45ème chronique Piketty n’a pas tout compris !

Dommage ! Thomas Piketty, économiste désormais mondialement connu pour ses travaux sur les inégalités de revenu et la rentabilité du capital[1], a écrit un article (Le monde du 11 décembre « Revenu de base ou salaire juste) ») dans lequel il remet en cause l’intérêt du Revenu Universel car dit-il « si nous voulons vivre dans une société plus juste, alors il faut formuler des objectifs plus ambitieux, concernant l’ensemble de la répartition des revenus et de la propriété. » Vérité stratégique mais erreur tactique, commune à beaucoup d’acteurs de gauche (le revenu universel n’est pas dans le programme présidentiel de Jean-Luc Mélenchon pour la même raison que Piketty).

Bien sûr qu’il faut chercher à augmenter les salaires : on a, dans ces chroniques, largement commenté, comme beaucoup d’auteurs, le fait que la diminution de la part des salaires dans la valeur ajoutée depuis l’ère Reagan-Thatcher, était la cause profonde des crises économiques depuis 35 ans, crises résolues à court terme par une fuite en avant dans l’endettement. On a même écrit en ce sens au président du Medef (cf 26ème chronique de janvier 2016). Le problème c’est qu’on ne décrète pas du jour au lendemain un renversement de la distribution des revenus dans les entreprises. C’est le résultat d’un rapport de forces qui est très défavorable aux salariés quand le chômage est élevé (« si tu n’es pas content de ton maigre salaire, la porte est là, ils sont des milliers à lorgner ton emploi, … »).

Alors encore attendre avant de résoudre le problème crucial de la pauvreté ?!

A tout vouloir changer, on ne change rien. Le Revenu Universel à 1000 euros par mois pour les adultes et 500 euros pour les enfants (Benoît Hamon et les Verts sont bien timides dans leurs propositions[2] !) éradique la pauvreté, au moins au sens statistique du terme (revenus inférieurs à 60 % du revenu médian soit 1000 euros).

On peut le mettre en place rapidement (cf 31ème chronique d’avril 2016) en remplaçant toutes les aides et la plupart des exemptions fiscales (dont la famille), sans ne toucher évidemment ni aux indemnités chômage ni aux retraites qui sont des salaires différés. Son financement est simple : les entreprises continuent de payer (comme pour les allocations) mais de façon simplifiée et tout revenu est soumis à l’impôt de façon très progressive dès le premier euro gagné (hors revenu universel).

Quand Piketty affirme « je comprends mal ceux qui s’obstinent à vouloir verser un revenu de base de 500 euros par mois aux personnes touchant 2000 euros de salaire, pour ensuite reprendre la même somme en augmentant les impôts prélevés à la source. », il n’a décidément pas tout compris. Car il y a beaucoup de des gens qui ont un salaire un jour et rien ou pas grand-chose le lendemain : le revenu universel garantit de quoi vivre tout le temps, il crée une relation au travail différente, moins angoissée, plus mature, il laisse le temps pour la formation, il fait du chômage une période moins stressée. En lien avec les 32 heures, il permet de faire face à une société de plus en plus automatisée dont le salarié subit les impacts négatifs sur l’emploi. Il permet une simplification considérable des procédures administratives qui encombrent les instances départementales et les mairies, en supprimant tous les effets de seuil très  mal perçus, et de faire ainsi d’énormes gains de productivité dans la fonction publique permettant de combler les carences dans les hôpitaux ou l’éducation, …

Alors les hausse de salaires, bien sûr. Mais le revenu universel c’est maintenant[3].

* * *

Il faut reconnaitre que les deux journalistes du Monde que nous avons à juste titre vilipendés pour leur livre « un président ne devrait pas dire ça, … » ont reconnu, sans commentaires trop désagréables, le rôle digne et pertinent de Hollande à l’international (si Obama avait suivi Hollande en août 2013 sur les frappes en Syrie, on n’aurait pas eu Alep aujourd’hui !) et face au terrorisme (en dehors de l’erreur reconnue sur la déchéance de nationalité qui nous avait valu le très beau texte de « Murmures à la jeunesse »). On maintient ici, en synergie avec Julien Dray, et malgré quelques critiques (sympathiques) reçues, que ces confidences du président constituent un bel exercice de démocratie. Si Hollande a renoncé à son renouvellement, il est possible qu’il prenne rapidement des responsabilités dans des instances internationales.

Avec un peu bon sens, bon sang !

FEMERAC

[1] « Les hauts revenus en France au XXème siècle » (Grasset 2001) et surtout « Le capital au XXIème siècle » (Seuil 2013)

[2] Un Revenu Universel à 750 euros par mois ne résoud rien car c’est à peu près ce que touchent aujourd’hui les pauvres en moyenne avec le système particulièrement complexes d’aides.

[3] Compte-tenu de l’importance du sujet et de l’incapacité des commentateurs de donner une vision claire du RU, nous allons nous donner pour tâche en 2017 (c’est bientôt l’heure des vœux) d’écrire un fascicule « le revenu universel à 1000 euros par mois, c’est juste, c’est maintenant et c’est possible ».

 

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