33ème chronique Les cinq propositions de Nouvelle Donne (2)

Les deux mesures suivantes (cf la chronique précédente) préconisées par  Pierre Larrouturou et Nouvelle Donne pour enrayer l’hémorragie du chômage en France sont des mesures de relance de l’activité :

La première propose d’investir massivement dans les logements : c’est une promesse de tous les candidats à toutes les élections. François Hollande promettait, en 2012,  2,5 millions de logements sur 5 ans, soit 500 000 par an. On en est péniblement à 350 000.  Larrouturou propose 800 000 logements annuels, qui créeraient près de 300 000 emplois supplémentaires et permettraient une détente du marché du logement et donc une baisse des loyers (et passer de 12,4 euros/M2 à 8,4 comme en Allemagne), avec une économie moyenne de 280 euros par mois, augmentant ainsi le pouvoir d’achat. Cela aurait aussi pour effet de diminuer dans les mêmes proportions la valeur des logements ce que Larrouturou ne dit pas. 

Comment financer : en utilisant, comme c’est le cas aux Pays-Bas,  les 37 milliards du FRR, le fonds de réserve des retraites, placées aujourd’hui sur les marchés financiers (risqués !) et dont les intérêts doivent financer une partie des retraites à partir de 2020.

On se demande en effet pourquoi un fonds public de placement n’est pas sollicité pour agir sur l’économie réelle. Comme le font la Caisse des dépôts (qui pourrait peut-être faire mieux) ou la Banque publique d’investissement (excellent promesse tenue par le président pour financer les entreprises).

Mais il ne suffit pas de décréter de financer la construction de 800 000 logements. Encore faut-il qu’il y ait une demande solvable (soit privée soit publique pour les logements sociaux) qui n’émerge pas spontanément, sinon le problème ne se poserait pas.  L’Espagne (et la Chine et bien d’autres) regorge de logements vides.  Il faut donc aller plus loin que la bonne mesure préconisée par Nouvelle Donne et créer une dynamique entre promoteurs, clients potentiels, mairies (pour les sols) et financeurs. Vaste programme pas simple, qui explique sans doute pourquoi cette promesse n’est jamais tenue !

La seconde propose d’investir 1000 milliards pour sauver le climat. Au niveau européen s’entend. Ce qui représenterait 40 milliards pour la France. Il s’agirait d’utiliser les 50 milliards mensuels de liquidités fournies depuis janvier 2015 par la Banque Centrale Européenne (BCE) aux banques en contrepartie du rachat d’actifs (c’est ce qu’on appelle en jargon monétaire le Quantitative Easing et qui est de fait une création de monnaie ex-nihilo pour soutenir l’activité). Que font en effet les banques de cette manne : pas grand-chose sinon racheter des dettes souveraines (c’est pour cette raison que les taux d’intérêt des dettes sont aujourd’hui si bas, voire même négatif, ce qui est un comble !) ou intervenir sur les marchés financiers (c’est pour cela que la Bourse se porte relativement bien au regard de la médiocrité de la situation économique). Il serait dès lors plus efficace sur l’activité réelle que les Etats Européens créent des fonds spéciaux sur le climat auxquels la BCE pourrait effectivement prêter à un taux nul. Encore faut-il que les Etats s’entendent sur ce point, ce qui n’est pas gagné. Et pourtant ils viennent de signe l’accord de Paris (COP21).

Ces deux mesures proposées par Nouvelle Donne sont pertinentes et efficaces dans la lutte contre le chômage et le réchauffement climatique, mais plus difficiles à mettre en œuvre que les premières car il y faudrait  une véritable volonté politique et une dynamique présidentielle ! Un dernier sursaut peut-être ?

Avec un peu de bon sens, bon sang !

FEMERAC

32ème chronique Les cinq propositions de Nouvelle Donne (1)

Pierre Larrouturou, fondateur en 2013 et co-président de Nouvelle-Donne (parti sympathique mais malheureusement méconnu), auteur bien connu pour militer en faveur des 32 heures depuis des lustres, a écrit en octobre dernier un ouvrage provocateur « Non-assistance à peuple en danger » (Fayard, octobre 2015) où il reproche au président actuel son immobilisme qui conduit à continuer d’augmenter le chômage, lequel ferait, selon Pierre Meneton, chercheur à l’INSERM, entre 10 000 et 20 000 morts par an, d’où le titre du livre.

Pour arrêter cette hémorragie, Larrouturou et Nouvelle Donne proposent cinq mesures pertinentes qui pourraient être facilement et rapidement  mises en œuvre. Les trois premières visent surtout à améliorer le fonctionnement de l’économie et à éviter les pertes d’emplois.

  • Généraliser le chômage partiel : c’est une mesure déjà préconisée en son temps par Arnaud Montebourg, qui n’a pas pu la mettre en œuvre (pourquoi ?) et qui consiste, dans les entreprises en difficulté, à maintenir les salariés dans l’entreprise et à diminuer leur temps de travail et leur salaire, leur revenu étant compensé jusqu’à 95 % par une aide de l’Etat. Ce système, beaucoup moins coûteux que le chômage, a été mis en œuvre au Canada et en Allemagne après la crise de 2008 et a largement fait ses preuves car la chute d’activité, qui a été deux plus brutale en Allemagne qu’en France entre 2009 et 2011  (-4,6 % contre -2,3% car l’économie allemande est plus sensible à la baisse des exportations), s’est traduite par une hausse du chômage presque trois fois moindre (+ 220 000 contre + 600 000) !
  • Séparer les banques de dépôt des banques d’affaire : cette mesure, préconisée par tous les observateurs (sauf les banques !!) après la crise de 2008 permettrait de retrouver le système ayant fonctionné de façon saine aux Etats-Unis depuis le vote du Glass-Seagal Act en 1933 (voté sous Roosevelt en trois mois !) ; cet Act a été largement contourné par les banques dans les années 1970 et abrogé en 1999 par Clinton. Cette mesure empêche les banques de spéculer sur les marchés financiers avec l’argent des dépôts des particuliers et des entreprises, interdisant du coup de mettre en danger les dépôts (ce qui est arrivé en 2008), rendant ainsi les banques (et leurs actionnaires) responsables et obligeant de fait les banques de dépôt (très frileuses !) à réorienter leurs prêts vers l’industrie et l’économie réelle. La loi de 2013 en France sur la régulation et la séparation des activités bancaires ne règle qu’en très petite partie ce problème. Bravo le lobby bancaire !
  • Protéger et renforcer les PME : la grande mortalité des petites entreprises est liée en partie à des problèmes de trésorerie. Seules 36 % des entreprises voient leurs factures payées à l’heure (deux fois moins qu’en Allemagne), souvent du fait des grandes entreprises vis-à-vis de leurs sous-traitants et ceci sans beaucoup de problèmes juridiques. La Caisse des dépôts pourrait au bout du délai légal de paiement (deux mois), reprendre à son compte la créance impayée, payer et engager les procédures de recouvrement. De même une souplesse accrue dans les délais de paiement des charges sociales irait dans le même sens. Enfin, pour favoriser les PME, un tiers des commandes publiques pourraient leur être réservées (comme c’est le cas aux USA, Small Business Act de 1953).

On se demande vraiment pourquoi ces trois mesures simples,  de bon sens et bien connues du président et de son gouvernement, qui disent vouloir faire baisser le chômage, n’ont pas été mises en œuvre.  Les voies du président sont impénétrables !

(à suivre)

Avec un peu de bon sens, bon sang !

FEMERAC

31ème chronique Vérités et mensonges sur le revenu universel

Le très libéral chroniqueur du Monde, Arnaud Leparmentier, rejette aux oubliettes (Le Monde du 30 mars 2016) le revenu universel conséquent (1000 euros par mois) parce que trop, trop cher, « les revenus étant taxés à plus de 90 % pour financer cette allocation. Bon retour en URSS » (sic !).

Ce monsieur a tort et devrait éviter de caricaturer. Notre 18ème chronique avait déjà mais succinctement décrit l’intérêt et le mode de financement de ce revenu universel. Il nous faut donc être plus précis.

Rappelons qu’un Revenu Universel (RU) de 1000 euros par mois pour tout adulte et 500 euros par mois pour tout enfant de moins de 15 ans, coûterait environ 600 milliards d’euros. Ce chiffre peut paraitre gigantesque : c’est 30 % du PIB et environ 38 % du Revenu Primaire Brut des Ménages c’est-à-dire de l’ensemble des revenus que touchent les ménages avant impôt et toute forme de redistribution. Cela signifie que l’existence de ce revenu oblige à reconcevoir tout le système d’imposition et de redistribution. Mais en simplifiant tout !

D’abord, je le rappelle, en supprimant toutes les prestations sociales autres que celles qui touchent la santé, la retraite ou le chômage, qui sont financés de façon spécifique, et toutes les niches fiscales (1) y compris familiales, on réalise déjà une économie d’environ 160 milliards d’euros.

Ensuite car le RU donné à chacun signifie par exemple qu’une famille avec un couple et deux enfants toucheraient 3000 euros par mois soit 36 000 euros par an. Or un tel revenu fiscal de référence la placerait au regard des impôts d’aujourd’hui dans la catégorie imposée à un taux marginal de 30 %. Il est donc légitime de considérer que le premier euro gagné par cette famille en travaillant soit imposé à 30 %. On peut dès lors aisément mettre en œuvre sans problème des taux marginaux d’imposition beaucoup plus élevés que ceux d’aujourd’hui (de 30 à 70 % pour les revenus supérieurs à 150000 euros) qui s’appliqueront à l’ensembles des ménages (alors que plus de 50% des français ne payeront pas d’impôts sur le revenu (IRPP) en 2016) et calculer qu’il est possible de faire monter le montant de l’impôt ridiculement bas aujourd’hui (entre 65 et 70 milliards d’euros, soit moitié moins que la TVA) à des montants dépassant 400 milliards d’euros (2) CQFD.

Notons au passage que la moitié des français exemptés aujourd’hui de l’IRPP ne payent pas d’impôts locaux. Chacun payera désormais sa contribution à la vie locale au grand bénéfice des finances locales.

Le nouveau système d’imposition avec des taux marginaux élevés peut être une forte incitation à la fraude fiscale. Il sera d’autant plus facile à mettre en œuvre que les impôts seront prélevés à la source (ce qui devient simple car il n’y plus de niches fiscales et donc plus de rectificatifs ex-post). Mais on n’échappera pas un renforcement des contrôles fiscaux (aléatoires) et à une progressivité des sanctions en cas de fraude.

Le problème de la désincitation au travail, souvent évoqué à l’encontre du RU, est un faux problème. Le RU n’est pas la panacée : il est calculé au niveau de 60% du revenu médian français comme la définition du seuil de pauvreté retenue par les organismes de statistiques européens ; il permet seulement de survivre. Dès lors chacun a intérêt à compléter ce minimum par un revenu lui permettant de satisfaire ses besoins essentiels, mais sans le stress du quotidien.  Le RU permet seulement d’éradiquer la pauvreté, ce qui est déjà énorme. Et ce n’est pas accessoire, de diminuer la morbidité liée au bouclage des fins de mois.

Avec un peu de bon sens, bon sang ! Pour vivre mieux !

FEMERAC

(1) La suppression des niches fiscales qui n’est possible (supportable) que parce qu’on compense tout ou partie par le RU incite à mieux définir et à rendre plus efficaces les systèmes d’incitation publique. Et notamment, même si c’est interdit en comptabilité publique, mais rien n’interdit d’être intelligent, de faire financer une mesure donnée par un impôt spécifique : les économies d’énergies par une taxe carbone par exemple.

(2) Tous les chiffres sont issus de calculs personnels sur la base des données de l’INSEE et de la DG Finances. Ils sont approximatifs car les chiffres publics ne permettent pas des calculs précis quand on fait une refonte de l’impôt. Mais leur approximation n’empêche pas que les ordres de grandeur soient justes.