37ème chronique Démocratie et Crise de représentation

Dans la matinale des Echos du mercredi 13 juillet, Pierre Larroutourou lançait un cri du cœur : «  J’en ai marre de voter tous les cinq ans pour le moins nul ! » On en est tous là. Pourquoi ?

Il y a tout d’abord le problème de la toute-puissance du Président dans la constitution de la Vème République. Cette situation créée par le général de Gaulle focalise l’attention et toute la vie politique sur l’élection de ce président indéfectible puisque non responsable ni devant l’Assemblée ni devant la Justice. Bien sûr il faut supprimer ce cas unique dans les démocraties occidentales et passer à une VIème constitution qui supprimerait cette aberration.

Mais c’est largement insuffisant car la crise de représentation est profonde. La plupart des français, mais aussi la plupart des occidentaux, ne se retrouvent pas dans les discours et les actions des politiques pour plusieurs raisons :

  • D’abord des raisons liées à la complexité du monde moderne et à la mise en vitrine permanente des politiques. Il ne s’agit plus seulement de construire des routes, des écoles et des hôpitaux avec une croissance forte et donc des moyens financiers importants. Il s’agit désormais d’organiser la cité, de lutter contre la pollution et les risques climatiques, de faire front face au terrorisme, de développer la culture, de créer de la solidarité, de lutter contre le chômage,… Et l’on demande au politique à la radio ou à la télévision s’il connait le prix d’un ticket de métro ou combien de romans il a lu dans l’année… De ce fait le politique qui émerge est un personnage plus beau parleur que grand penseur (dans le Nord, pardon les Hauts de France, on dit « grand diseux , petit faiseux »).
  • De ce fait les politiques nationaux sont très souvent déconnectés de la réalité. Ils rencontrent des gens mais de manière superficielle. Leur intérêt est concentré sur la machine électorale que constitue leur parti politique, mécanique obligatoire pour se faire connaitre et du coup gagner les élections. Il est révélateur que près de 70 % des députés français (cf enquête du Laboratoire d’idées En Temps Réel) n’ait jamais connu l’Entreprise et donc ne connaissent vraiment les problèmes propres ni des entrepreneurs ni des salariés.  De plus, la facilité de vivre dans les ors de la République et le cumul des salaires avec le cumul des mandats contribue à accentuer ce décalage. Que connait un ministre, de quelque bord qu’il soit, de la difficulté d’un ménage à boucler ses fins de mois. François Hollande, sorti brillamment de l’ENA ce qui lui a permis de pénétrer les réseaux mitterrandiens, a passé sa vie à organiser ses élections et continue de le faire sans aucun intérêt pour l’avenir de la France.
  • La démocratie représentative qui est la nôtre est devenue une machine à élire à échéance donnée des individus que l’on ne connait pas, qui ont de fait peu de comptes à rendre car même leur réélection n’a qu’un lointain rapport avec les résultats obtenus de par le jeu des machines électorales et du marketing associé. Jean-Claude Gaudin, à la tête de la ville de Marseille dont la dette par habitant est la plus importante des grandes villes de France et la gestion catastrophique a été réélu trois fois depuis 1995.  En 2002, à sa grande surprise, puisqu’il avait réalisé le MUCEM, alors qu’il n’en est pas du tout à l’initiative (Cf le livre déjà cité de PUJOL), et parce que son concurrent direct socialiste (Patrick MENUCCI) avait une image de marque déplorable. Pour être sanctionné par les urnes encore faut-il que la concurrence soit sérieuse ! Rappelons aussi qu’un élu sélectionné pour le deuxième tour des élections avec 30 % des voix au premier tour avec une participation de 50% est choisi par 15 % de la population ! Belle représentativité !
  • Cet état de fait de la représentation milite aujourd’hui pour que soient sélectionnés des personnalités extraverties et empathiques , qui jouent habilement des réseaux et développent avec habileté une langue de bois faite de promesse souvent mensongères ou intenables (Cf Sarkozy « je vais réduire d’un tiers la pauvreté en cinq ans », Hollande « mon ennemi c’est la finance » mais  aussi Boris Johnson avec le Brexit et… Doanld Trump) tant la priorité n’est que l’élection.
  • Au pouvoir les élus ne font que gérer sans originalité dans une vision social-libérale quand ils sont de gauche ou libéralo-sociale quand ils sont de droite. La crise de 2008, qui a laissé de fait les économies occidentales exsangues, a rendu la tâche des politiques sans idées impossible. Cela a accru le décalage entre l’attendu des populations (croissance et emploi) et la réalité, créant une insatisfaction chronique. Là où il aurait fallu prendre des mesures radicales : réduction de la durée du travail, soutien massif aux PME avec contrepartie d’embauches, généralisation du chômage partiel pris en charge collectivement, grands travaux écologiques,… (cf chroniques précédentes), les politiques ont développé des politiques traditionnelles inefficaces fondée sur une foi abusive voire naïve dans les lois du marché.

Mais cette situation, nous l’avons créée et nous la méritons ! Car le nez dans le guidon de nos problèmes personnels, familiaux ou professionnels, nous négligeons la chose publique. Il n’y a pas de salut à la crise de représentation sans une réappropriation de l’engagement de tous dans la vie collective.  Comment ?

  • Au niveau local en créant des comités de quartier, force de propositions, qui élisent leur conseiller municipal et qui interfèrent en permanence avec le pouvoir local. Ces délégués pourraient proposer à la population trois ou quatre personnes avec un programme pour l’élection du maire mais surtout du responsable de l’intercommunalité qui va se substituer progressivement à la commune.
  • La suppression des départements est inéluctable. Rappelons (cf “l’Identité de la France” de Fernand Braudel tome 1) qu’à la Révolution, le canton était créé pour qu’on puisse aller (et revenir) à son chef-lieu dans la journée ; et le département faire l’aller-retour à cheval. Rappelons qu’il existe aujourd’hui des voitures, des bus, des trains,… Seule la région restera. Y seront élus des représentants des intercommunalités avec lesquelles ils interféreront Les quartiers seront ainsi associés indirectement à la vie régionale.
  • Le cumul des mandats sera interdit sauf entre membres non exécutifs des intercommunalités et les régions.
  • Après la suppression du Sénat, les députés de l’Assemblée Nationale seront élus sur la base d’un programme, à partir des regroupements de quartier auxquels ils rendront compte de leurs actions et de la vie publique nationale.
  • Les députés élisent un premier ministre responsable devant l’assemblée. Il n’y a plus de président, sauf peut-être comme en Allemagne un déposeur de chrysanthèmes.
  • L’appel au référendum sera fréquemment autorisé (comme en Suisse) sur les grandes orientations.

C’est simple à mettre en œuvre, cela crée d’énormes économies de gestion. Mais ceci ne fonctionne que si chacun s’implique. Pour une vraie démocratie représentative et participative.

Avec un peu de bon sens, bon sang !

 

FEMERAC