38ème chronique Qui doit payer les biens et services publics ?

On achète la nourriture que l’on mange, on paye sa place de cinéma, sa facture de téléphone, l’électricité que l’on a consommée, … On paye des biens dont l’usage est privé : ce sont les biens privés. L’Etat finance l’armée, les digues, les fonctionnaires des impôts, … les biens dits publics qui profitent à tout le monde et dont il est malaisé de trouver des bénéficiaires qui pourraient les financer.  Mais ce principe de base du fonctionnement de l’économie atteint vite ses limites, car il se heurte à des choix politiques liés au vivre ensemble et à l’intérêt collectif.

L’éducation en est un bon exemple : puisque l’école est obligatoire en France jusque 16 ans il est logique que l’Etat finance l’école primaire et secondaire. Mais au-delà la question se pose : aux Etats-Unis la plupart des universités sont privées et très chères ; en France le phénomène se généralise avec le développement des écoles de commerce mais toutes les universités et grandes écoles scientifiques restent quasi-gratuites [1]. D’aucuns prétendent que le système américain est plus juste car ces études donnent accès à des emplois de rémunération élevée, ce qui permet à ces diplômés de rentabiliser l’investissement effectué ; alors qu’en France l’Etat financerait abusivement les futures catégories socio-culturelles élevées. Ce sont des arguties car de fait ce sont ces catégories sociales qui payent le plus d’impôts et donc financent de fait ex-post leurs études ou celles de leurs enfants. Mais le système français a l’énorme avantage de ne pas mettre de frein financier à l’accès aux études supérieures ce qui est le cas aux Etats-Unis où les deux tiers des diplômés sont endettés avec un encours de dettes qui dépasse les 1000 milliards de dollars (la moitié de la dette de l’Etat français !)(cf Le Monde du 26 octobre 2011). Et les diplômés français ne sont pas moins bien formés que leurs homologues outre-Atlantique, loin de là, …

 

Les routes sont financées par les collectivités publiques mais les autoroutes sont souvent soumises à péages (c’est le cas de manière presque générale en France) et concédées à des sociétés privées qui les entretiennent, alors que l’investissement a été financé sur fonds publics. Or ce système est une aberration économique. Car les péages découragent certains conducteurs (peu fortunés) ou des camions qui vont surcharger les routes secondaires entrainant sur ces routes des surcoûts d’investissement et des surcroits d’accidents alors qu’il faudrait au contraire encourager le maximum de véhicules à utiliser les autoroutes plus roulantes et plus sécurisées et laisser les autres routes (y compris les nationales) aux seuls déplacements locaux.

Les transports collectifs (trains, bus, cars) sont souvent subventionnés par les collectivités locales. Ils devraient être complétement gratuits et développés.  Tout simplement parce que ces transports se substituent en grande partie à l’utilisation de la voiture : s’ils sont électriques ou à carburant écologique et si l’on réduit les possibilités d’accès des voitures en ville, ces transports gratuits permettraient une économie très substantielle d’émissions de CO2 et d’autres polluants et éviteraient de nombreux investissements destinés aujourd’hui à accueillir un nombre croissant de voitures et des tas d’investissements coûteux en barrières, portiques,…et le financement de toute une kyrielle de personnels coercitifs qu’on pourrait recycler en partie en aides à la personne dans les gares, les trains et les bus . Car que dire des tarifs incompréhensibles ou de la recherche éperdue de tickets, …  La gratuité n’entraine pas ici de gâchis (argument classique) car on ne prend pas de transport collectif pour le plaisir mais bien pour satisfaire un besoin de déplacement.

Bien sûr rendre un bien public gratuit ou financé par la collectivité impose que l’absence de paiement par l’individu soit financée par l’impôt. Mais quelle joie de payer sa juste contribution d’impôts si on accède gratuitement aux routes, autoroutes, trains, bus et système éducatif ! La tendance est plutôt aujourd’hui et à l’inverse à une individualisation du paiement des coûts. Cela passe mieux dans l’opinion publique française allergique à l’impôt mais ce n’est la plupart du temps pas très pertinent économiquement ou écologiquement.

Et ne parlons pas des Partenariats Public-Privé (les fameux PPP) qui laissent la réalisation d’un investissement public à un partenaire privé auquel on paye pendant 20 ou 30 ans des rémunérations annuelles colossales qui du coup surchargent (mais de manière diluée car sur longue période) les finances publiques sans alourdir (de manière fictive ![2]) la dette.

Avec un peu de bon sens, bon sang !

FEMERAC

[1] Car les frais d’inscription sont faibles.

[2] Car tout se passe en fait comme si la collectivité publique empruntait à un groupe privé et lui versait chaque année remboursement du capital et intérêts.