44ème chronique On ne parle pas comme ça d’un président…

Puisque cet ouvrage a créé des remous dans le landernau politique et médiatique, il fallait donc lire attentivement les 662 pages à l’écriture serrée du livre des deux grands reporters du Monde, Davet et Lhomme « Un président ne devrait pas dire ça… ». Peut-être est-on le seul en France à avoir eu cette exigence ; car, surprise, à l’inverse de ceux qui ont repris le commentaire de celui qui a repris le commentaire… de quelqu’un qui avait juste lu quelques pages, le président Hollande y apparait sous un jour plutôt favorable. Ce sont surtout les commentaires et critiques acerbes des journalistes, dont l’éthique est très discutable, qui donnent à cet ouvrage un caractère, il faut le dire, détestable[1]. A titre d’exemple,

  • page 201, « Et soudain, le prestidigitateur prend des allures de bonimenteur», sans que ce propos particulièrement agressif ne repose sur aucun fait ni aucune analyse ;
  • page 254 : « Délire de persécution, début de paranoïa? En même temps les faits auraient plutôt tendance à lui donner raison » ; pourquoi le traiter de cette manière s’il a raison ?

Au nom de quoi et de qui un tel dénigrement ? En tout état de cause, on ne parle pas comme ça d’un président. Le titre du livre lui-même est une provocation : Hollande a été très naïf de faire confiance à ces deux journalistes qui (cf le prologue) ne lui ont même pas permis de relire quoi que ce soit[2] et qui, in fine, dénigrent le personnage à un moment clé pour faire un best-seller : belle mentalité ! Mais l’ attitude de Hollande s’explique par son souci de mieux faire comprendre son action et à mon sens sur ce point et pour le lecteur honnête et attentif, il a réussi.

Nous avons dans nos chroniques beaucoup critiqué François Hollande pour son incapacité à trouver un souffle et une dynamique permettant de réduire le chômage (pourtant son objectif premier), de diminuer sinon vaincre la pauvreté et surtout, à la suite de la crise de 2008, de réguler un système capitaliste dont l’objectif premier devient de plus en plus de faire de l’argent avec de l’argent. Cette critique demeure : Hollande est un social libéral qui le revendique. Il ne mettra jamais en place les 32 heures (seule arme contre le chômage), ni le revenu universel à 1000 euros par mois (seule arme contre la pauvreté[3]) ni l’entreprise équitable (seule arme pour résoudre dès sa création le problème du partage des richesses et faire entrer l’entreprise dans le XXIème siècle).  Lesquelles mesures conjuguées avec une décision publique et privée (par incitations) systématiquement déterminée par des considérations écologiques et dans le cadre d’une démocratie locale réanimée, constituent les trois piliers d’une nouvelle économie, non révolutionnaire car elle ne remet pas en cause l’économie de marché, mais plus juste et plus efficace.   Mais aucun candidat aujourd’hui déclaré à la présidentielle de 2017 ne propose ces trois mesures et un tel système et cadre de décisions. On y reviendra.

Pour autant, la gestion sociale-libérale de Hollande n’est pas si critiquable si on la considère en tant que telle. C’est la (seule !) vertu du livre de montrer qu’un homme honnête et intègre, travailleur et extrêmement compétent en économie[4],  essaye dans tous ses processus de décisions et de nominations de prendre le recul nécessaire et de tenir compte des qualités et des défauts des hommes avant de les nommer. On comprend mieux ainsi qu’il a eu à subir en 2012 une situation économique catastrophique (Sarkozy ayant fait retarder au maximum les plans sociaux), des comptes publics dégradés (une dette de plus de 85% du PIB et un  déficit public de 5,2 % complétement en dehors des clous européens) et des impôts à la hausse décidés en 2011 pour s’appliquer en 2012 !

On comprend mieux ce qu’il s’est passé à Florange (aucun licenciement, des investissements supplémentaires et un centre de recherche ; la nationalisation partielle de Montebourg étant vouée à l’échec par les mesures de rétorsions annoncées par Mittal), à Notre Dame des Landes (le respect de la démocratie pour un projet voté par les élus et conforté par un référendum), pour l’écotaxe et les bonnets rouges (projet annulé car mal ficelé par Sarkozy pour application en 2014 !), au niveau européen (risque d’éclatement de la zone euro), avec le droit de vote des étrangers aux élections locales (majorité des 3/5 au Parlement réuni en Congrés introuvable), avec Valérie Trierweiler (et son livre déplacé) ,…

Sans réduire de beaucoup les dépenses publiques, c’est-à-dire sans austérité, il a augmenté les impôts (en plus des hausses Sarkozy-Fillon) pour réduire les déficits, mais 75 à 80 % des recettes fiscales nouvelles ont été trouvées chez 10 % des contribuables, ce qui est redistributif (page 224).

Sa politique de l’offre (le CICE crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi, la loi travail) s’explique par la mauvaise situation des entreprises depuis la crise de 2008. Une politique de la demande ne peut se mettre en place que si les entreprises peuvent y répondre. C’est l’absence de contreparties en termes d’emplois et d’investissement qui est critiquable.

Bref il fallait avoir sur l’action de François Hollande un regard plus objectif pour quelqu’un dont les auteurs conviennent pourtant (p289) qu’il a honoré à l’automne 2016 l’essentiel de ses promesses.

                                                                                                                  * *  *

La prochaine élection se fera sans Sarkozy et sans Hollande, trop impopulaires. Nous avons perdu notre pari (cf Chronique n°2). La présidentielle est donc ouverte entre une gauche éclatée, un François Fillon qui se croit au XIX ème siècle et une Marine Le Pen qui veut transformer la France en citadelle haineuse. Les combats qui s’engagent seront acharnés !!!

Avec un peu de bon sens, bon sang !

FEMERAC

[1] Que le lecteur non convaincu par mon propos s’astreigne à ne lire dans le livre que les passages entre guillemets, c’est-à-dire les seules paroles citées de Hollande. L’exercice est éclairant !

[2] François Hollande a promis, parce que le président est juridiquement inattaquable, de ne pas ester en justice au cours de son mandat. Promesse tenue, y compris lors de l’affaire Closer avec son scooter et Julie Gayet.

[3] Le dossier récent d’Alternatives Economiques (Novembre 2016) sur le sujet, qui doute de la faisabilité financière d’un tel revenu, devrait tenir compte de notre 31ème chronique d’avril dernier : ce revenu est financé parce que chaque euro de revenu tiré du travail ou du capital est systématiquement soumis à l’impôt dans le cadre d’un système fiscal très progressif. Ceci est juste, efficace et pertinent.

[4] Ce qui n’est pas le cas des deux journalistes dont les commentaires économiques prêtent à sourire, en particulier à propos de Keynes et des salaires (p218).

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