). Ceci peut sembler logique : si vous êtes prudent (normal ? normalisé ?), il est normal que vous ne payiez pas pour les personnes inconscientes !

Outre l’aspect intrusif insupportable qu’elles impactent sur notre façon de vivre, ces méthodes ont leurs limites économiques et renvoient à la question séminale : de quoi est-on vraiment responsable ?

Il n’y a pas de raison en effet, et selon ces principes, de maintenir un système de santé solidaire : rejoignons la philosophie américaine : chacun paye pour être soigné à la hauteur de son mal. Pourquoi payerai-je en effet pour quelqu’un atteint de cancer : il a sans doute eu quelque part un comportement à risque : qu’il paye. On renverra sur ce point à l’excellente série américaine « Breaking Bad » où , pour pouvoir payer les énormes dépenses liées au traitement de son cancer, un petit professeur de chimie en arrive aux pires extrémités. Pourquoi dans le même ordre d’idées les jeunes en bonne santé financeraient-ils les soins à coût élevé des personnes âgées[1] ?

Il faut aussi abolir l’école gratuite. Pourquoi les parents d’un bon élève devrait-il payer par leurs impôts, les études des mauvais élèves qui ralentissent la classe, obligent les professeurs à répéter sans cesse et donc contribuent à devoir financer bon nombre de professeurs qui sans eux seraient inutiles. Faisons donc payer les mauvais élèves, ces fainéants !

Pourquoi chacun devrait-il payer des cotisations chômage et financer le train de vie de chômeurs qui se la coulent douce et ne cherchent pas vraiment du travail ? Ils sont bien sûr totalement responsables de leur situation.

Pourquoi des allocations familiales ? Avec tous les moyens contraceptifs à leur disposition, les couples peuvent maitriser le nombre de leurs enfants. Pour assurer leur éducation, le nombre d’enfants d’un ménage doit être lié à sa richesse. Soyons responsables !!!!

Il faudrait faire financer les prisons par les prisonniers eux-mêmes ou par leurs familles. Pourquoi payer pour des prisons où nous n’irons jamais (est-ce si sûr ?) ? Et ressortir la guillotine pour ceux qui ne peuvent pas payer. C’était bien le cas dans les guerres anciennes : pas de prisonniers trop chers à nourrir, sauf les rançonnables.

On pourrait ainsi multiplier les exemples, décortiquer tous les aspects de la vie individuelle et sociale et aboutir à un système complétement éclaté et soi-disant plus juste et plus transparent. Mais insupportable. Et surtout économiquement stupide.

En effet, une société de solidarité n’est pas une société d’irresponsables. Un système solidaire est bien plus économique. Mesurer la responsabilité de chacun dans tous les actes de sa vie a un énorme coût, que les économistes appellent des coûts de transaction. Et pour quel résultat ? Tous les (bons) statisticiens savent que la distribution des comportements suit une loi normale dite de Gauss ou courbe en cloche[2] et que ces comportements sont en grande partie peu différents.

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Il est donc inutile d’individualiser les comportements de toute la population, mais seulement (et à la limite) des extrêmes (5-10 % de la population ? La tête et la queue de la courbe en cloche) car seuls ces 5-10% ont sans doute un comportement très risqué qui pénalise l’ensemble. Ils sont souvent déjà sanctionnés : ils n’ont plus de permis de conduire, ils meurent avant l’âge, …. Il est en général facile de les repérer et de les mettre en garde.

Alors pourquoi dépenser plus pour ne rien gagner ?

Avec un peu de bon sens, bon sang !

FEMERAC

[1] Une personne de plus de 80 ans consomme 6 fois plus de dépenses de santé qu’un jeune de 20-29 ans (source INSEE).

[2]  Par exemple en 1970 la taille des femmes était en moyenne de 1,60 m (le haut de la cloche), alors que seulement 7% des femmes mesuraient plus de 1,70 m (l’extrême droite de la courbe) et 4% mesuraient moins de 1,50 m (l’extrême gauche de la courbe).

Pour les puristes, tous les comportements ne suivent pas une loi normale. Ceci n’est vrai que si l’on traite des grands nombres. Par exemple le nombre d’accidents de voiture par individu ne suit pas une loi Normale mais une loi dite de Poisson car un individu a très peu d’accidents dans sa vie. D’où la justification du bonus-malus.

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