49ème chronique L’Etat Stratège

Drôle de campagne présidentielle où les élus des primaires de droite et de gauche, pourtant mobilisatrices, sont en mauvaise posture dans les sondages. Le premier parce qu’il s’est fait prendre la main dans le sac (lamentable !), le second parce qu’il a réduit sa mesure phare, son revenu universel, comme peau de chagrin sans l’avoir jamais vraiment bien expliqué et donc bien fait comprendre et peut-être aussi un peu par manque de charisme.

Il reste au centre un évangéliste du « ne changeons rien », et à gauche un prédicateur du « changeons tout ». Ne parlons pas de l’extrême droite, avec une candidate sortie tout droit de la halle aux poissons en proclamant « revenons en arrière entre nous ».

Sur le fond, des tas de propositions plus ou moins libérales, plus ou moins sociales, dont on cherche vraiment le sens et la finalité.

Or voter pour un président de la République Française c’est adhérer à une vision, passer un contrat avec un personnage qui va fixer le cap, les grandes lignes directrices d’une stratégie visant à améliorer le sort des français. Pas pour inaugurer les chysanthèmes. Aussi est-ce inutile de demander aux candidats à un tel poste quel est le prix du ticket de métro ou s’il va continuer à augmenter le nombre de radars sur la route.

De la hauteur, vous dis-je !

Et puis un président ne peut pas tout faire et surtout ne doit pas tout faire : il doit diriger un Etat dont le rôle, en dehors des fonctions purement régaliennes (la police, l’armée, la justice, la monnaie et l’impôt), est de réguler et d’inciter, à partir de cette vision et de ce contrat avec le peuple. Le rôle de l’Etat n’est pas de faire à la place des acteurs de la vie civile. C’est le rôle d’un Etat Stratège.

Et cette vision, quelle pourrait-elle être ? Si l’on veut ici résumer ici nos 48 chroniques précédentes :

  • Eradiquer la Pauvreté et la Précarité avec la mise en oeuvre d’un véritable Revenu Universel. Je persiste et signe en disant que verser 1000 euros par mois à tous les majeurs et 500 euros à tous les mineurs ne coûterait que 35 milliards  (en plus des 100 milliards déjà financés aujourd’hui  pour les mesures de  solidarité auxquelles ce revenu  se substituerait). C’est-à-dire pas grand-chose (1,7 % de la richesse nationale). Cf ma chronique précédente reprise en partie dans le Monde.fr (Voir l’article)
  • Réduire drastiquement le chômage: par le passage aux 32 heures négociées par entreprise et avec comme contrepartie une réduction des charges sociales pour que le coût soit nul ou faible. Rappelons que la France est des pays les plus productifs du monde (au sens de la richesse créée par individu). Et que cette productivité essentiellement liée à l’automatisation a été fort heureusement accompagnée d’une baisse de la durée du travail. On se retrouverait sinon avec un chômage de plus de 10 millions de personnes ! (voir les travaux de Larouturrou et Méda).  Bien sûr on peut aussi améliorer notre positionnement dans la concurrence internationale, mais cela est lié à la capacité des entreprises de produire des produits de haute valeur ajoutée (comme en Allemagne).
  • Transformer la redistribution des richesses grâce à la mise en œuvre progressive de l’entreprise équitable où les salariés perçoivent sous forme d’actions un tiers de de la richesse restante une fois payées les charges dont les salaires. Avec le droit de participer au Conseil d’Administration. Cette entreprise du XXIème siècle est la seule façon de mobiliser toutes les énergies et de diminuer les inégalités. Cf notre article dans le Monde (avec Claude Escarguel et Hubert Viallet) – (Voir l’article)
  • Eradiquer l’agriculture non biologique en 15 ans par des incitations réglementaires et financières fortes et le nucléaire en 50 ans par une maitrise de la filière du démantèlement et la mise en œuvre des énergies renouvelables et le stockage efficace de l’électricité.

Tout le reste est certes important (la sante, l’éducation, la culture,…) mais en fait secondaire et découle en vérité de ces quatre orientations refondatrices. Dans cette présidentielle on en est loin.

Avec un peu bon sens, bon sang !

FEMERAC

 

26 ème chronique Lettre ouverte au président du MEDEF

« Monsieur le président,

J’ai récemment appris par la presse que vous demandiez au gouvernement de développer un plan d’urgence contre le chômage en déployant des mesures de même importance que celles déployées contre le terrorisme (cf par exemple Le Point du 8 décembre). Je ne saurai que vous féliciter d’une telle initiative.

Mais si vous êtes sans doute, monsieur le président, un grand capitaine d’industrie, il me semble à vous écouter que votre vision économique est restreinte au seul monde de l’entreprise et à la recherche de sa seule rentabilité. Ce que vous demande sans doute vos adhérents. Pour autant cette seule vision microéconomique vous empêche malheureusement de trouver les vraies solutions contre le chômage. Je me propose modestement de compléter votre vision.

Vous ne pouvez pas ignorer que l’Etat n’a que très peu de marges de manœuvres pour lutter contre le chômage. Le budget de l’Etat est déjà très déficitaire et ses marges de manœuvre sont nulles ; il est même demandé à la France dans le pacte de stabilité européen de réduire davantage ce déficit, ce que le président Hollande, habile tacticien, se garde bien avec raison de faire. Quant à la politique monétaire, la BCE, la Banque Centrale Européenne, qui en est responsable, inonde l’Europe de liquidités qui devraient être utilisées pour doper l’investissement, mais qui ne servent en définitive aux banques qu’à maintenir artificiellement les valeurs boursières.

La réglementation est une autre marge de manœuvre de l’Etat : allègements fiscaux ou de charges sociales entre autres. Le pacte de compétitivité de François Hollande, destiné là aussi à redonner des marges de manœuvres aux entreprises  et qui devrait coûter 40 milliards d’euros n’a sans doute pas porté encore tous ses fruits mais ce n’est pas et ne sera sans doute jamais un franc succès.

Donc , Monsieur le Président, l’Etat peut peu et les solutions de relance de l’activité et de la création d’emplois, notion plus simple à suivre que le niveau du chômage, sont en définitive entre vos mains. Pourquoi ?

Pourquoi en effet alors que les marges financières de vos entreprises adhérentes ont fortement augmenté en 2015 (plus de deux points ce qui n’est pas rien) suite au pacte de compétitivité (et aussi grâce à la baisse du coût des matières premières), l’investissement que tout le monde attend pour relancer la croissance et l’emploi tarde-t-il tant à augmenter ?

J’ai peur, Monsieur le président, que la réponse à cette question soit si simple qu’elle soit connue même dans les bistrots parisiens où vous pourriez de temps à autre aller boire un petit ballon : les salaires sont insuffisants. Et vos patrons l’ont bien compris : pourquoi investiraient-il si personne n’achète les produits qu’ils fabriquent faute de moyens ? Ils préfèrent alors jouer au Monopoly en achetant des concurrents, distribuer des dividendes ou investir en bourse : voilà pourquoi Madame la Marquise votre fille a tant de bijoux.

Même Monsieur Ford dans les années 20 du siècle dernier avait compris qu’il fallait bien payer ses ouvriers pour qu’ils puissent acheter les automobiles qu’il produisait désormais en série.

Et ne me dites pas, tel un refrain surrané, qu’une hausse des salaires nuirait de façon drastique à la compétitivité de vos entreprises. Puisque de ces marges vos adhérents ne font rien, autant susciter une augmentation de la consommation des ménages. Les entreprises en réelle compétition internationale sur la base des prix ont toutes déjà été délocalisées dans les pays à bas coûts ; comment lutter de toute façon contre des entreprises, y compris au sein de l’Union Européenne, qui ont un coût salarial 3 ou 4 fois inférieur. C’est sans doute là le plus important : la compétitivité prix n’est qu’un aspect du problème : il faut produire des biens de haute valeur ajoutée utilisant la haute technicité des salariés français.

J’aime donc à penser que votre organisation ne sert pas seulement à défendre les intérêts à court terme des entreprises adhérentes dans les commissions et les négociations sociales. J’aime à imaginer qu’elle crée les conditions d’émergence et de développement de start-up, qu’elle sait encourager l’innovation, qu’elle suscite les hausses de R&D, qu’elle développe avec l’Université et les Grandes Ecoles des contrats de formation et de recherche …

J’aime aussi à penser que pour dynamiser la créativité et la motivation au sein des personnels, vous réfléchissez à la mise en œuvre d’une entreprise qui donnerait la parole aux salariés et une participation plus active aux décisions et aux résultats (l’entreprise équitable, voir la 21ème chronique de Femerac).

Je me surprends soudain à rêver d’un monde d’entreprises à de hauts salaires, avec de la créativité et de l’innovation encouragée et relayée, à de la productivité par la motivation et l’envie. Et un faible niveau de chômage.

Monsieur le président voulez-vous partager mon rêve ?

Avec un peu de bon sens, bon sang !

 

Je vous prie d’agréer, Monsieur le Président, l’expression de mon plus profond respect. »

 

FEMERAC

Bien sûr, …des fascistes en puissance ! 2 avril 15

Lors des élections départementales « nouvelle formule », les français (en dehors des parisiens) ont voté pour un couple homme-femme politique dont on se demande bien comment ils vont travailler ensemble et surtout dans quel cadre futur tant l’avenir des départements est incertain dans sa forme (combien  de temps les départements vont-ils continuer à exister ?) et sur le fond (quelles seront les futures prérogatives des assemblées départementales ?).

Mais ceci, qui est cocasse, n’est pas le plus important.

Car les français se sont mobilisés pour voter davantage pour des partis que pour des individus (sauf pour les personnalités les plus en vue et encore). Tant il est toujours vrai que les élections intermédiaires entre deux présidentielles sont un test de satisfaction (et plus souvent de mécontentement) pour le gouvernement en place. Or le résultat est clair : faute d’une véritable vision politique mobilisatrice, la gauche au pouvoir a été sanctionnée puisqu’au premier tour, le PS et ses alliés y compris les verts (qui sombrent !) n’ont obtenu que 24 % des suffrages exprimés. La gauche Mélenchoniste qui n’a toujours qu’une faible crédibilité tant son discours parfois pertinent est trop critique, trop confus et surtout trop global (j’y reviendrai un autre jour) reste à un niveau médiocre : 6%. Le Modem n’existe plus et la droite réunie (sarkoziste ? sans doute pas !) attire à peine de 30 % d’électeurs  soit le score assez médiocre de son leader au premier tour de la dernière présidentielle.

Non, le résultat le plus inquiétant, même s’il était annoncé encore plus important , c’est que 25 % des français ont voté pour les forces brunes au premier tour et un français sur trois lors du second tour lorsqu’ils étaient concernés. Je dis bien des français car le discours consistant à dire que le FN ne réunit  qu’un quart de 50 % de votants exprimés soit « seulement » un huitième de la population  est une manipulation mentale de commentateurs irresponsables enfouissant tels des autruches leur tête dans le sable. On peut en effet considérer d’un point de vue statistique que l’expression de plusieurs millions de français est représentative de l’ensemble et donc que l’on peut appliquer les taux obtenus à toute la population. Sauf s’il était démontré que les abstentionnistes appartiennent à des catégories à part mal représentées dans les votants (Catégories Socio-Professionnelles, niveau d’éducation,….). Or les sondages Ipsos réalisés en 2014 montrent que ce n’est pas le cas et qu’il est même possible que le FN soit davantage  représenté dans les abstentionnistes que parmi les votants.

Donc un français sur quatre est en puissance fascisant . Je pèse mes mots. Dans les années 1930 les allemands, au coeur d’une crise économique grave et devant payer un lourd tribut financier aux vainqueurs de la guerre (ceci est un sujet à part entière), ont voté pour Hitler ; et les forces économiques et politiques de l’époque (cf les Ecrits sur l’Allemagne 1932-33 de Simone Weill) ont de fait laissé ce dernier devenir chancelier, le trouvant sans charisme et facilement manipulable !!!  80 ans après, l’histoire semble se répéter : on laisse Marine la brune exacerber sous un masque démocratique, que n’a jamais porté son père plus honnête dans l’ignominie, les tendances xénophobes, racistes et haineuses des esprits faibles de la Nation. N’oublions jamais que les allemands occupants étaient eux-mêmes étonnés, voire écoeurés, pendant la seconde guerre mondiale, par les dénonciations incessantes de nombreux français à l’encontre de leurs voisins. Un français qui vote FN est totalement responsable de la montée en puissance de ces forces brunes et il n’est pas possible d’affirmer que ces votes ne sont que l’expression d’un mécontentement passager. D’une part parce qu’il est méprisant pour la démocratie où le vote de l’idiot du village a le même poids que celui du professeur au Collège de France et c’est normal, de considérer que le vote de tout français  est moins important ou moins significatif ou moins responsable qu’un autre ; on peut sociologiquement commenter mais on a le devoir de respecter les votes.  D’autre part on peut expliquer ce vote par les égarements du gouvernement et la déception qu’il provoque  dans les couches populaires qui font face au chômage et à des fins de mois difficiles ainsi que l’absence d’alternative crédible de la droite républicaine, mais ceci ne peut en aucune façon justifier le vote pour l’extrême droite.

Le premier ministre a donc raison de combattre le FN en tant que tel, même s’il le fait pour de mauvaises raisons (électorales) et même s’il  est coresponsable de sa montée en puissance. Mais il est très décevant (et très dangereux pour l’avenir) que les forces intellectuelles vives de la Nation ne se soient guère mobilisées dans ce combat contre le fascisme naissant. On voit seulement Beate et Serge Klasfeld (qui s’y connaissent en fascisme (cf leurs Mémoires qui viennent de paraitre) s’exprimer durement dans le Nouvel Obs, mais pas d’appels ou de pétitions aux illustres signatures, ni défilés massifs comme en 2002. Grave je vous dis.