43ème chronique Trump et les sondages

L’élection de Donald Trump est une catastrophe. Et les commentateurs, peu avisés, de critiquer encore les sondages qui n’ont pas su « prévoir » ; rassurant les mal classés des sondages d’aujourd’hui : Sarkozy contre Juppé pour la primaire des droites, Le Pen contre X au second tour des présidentielles, … Il faut dès lors que le modeste statisticien qu’est l’auteur de ces chroniques rappelle quelques évidences pour mettre un terme à ces délires médiatiques :

  • Les sondages ne sont pas et n’ont jamais été des prévisions : ils donnent simplement à l’instant où ils sont réalisés, et pour ce seul instant, l’intention de vote de la population sondée.
  • Cette intention varie : dans les « swing states », ces Etats traditionnellement clés dans les élections aux Etats-Unis, l’évolution des intentions de vote montre une alternance entre Trump et Clinton au cours des derniers mois (cf par exemple le graphique du Monde du 3 novembre concernant la Caroline du Nord qui confirme la nette remontée de Trump lors des premiers jours de Novembre, notamment après que le FBI ait annoncé la reprise de l’enquête sur les mails d’Hillary Clinton : Trump peut dire un grand merci au directeur du FBI pour ce qu’on peut appeler une véritable manipulation électorale).
  • L’écart dans les sondages encore favorables à Clinton dans les derniers jours était du coup très faible, et notamment inférieur aux marges d’erreur technique (de l’ordre de 2%), liées à la modeste taille de l’échantillon testé, surtout quand les sondages s’appliquent à 50 Etats différents à la fois.
  • Rappelons également que l’abstention a été très importante (54,2 % de votants) : il ne suffit pas que le sondé dise pour qui il a l’intention de voter, encore faut-il qu’il vote ! Et enfin que Clinton a obtenu davantage de voix que Trump, ce qui mesure la difficulté de l’exercice des sondages lorsque deux candidats sont au coude à coude.

 

Cette difficulté se trouve renforcée lorsque les deux candidats ne suscitent guère l’enthousiasme, alors que c’était le cas lors de l’élection d’Obama. Le personnage de Donald Trump, sexiste et menteur, est détestable. Mais Hillary Clinton, qui avait déjà eu du mal à devancer Bernie Sanders, est une caricature de l’ « establishement » américain (c’est-à-dire ceux qui ont le pouvoir), peu empathique, au sourire artificiel et aux discours peu crédibles. Beaucoup d’électeurs ont voté contre Trump plutôt que pour elle et ont hésité jusqu’au dernier moment avant de le faire plutôt que d’aller à la pêche.

Alors une surprise l’élection de Donald Trump ? Pas quand on analyse précisément les sondages qui ont précédé l’élection. Mais pour sûr une mauvaise nouvelle.

Faut-il pour autant s’interroger sur les limites de la démocratie et la sagesse du peuple ? Et ne pas accepter que les esprits faibles, qui rejettent leur désarroi sur les étrangers, votent massivement pour des caricatures dont on sait pertinemment qu’ils ne résoudront aucun de leurs problèmes ?  Reprenons ici les mots de Lamartine lors de l’élection de Louis Napoléon Bonaparte en 1848 et cité par Dominique Rousseau, professeur à Paris I Panthéon-Sorbonne dans le Monde du 16 novembre : « Il y a des moments d’aberration dans les multitudes, il y a des noms qui entraînent les foules comme le mirage les troupeaux, comme le lambeau de pourpre attire les animaux privés de raison ; eh bien, malgré cela, je n’hésite pas à me prononcer en faveur de l’élection du président par le peuple. Et si le peuple se trompe, s’il veut abdiquer sa sûreté, sa dignité, sa liberté entre les mains d’une réminiscence d’Empire, s’il nous désavoue et se désavoue lui-même, eh bien tant pis pour le peuple ! Ce ne sera pas nous, ce sera lui qui aura manqué de persévérance et de courage. »

Sur l’analyse économique du phénomène Trump, reprenons le constat  pertinent, même si incomplet, d’Agnès Benassy-Quéré (Le Monde du 9 novembre), présidente déléguée du Conseil d’analyse économique en France : « Ce résultat illustre ce que l’on pressentait depuis longtemps : la mondialisation n’est pas soutenable pour un pays qui refuse d’en redistribuer les fruits par l’impôt et les services publics. Aux Etats-Unis, les dépenses publiques représentent environ 37 % du produit intérieur brut, contre plus de 50 % dans les pays scandinaves qui, eux, sont à l’aise avec la mondialisation. Toutefois, le vote Trump n’est pas majoritairement celui des plus pauvres : c’est celui des classes moyennes inférieures, dans les régions les plus désindustrialisées. »

Ce n’est pas certainement pas le milliardaire Trump, qui vient d’annoncer une nouvelle dérégulation du système financier, laquelle a conduit à la crise de 2008, qui va être l’élément moteur de cette redistribution. De beaux jours devant nous !!!

Avec un peu de bon sens, bon sang !

FEMERAC

42ème chronique Salauds de pauvres et de migrants !

La manchette du Monde du 1er novembre fait froid dans le dos : « L’hostilité envers les pauvres s’exprime de plus en plus ouvertement en France ».

Elle se traduit, toujours selon ce journal, par une « dégradation des centres d’accueil, des arrêtés anti-mendicité, une chasse aux sans-abris ». Migrants et SDF se font concurrence pour des hébergements en nombre largement insuffisant. De plus en plus « les communes et les français rejettent ces populations ».

Franchement insupportable.

Comment la cinquième ou sixième puissance au monde (selon le cours de la livre) peut-elle, avec ses 2 000 milliards d’euros de PIB c’est-à-dire de richesse créée, et ses 65 millions d’habitants ne pas consacrer quelques moyens à des dizaines de milliers de sans-abri et quelques milliers de migrants ? Et ne parlons pas de l’Europe, la zone la plus riche du monde avec ses 510 millions d’habitants. Le Liban avec son PIB de 47 milliards de dollars (43 milliards d‘euros) et sa population de 4 millions d’habitants accueille aujourd’hui 1 million et demi de migrants syriens.

Bien sûr il y a des SAMU sociaux, 450 centres d’accueil et d’orientation pour migrants, des bénévoles mobilisés au travers des ONG et par initiative individuelle. Bien sûr il y a des communes accueillantes et dynamiques comme Grande-Synthe dans le Nord. Mais règne globalement un rejet du SDF et du migrant, et des pauvres en général, comme si c’était le miroir insupportable d’une déchéance future possible ; comme si le fait de plus ou moins s’en sortir n’était lié qu’à nos seules capacités propres, sans tenir compte des aléas de la vie (maladies, décès, incapacités, divorces, guerres,…) qui brisent et excluent les individus.

Bien sûr la haine de l’autre, de l’étranger, du différent, … a toujours existé, mais elle s’exacerbe dans une société qui n’a pourtant jamais été aussi riche (si on exclut les 15 % de pauvres) mais malheureusement jamais aussi individualiste dans un consumérisme exacerbé. Adieu compassion et solidarité et bonjour moi. Et voilà comment les esprits faibles, de gauche et de droite, amènent de moins en moins subrepticement les forces brunes au pouvoir.

Bien sûr selon la formule bien connue de Michel Rocard, « l’Europe ne peut pas accueillir toute la misère du monde » en ajoutant, ce que tout le monde oublie et notamment Sarkozy lors de « l’Emission Politique » sur France 2 le 15 septembre dernier, « mais elle peut prendre sa part de cette misère.»

Dans les programmes des candidats à la présidentielle, rien pour vaincre la pauvreté sauf chez Mélenchon (« abolir la précarité » mais avec des mesures bien légères et bien peu efficaces) et chez les verts (« un revenu universel inconditionnel et personnalisé » ce qui est vague), et rien pour l’accueil favorable des migrants, bien au contraire.

Alors que diable, un peu de solidarité et de courage politique. Pour un revenu universel conséquent qui éradique la pauvreté (cf  31ème chronique) et un dispositif conséquent d’hébergement des SDF et un accueil positif et une  prise en charge dynamique des migrants. Pour que la France redevienne une terre d’asile et de solidarité, et non pas une zone de haine et d’égoïsme.

Avec un peu de bon sens, bon sang !

FEMERAC

41ème chronique Pour en finir vraiment avec le chômage !

Pour ceux qui avaient encore des doutes, les non convaincus, les partisans du travailler plus pour gagner plus …ou moins, il est urgent de lire le dernier ouvrage de Pierre Larrouturou et Dominique Méda : « Einstein avait raison – il faut réduire le temps de travail » (Les Editions Ouvrières 2016). Un constat et une démonstration incontournables.

Le progrès technique a procuré des gains de productivité qui ont été multipliés par deux de 1820 à 1960 et par cinq de 1960 à 2015 (pp74-75). Ce qui signifie que pour la même production, on a besoin de cinq fois moins de main-d’œuvre qu’il y a cinquante ans !  Or le PIB (l’indicateur de croissance) a été multiplié par 4,6 depuis 1960 (source INSEE) : on a donc besoin de moins de main d’œuvre aujourd’hui qu’à l’époque ! Pendant ce temps la population active (occupés et chômeurs) est passée de 19 à 29 millions environ. On devrait donc mécaniquement retrouver aujourd’hui plus de 10 millions de chômeurs car en 1960 le chômage était quasiment inexistant !

C’est la baisse effective de la durée du travail au cours de ces cinquante dernières années qui a limité en partie le nombre de chômeurs car le nombre d’heures travaillées est bien resté le même ! Sait-on qu’aux US la durée hebdomadaire du travail est désormais de 33,7 heures par semaine, qu’en Allemagne elle est de 30,3 heures et à peine 30 heures aux Pays-Bas (pp82 à 85) ! Car il ne faut pas comparer, comme c’est le cas dans la plupart des statistiques affichées, la durée du travail des emplois à temps complet mais la moyenne de la durée du travail de tous les emplois y compris à temps partiel.  L’Allemagne a créé 4 millions d’emplois entre 1994 et 2014 sans augmenter d’une seule heure le nombre d’heures totales travaillées. Le temps partiel y représente 27% de l’emploi total contre 18 % en France. C’est pour cette unique raison que le taux de chômage est plus faible qu’en France que dans ces trois pays[1].

La véritable question n’est donc pas de réduire le temps de travail car c’est la seule solution. Elle est de savoir si cette réduction doit être subie (je voudrai un emploi à plein temps mais je suis obligé d’accepter un emploi à temps partiel, ce qui est le cas de la grande majorité des personnes travaillant à temps partiel) ou voulue (partage organisé du temps de travail grâce à la généralisation de la semaine à 32 heures permettant à chacun de trouver un emploi à temps plein).

Le problème est désormais crucial car la numérisation et la robotisation des économies vont encore faire disparaitre des centaines de milliers d’emplois dans les années à venir.

Or la mise en œuvre de la semaine de 4 jours et quasiment sans baisse de salaires peut se faire sans surcoût car globalement les emplois nouveaux sont financés par la baisse des cotisations sociales et les impôts supplémentaires permis par les hausses d’emplois (cf Patrick Artus 1993 ou le rapport Romagnan Assemblée Nationale déc 2014).  Toutes les expériences menées dans le cadre des lois ROBIEN ou des premières lois AUBRY à la fin des années 90 ont été concluantes : Mamie Nova, La Macif, Yprema, les brioches Pasquier,…

Tous les acteurs politiques sont persuadés que c’est la seule solution pour en finir avec le chômage (pp238-239) :

  • Jacques Chirac en 1995 : « pourquoi ce qui se fait chez Pasquier ne se fait pas ailleurs ? » ;
  • Gérard Larcher, actuel président du Sénat , déposait en 1993 un amendement pour expérimenter les 32 heures ;
  • Jacques Barrot, ministre du travail en 1997 : « Larrouturou a raison : on peut créer 2 millions d’emplois en passant à 4 jours » ;
  • Le rapport Boissonnat en 1995 : « il faut baisser la durée du travail de 20 à 25% d’ici 20 ans » ;
  • -…

Alors que diable, un peu de courage politique.

Avec un peu de bon sens, bon sang !

FEMERAC

 

 

[1] Il y a en réalité une autre raison : c’est le taux d’activité : beaucoup de personnes renonce à rechercher un emploi et sortent des statistiques. On a déjà montré (cf 10ème chronique juin 2015) que le taux de chômage était un indicateur tout à fait inapproprié.

40ème chronique Responsable donc payeur !

Certaines sociétés d’assurance veulent commencer à relier le montant de la prime d’assurance automobile à la nature de la conduite. Vous aviez déjà le bonus-malus et les radars, mais vous allez désormais avoir un mouchard dans notre voiture indiquant si votre conduite est à risque ou non.   De même certaines mutuelles commencent à vouloir relier le montant de vos primes à la façon dont vous prenez soin de votre santé (bracelet pour indiquer le nombre de pas effectués chaque jour, mesure du poids, de la tension, …). Ceci peut sembler logique : si vous êtes prudent (normal ? normalisé ?), il est normal que vous ne payiez pas pour les personnes inconscientes !

Outre l’aspect intrusif insupportable qu’elles impactent sur notre façon de vivre, ces méthodes ont leurs limites économiques et renvoient à la question séminale : de quoi est-on vraiment responsable ?

Il n’y a pas de raison en effet, et selon ces principes, de maintenir un système de santé solidaire : rejoignons la philosophie américaine : chacun paye pour être soigné à la hauteur de son mal. Pourquoi payerai-je en effet pour quelqu’un atteint de cancer : il a sans doute eu quelque part un comportement à risque : qu’il paye. On renverra sur ce point à l’excellente série américaine « Breaking Bad » où , pour pouvoir payer les énormes dépenses liées au traitement de son cancer, un petit professeur de chimie en arrive aux pires extrémités. Pourquoi dans le même ordre d’idées les jeunes en bonne santé financeraient-ils les soins à coût élevé des personnes âgées[1] ?

Il faut aussi abolir l’école gratuite. Pourquoi les parents d’un bon élève devrait-il payer par leurs impôts, les études des mauvais élèves qui ralentissent la classe, obligent les professeurs à répéter sans cesse et donc contribuent à devoir financer bon nombre de professeurs qui sans eux seraient inutiles. Faisons donc payer les mauvais élèves, ces fainéants !

Pourquoi chacun devrait-il payer des cotisations chômage et financer le train de vie de chômeurs qui se la coulent douce et ne cherchent pas vraiment du travail ? Ils sont bien sûr totalement responsables de leur situation.

Pourquoi des allocations familiales ? Avec tous les moyens contraceptifs à leur disposition, les couples peuvent maitriser le nombre de leurs enfants. Pour assurer leur éducation, le nombre d’enfants d’un ménage doit être lié à sa richesse. Soyons responsables !!!!

Il faudrait faire financer les prisons par les prisonniers eux-mêmes ou par leurs familles. Pourquoi payer pour des prisons où nous n’irons jamais (est-ce si sûr ?) ? Et ressortir la guillotine pour ceux qui ne peuvent pas payer. C’était bien le cas dans les guerres anciennes : pas de prisonniers trop chers à nourrir, sauf les rançonnables.

On pourrait ainsi multiplier les exemples, décortiquer tous les aspects de la vie individuelle et sociale et aboutir à un système complétement éclaté et soi-disant plus juste et plus transparent. Mais insupportable. Et surtout économiquement stupide.

En effet, une société de solidarité n’est pas une société d’irresponsables. Un système solidaire est bien plus économique. Mesurer la responsabilité de chacun dans tous les actes de sa vie a un énorme coût, que les économistes appellent des coûts de transaction. Et pour quel résultat ? Tous les (bons) statisticiens savent que la distribution des comportements suit une loi normale dite de Gauss ou courbe en cloche[2] et que ces comportements sont en grande partie peu différents.

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Il est donc inutile d’individualiser les comportements de toute la population, mais seulement (et à la limite) des extrêmes (5-10 % de la population ? La tête et la queue de la courbe en cloche) car seuls ces 5-10% ont sans doute un comportement très risqué qui pénalise l’ensemble. Ils sont souvent déjà sanctionnés : ils n’ont plus de permis de conduire, ils meurent avant l’âge, …. Il est en général facile de les repérer et de les mettre en garde.

Alors pourquoi dépenser plus pour ne rien gagner ?

Avec un peu de bon sens, bon sang !

FEMERAC

[1] Une personne de plus de 80 ans consomme 6 fois plus de dépenses de santé qu’un jeune de 20-29 ans (source INSEE).

[2]  Par exemple en 1970 la taille des femmes était en moyenne de 1,60 m (le haut de la cloche), alors que seulement 7% des femmes mesuraient plus de 1,70 m (l’extrême droite de la courbe) et 4% mesuraient moins de 1,50 m (l’extrême gauche de la courbe).

Pour les puristes, tous les comportements ne suivent pas une loi normale. Ceci n’est vrai que si l’on traite des grands nombres. Par exemple le nombre d’accidents de voiture par individu ne suit pas une loi Normale mais une loi dite de Poisson car un individu a très peu d’accidents dans sa vie. D’où la justification du bonus-malus.

39ème chronique L’impôt c’est pour les autres !

On a déjà largement souligné dans ces chroniques la réticence viscérale du français moyen (c’est-à-dire en fait d’une grande partie des français) à payer des impôts. Lorsque l’on titille ce français moyen, il convient qu’il est nécessaire de payer des impôts pour financer … tout ce qui est gratuit ou tout comme. Mais il continue de grogner en développant trois arguments dont on va s’efforcer ici de montrer combien ils sont fallacieux :

  • Je paye trop d’impôts : c’est aux plus riches que moi à payer davantage.

Le français a du mal à se situer dans l’échelle des richesses et des revenus. Il est vrai qu’il y a des personnes très riches, scandaleusement riches. En France les 10 % les plus riches (en termes de patrimoine c’est-à-dire de la valeur de leur stock de richesses) possèdent 48 % du patrimoine (source INSEE – Observatoire des inégalités chiffres 2010) mais les 10% les plus riches en revenus (c’est-à-dire en flux de richesses) reçoivent 25 % des revenus, ce qui n’est déjà pas si mal mais c’est la moitié. Parce que la principale source d’inégalités patrimoniales provient des héritages successifs. Mieux vaut avoir des parents riches qu’un travail rémunérateur ! Sur les douze premiers au fameux classement des plus riches de l’hebdomadaire Challenges, neuf (les trois quarts !) tiennent leurs richesses de l’héritage. Pour réduire les inégalités il faut augmenter de façon très progressive les droits de succession, et en particulier les plus-values sur les résidences principales. C’est une mesure non populaire car chacun préfère voir ses enfants bénéficier de sa richesse que de les donner à l’Etat, mais c’est ainsi que l’on se retrouve in fine dans un système de plus en plus inégalitaire.

Mais revenons aux revenus : sait-on que 90 % des ménages français les moins riches gagnent moins de 40 000 euros par an par unité de consommation[1], ce qui est correct mais pas scandaleux. Et que sont vraiment très riches les 1% des ménages (les plus aisées au sens de l’INSEE) qui gagnent plus de 93 000 euros par UC.  Alors certes il faut augmenter le taux de la dernière tranche (aujourd’hui à 45 %) : que de polémiques lorsque François Hollande parlait d’un taux marginal à 75% pour un revenu supérieur à 1 million d’euros : devant la menace des très riches de quitter la France, il y a renoncé ! Dommage : on ne quitte pas la France comme cela. « En 1932, quand Roosevelt arrive au pouvoir, le taux de l’impôt fédéral sur le revenu applicable aux plus riches était de 25 % aux Etats-Unis. Il décide de le porter immédiatement à 63 %, puis 79 % en 1936, 91 % en 1941, niveau qui s’appliqua jusqu’en 1964, avant d’être réduit à 77 %, puis 70 % en 1970. Pendant près de cinquante ans, des années 30 jusqu’en 1980, jamais le taux supérieur ne descendit au-dessous de 70 %, et il fut en moyenne de plus de 80 % ». (Thomas Piketty Libération mars 2009). L’économie américaine ne s’est alors jamais aussi bien portée.

Autre chiffre concernant les salaires : sait-on que 90 % des salariés gagnaient moins de 3 500 euros nets par mois en 2014. Alors bien sûr il faut faire payer les très riches mais il est normal de payer des impôts progressifs dès un niveau de revenus relativement faible. Car les autres ne sont pas forcément plus riches.

  • Je paye trop d’impôts car l’Etat ou les collectivités locales font n’importe quoi et gâchent l’argent que je leur donne

On s’est déjà largement interrogé dans ces chroniques sur l’efficience des décisions publiques (autres que la solidarité). Et l’on peut faire le constat qu’il y a sans doute trop de fonctionnaires au regard notamment des progrès de productivité liés depuis 20 ans à la bureautique et à internet (un peu comme ce que l’on constate dans les banques aujourd’hui) et à la superposition des structures de décision locales (communes, regroupement de communes, département, région !) qui augmente les charges au lieu de les diminuer. Une simple mesure de non renouvellement partiel et progressif des départs en retraite devrait permettre de résoudre en partie le problème. La meilleure mesure étant le contrôle local par des comités de quartier (cf chronique 37), seul véritable moyen de faire contrepouvoir à la bureaucratie.

Mais tout cela reste relativement marginal globalement la France possède des services publics (souvent gratuits) qui fonctionnent bien et qu’il faut bien financer (Cf chronique 38).

  • Je paye trop d’impôts car ils servent à faire vivre grassement des fainéants ou des immigrés plein d’enfants.

Dans un pays avec près de six millions de chômeurs dont beaucoup sont découragés, dont 14,7 % de la population est en dessous du seuil de pauvreté, comment peut-on s’indigner de l’aide qui leur est apportée ? Bien sûr il y a des profiteurs : la fraude représenterait 250 millions en 2015 (source Le Figaro 07/07/2016). Rappelons que la régularisation de la fraude fiscale des plus riches de nos concitoyens a permis à l’Etat de récupérer 12 milliards d’euros en 2015 (source Michel Sapin Ministre de l’Economie). On ne joue pas dans la même cour !!! « Salauds de pauvres » (Gabin odieux dans « la traversée de Paris ») !

Rappelons (cf chroniques précédents) que la création d’un Revenu Minimum Universel calé à 1 000 euros par mois permettrait à chacun dans un système transparent et juste de payer des impôts sur le premier euro gagné et d’éviter les effets de seuil dont l’effet est catastrophique sur les ménages juste au-dessus des seuils.

Avec un peu de bon sens, bon sang !

FEMERAC

 

[1] Unité de consommation : 1 pour un adulte, 0,5 pour le deuxième adulte ou pour un enfant de plus e 14 ans, 0,4 pour un enfant de moins de 14 ans (soit 2,4 pour une famille de 4 personnes en moyenne).

38ème chronique Qui doit payer les biens et services publics ?

On achète la nourriture que l’on mange, on paye sa place de cinéma, sa facture de téléphone, l’électricité que l’on a consommée, … On paye des biens dont l’usage est privé : ce sont les biens privés. L’Etat finance l’armée, les digues, les fonctionnaires des impôts, … les biens dits publics qui profitent à tout le monde et dont il est malaisé de trouver des bénéficiaires qui pourraient les financer.  Mais ce principe de base du fonctionnement de l’économie atteint vite ses limites, car il se heurte à des choix politiques liés au vivre ensemble et à l’intérêt collectif.

L’éducation en est un bon exemple : puisque l’école est obligatoire en France jusque 16 ans il est logique que l’Etat finance l’école primaire et secondaire. Mais au-delà la question se pose : aux Etats-Unis la plupart des universités sont privées et très chères ; en France le phénomène se généralise avec le développement des écoles de commerce mais toutes les universités et grandes écoles scientifiques restent quasi-gratuites [1]. D’aucuns prétendent que le système américain est plus juste car ces études donnent accès à des emplois de rémunération élevée, ce qui permet à ces diplômés de rentabiliser l’investissement effectué ; alors qu’en France l’Etat financerait abusivement les futures catégories socio-culturelles élevées. Ce sont des arguties car de fait ce sont ces catégories sociales qui payent le plus d’impôts et donc financent de fait ex-post leurs études ou celles de leurs enfants. Mais le système français a l’énorme avantage de ne pas mettre de frein financier à l’accès aux études supérieures ce qui est le cas aux Etats-Unis où les deux tiers des diplômés sont endettés avec un encours de dettes qui dépasse les 1000 milliards de dollars (la moitié de la dette de l’Etat français !)(cf Le Monde du 26 octobre 2011). Et les diplômés français ne sont pas moins bien formés que leurs homologues outre-Atlantique, loin de là, …

 

Les routes sont financées par les collectivités publiques mais les autoroutes sont souvent soumises à péages (c’est le cas de manière presque générale en France) et concédées à des sociétés privées qui les entretiennent, alors que l’investissement a été financé sur fonds publics. Or ce système est une aberration économique. Car les péages découragent certains conducteurs (peu fortunés) ou des camions qui vont surcharger les routes secondaires entrainant sur ces routes des surcoûts d’investissement et des surcroits d’accidents alors qu’il faudrait au contraire encourager le maximum de véhicules à utiliser les autoroutes plus roulantes et plus sécurisées et laisser les autres routes (y compris les nationales) aux seuls déplacements locaux.

Les transports collectifs (trains, bus, cars) sont souvent subventionnés par les collectivités locales. Ils devraient être complétement gratuits et développés.  Tout simplement parce que ces transports se substituent en grande partie à l’utilisation de la voiture : s’ils sont électriques ou à carburant écologique et si l’on réduit les possibilités d’accès des voitures en ville, ces transports gratuits permettraient une économie très substantielle d’émissions de CO2 et d’autres polluants et éviteraient de nombreux investissements destinés aujourd’hui à accueillir un nombre croissant de voitures et des tas d’investissements coûteux en barrières, portiques,…et le financement de toute une kyrielle de personnels coercitifs qu’on pourrait recycler en partie en aides à la personne dans les gares, les trains et les bus . Car que dire des tarifs incompréhensibles ou de la recherche éperdue de tickets, …  La gratuité n’entraine pas ici de gâchis (argument classique) car on ne prend pas de transport collectif pour le plaisir mais bien pour satisfaire un besoin de déplacement.

Bien sûr rendre un bien public gratuit ou financé par la collectivité impose que l’absence de paiement par l’individu soit financée par l’impôt. Mais quelle joie de payer sa juste contribution d’impôts si on accède gratuitement aux routes, autoroutes, trains, bus et système éducatif ! La tendance est plutôt aujourd’hui et à l’inverse à une individualisation du paiement des coûts. Cela passe mieux dans l’opinion publique française allergique à l’impôt mais ce n’est la plupart du temps pas très pertinent économiquement ou écologiquement.

Et ne parlons pas des Partenariats Public-Privé (les fameux PPP) qui laissent la réalisation d’un investissement public à un partenaire privé auquel on paye pendant 20 ou 30 ans des rémunérations annuelles colossales qui du coup surchargent (mais de manière diluée car sur longue période) les finances publiques sans alourdir (de manière fictive ![2]) la dette.

Avec un peu de bon sens, bon sang !

FEMERAC

[1] Car les frais d’inscription sont faibles.

[2] Car tout se passe en fait comme si la collectivité publique empruntait à un groupe privé et lui versait chaque année remboursement du capital et intérêts.

37ème chronique Démocratie et Crise de représentation

Dans la matinale des Echos du mercredi 13 juillet, Pierre Larroutourou lançait un cri du cœur : «  J’en ai marre de voter tous les cinq ans pour le moins nul ! » On en est tous là. Pourquoi ?

Il y a tout d’abord le problème de la toute-puissance du Président dans la constitution de la Vème République. Cette situation créée par le général de Gaulle focalise l’attention et toute la vie politique sur l’élection de ce président indéfectible puisque non responsable ni devant l’Assemblée ni devant la Justice. Bien sûr il faut supprimer ce cas unique dans les démocraties occidentales et passer à une VIème constitution qui supprimerait cette aberration.

Mais c’est largement insuffisant car la crise de représentation est profonde. La plupart des français, mais aussi la plupart des occidentaux, ne se retrouvent pas dans les discours et les actions des politiques pour plusieurs raisons :

  • D’abord des raisons liées à la complexité du monde moderne et à la mise en vitrine permanente des politiques. Il ne s’agit plus seulement de construire des routes, des écoles et des hôpitaux avec une croissance forte et donc des moyens financiers importants. Il s’agit désormais d’organiser la cité, de lutter contre la pollution et les risques climatiques, de faire front face au terrorisme, de développer la culture, de créer de la solidarité, de lutter contre le chômage,… Et l’on demande au politique à la radio ou à la télévision s’il connait le prix d’un ticket de métro ou combien de romans il a lu dans l’année… De ce fait le politique qui émerge est un personnage plus beau parleur que grand penseur (dans le Nord, pardon les Hauts de France, on dit « grand diseux , petit faiseux »).
  • De ce fait les politiques nationaux sont très souvent déconnectés de la réalité. Ils rencontrent des gens mais de manière superficielle. Leur intérêt est concentré sur la machine électorale que constitue leur parti politique, mécanique obligatoire pour se faire connaitre et du coup gagner les élections. Il est révélateur que près de 70 % des députés français (cf enquête du Laboratoire d’idées En Temps Réel) n’ait jamais connu l’Entreprise et donc ne connaissent vraiment les problèmes propres ni des entrepreneurs ni des salariés.  De plus, la facilité de vivre dans les ors de la République et le cumul des salaires avec le cumul des mandats contribue à accentuer ce décalage. Que connait un ministre, de quelque bord qu’il soit, de la difficulté d’un ménage à boucler ses fins de mois. François Hollande, sorti brillamment de l’ENA ce qui lui a permis de pénétrer les réseaux mitterrandiens, a passé sa vie à organiser ses élections et continue de le faire sans aucun intérêt pour l’avenir de la France.
  • La démocratie représentative qui est la nôtre est devenue une machine à élire à échéance donnée des individus que l’on ne connait pas, qui ont de fait peu de comptes à rendre car même leur réélection n’a qu’un lointain rapport avec les résultats obtenus de par le jeu des machines électorales et du marketing associé. Jean-Claude Gaudin, à la tête de la ville de Marseille dont la dette par habitant est la plus importante des grandes villes de France et la gestion catastrophique a été réélu trois fois depuis 1995.  En 2002, à sa grande surprise, puisqu’il avait réalisé le MUCEM, alors qu’il n’en est pas du tout à l’initiative (Cf le livre déjà cité de PUJOL), et parce que son concurrent direct socialiste (Patrick MENUCCI) avait une image de marque déplorable. Pour être sanctionné par les urnes encore faut-il que la concurrence soit sérieuse ! Rappelons aussi qu’un élu sélectionné pour le deuxième tour des élections avec 30 % des voix au premier tour avec une participation de 50% est choisi par 15 % de la population ! Belle représentativité !
  • Cet état de fait de la représentation milite aujourd’hui pour que soient sélectionnés des personnalités extraverties et empathiques , qui jouent habilement des réseaux et développent avec habileté une langue de bois faite de promesse souvent mensongères ou intenables (Cf Sarkozy « je vais réduire d’un tiers la pauvreté en cinq ans », Hollande « mon ennemi c’est la finance » mais  aussi Boris Johnson avec le Brexit et… Doanld Trump) tant la priorité n’est que l’élection.
  • Au pouvoir les élus ne font que gérer sans originalité dans une vision social-libérale quand ils sont de gauche ou libéralo-sociale quand ils sont de droite. La crise de 2008, qui a laissé de fait les économies occidentales exsangues, a rendu la tâche des politiques sans idées impossible. Cela a accru le décalage entre l’attendu des populations (croissance et emploi) et la réalité, créant une insatisfaction chronique. Là où il aurait fallu prendre des mesures radicales : réduction de la durée du travail, soutien massif aux PME avec contrepartie d’embauches, généralisation du chômage partiel pris en charge collectivement, grands travaux écologiques,… (cf chroniques précédentes), les politiques ont développé des politiques traditionnelles inefficaces fondée sur une foi abusive voire naïve dans les lois du marché.

Mais cette situation, nous l’avons créée et nous la méritons ! Car le nez dans le guidon de nos problèmes personnels, familiaux ou professionnels, nous négligeons la chose publique. Il n’y a pas de salut à la crise de représentation sans une réappropriation de l’engagement de tous dans la vie collective.  Comment ?

  • Au niveau local en créant des comités de quartier, force de propositions, qui élisent leur conseiller municipal et qui interfèrent en permanence avec le pouvoir local. Ces délégués pourraient proposer à la population trois ou quatre personnes avec un programme pour l’élection du maire mais surtout du responsable de l’intercommunalité qui va se substituer progressivement à la commune.
  • La suppression des départements est inéluctable. Rappelons (cf “l’Identité de la France” de Fernand Braudel tome 1) qu’à la Révolution, le canton était créé pour qu’on puisse aller (et revenir) à son chef-lieu dans la journée ; et le département faire l’aller-retour à cheval. Rappelons qu’il existe aujourd’hui des voitures, des bus, des trains,… Seule la région restera. Y seront élus des représentants des intercommunalités avec lesquelles ils interféreront Les quartiers seront ainsi associés indirectement à la vie régionale.
  • Le cumul des mandats sera interdit sauf entre membres non exécutifs des intercommunalités et les régions.
  • Après la suppression du Sénat, les députés de l’Assemblée Nationale seront élus sur la base d’un programme, à partir des regroupements de quartier auxquels ils rendront compte de leurs actions et de la vie publique nationale.
  • Les députés élisent un premier ministre responsable devant l’assemblée. Il n’y a plus de président, sauf peut-être comme en Allemagne un déposeur de chrysanthèmes.
  • L’appel au référendum sera fréquemment autorisé (comme en Suisse) sur les grandes orientations.

C’est simple à mettre en œuvre, cela crée d’énormes économies de gestion. Mais ceci ne fonctionne que si chacun s’implique. Pour une vraie démocratie représentative et participative.

Avec un peu de bon sens, bon sang !

 

FEMERAC

36ème chronique Le monde économique à l’envers

Près de 9 000 milliards d’euros de dette souveraine (dette des Etats ou des banques centrales) concernant 14 pays dans le monde sont aujourd’hui rémunérés à des taux nominaux négatifs (cf Le Monde du 9 juin 2016). Soit plus de quatre fois le PIB de la France ! On a connu les taux d’intérêt réels négatifs lorsque l’inflation était plus élevée que le taux d’intérêt (1), notamment dans les années 1970-80,  ce qui a permis à de nombreux emprunteurs de faire financer leur achat immobilier par l’inflation. Mais jamais de taux nominaux négatifs pour des emprunts de durées allant jusqu’à 4 ans ! Seules les Etats et les banques commerciales sont autorisés à emprunter à des taux négatifs. Cette situation est interdite aux particuliers. Pourquoi une telle aberration économique ?

C’est la conséquence directe de la crise financière de 2008 : les banques, extrêmement laxistes dans les années 2000 en matière de prêts, ce qui a provoqué la crise des subprimes (2), sont devenues extrêmement prudentes : elles hésitent à prêter aux entreprises fragilisées par la crise (risque fort de contrepartie, c’est-à-dire de défaillance du client) et préfèrent placer leurs liquidités (les dépôts de leurs clients) à taux négatifs auprès de la Banque Centrale Européenne (BCE) plutôt qu’aux autres banques (c’est la faillite de la banque Lehman Brothers en 2008 qui a engendré cette méfiance des banques les unes envers les autres ). Dans ce contexte la BCE a facilité l’accès du système bancaire à des liquidités (politique du Quantitative Easing) à des taux très bas pour relancer l’économie. Sans effets car le problème n’est pas de fournir davantage de liquidités, qui aujourd’hui s’investissent dans les seuls placements sûrs (les emprunts des Grands Etats) ou en Bourse ; le problème c’est la confiance dans l’économie.

Mais alors si l’Etat français peut emprunter à des taux aussi bas pourquoi tant se presser à diminuer la dette et au contraire pourquoi ne pas emprunter davantage pour réaliser des investissements publics destinés à préserver l’avenir notamment pour lutter contre le réchauffement climatique mais aussi pour améliorer nos équipements collectifs (écoles, hôpitaux, routes,…) qui vieillissent bien mal ! L’économie serait relancée et la confiance reviendrait et les banques prêteraient de nouveau : cercle vertueux.

Une autre aberration économique : des prix d’électricité négatifs apparaissent désormais sur le marché spot (c’est-à-dire en temps réel) européen. Ce phénomène est liée au développement très important de l’éolien en Allemagne : quand le vent souffle et que les 45 GW(3) d’éolien installés en Allemagne (fin 2015) tournent, il y a trop d’électricité sur le réseau et les prix deviennent négatifs pour inciter à la consommation et empêcher l’arrêt brutal et coûteux de centrales thermiques (notamment nucléaire) car le stockage de l’électricité étant très faible, il faut que production et consommation s’ajustent instantanément pour éviter l’écroulement du réseau électrique. Si le développement de l’éolien est une bonne chose, il faut éviter qu’il ne se fasse de façon anarchique sans tenir compte de ses effets intermittents sur  les contraintes du réseau européen. Des esprits affutés pourraient arguer qu’il faut alors développer la production renouvelable décentralisée. Mais cela supposerait des investissements locaux très coûteux et …souvent inutiles car sait-on que grâce au foisonnement des consommations permis par le réseau électrique, la puissance maximale appelée culmine en France à 100 GW alors que la puissance souscrite (la puissance maximale que peut utiliser un foyer ou une entreprise) dépassent les 300 GW soit trois fois plus ! Le réseau électrique a un énorme intérêt économique, préservons le !

                                                                                        * * *

L’économiste Daniel Cohen, cofondateur de l’Ecole d’Economie de Paris admet (cf interview dans l’Obs du 16 juin 2016) que le revenu universel, qui sera expérimenté par la Finlande l’année prochaine, est une utopie réaliste. On progresse ! …Va-t-on enfin un jour réussir à éradiquer la pauvreté ?

                                                                                       * * *

Les anglais viennent de décider à une majorité pas si courte leur sortie de l’Union Européenne. Bien sûr il y a le risque de contagion et d’un possible éclatement de l’Europe, mais globalement c’est une bonne nouvelle (cf chronique du 10 mai 2015) pour peu que les dirigeants européens s’attachent désormais à créer une Europe qui ne soit pas réduite à un grand marché intérieur.

Avec un peu de bon sens, bon sang !

 (1) Taux d’intérêt réel = taux d’intérêt nominal – taux d’inflation

(2) On simplifie un peu abusivement mais l’idée est juste !

(3) Un GW vaut 1 million de kW. Il s’agit de puissance électrique (et non de consommation laquelle est mesurée en kWh ou GWh,…).

FEMERAC

35ème chronique Il faut sauver le soldat EDF !

L’action EDF est à 12 euros. Elle était il y a quelques mois en dessous de 10 euros. Alors que l’action a été vendue 32 euros lors de son introduction en Bourse en 2005 et que sa valeur a atteint 85 euros lorsque le président Sarkozy en a revendu une partie fin 2007 (à hauteur de 3,7 milliards d’euros) pour le bien-être des finances publiques en commettant une bourde (annonce précipitée qui a fait baisser le cours et fait perdre 1,3 milliards à l’Etat !).

La valorisation actuelle de l’entreprise EDF est d’environ 23 milliards d’euros, soit moins d’une fois et demie l’EBE c’est-à-dire le profit de l’entreprise, alors que la norme pour les valorisations boursières varie de 3 à 20 : l’entreprise devrait dès lors valoir au moins 50 milliards d’euros. Chacun des 58 réacteurs nucléaires d’EDF vaut donc moins de 400 millions d’euros, alors que produisant en moyenne 7 TWH par an (7 milliards de Kilowattheures), il rapporte en chiffre d’affaire chaque année et a minima de l’ordre de 200 millions d’euros. Jolie proie pour des prédateurs si l’entreprise n’était pas encore détenue à 85 % par l’Etat. Cherchez l’erreur !!!

Bien sûr les prix sont déprimés sur le marché de l’électricité en Europe (car le prix du gaz est très faible et parce que la consommation a été très ralentie par la crise économique depuis 2008). On se demande bien pourquoi une industrie aussi capitalistique (c’est-à-dire nécessitant de gros investissements) est guidée par des prix au jour le jour sur un marché fluctuant avec le prix des combustibles alors qu’elle pourrait être organisée pour l’essentiel autour de contrats à long terme fondés sur les coûts dits complets (investissement, exploitation et combustible). La sortie de la Grande Bretagne de l’Union Européenne, héraut de la libre concurrence et de la vision à court terme qui a largement influencé le système actuel, pourrait faire avancer la réflexion sur ce thème et redonner de la sérénité à la gestion des producteurs d’électricité en Europe, tous mal en point. Mais les prix sur le marché de gros européen n’expliquent qu’une partie du problème.

Les opérateurs boursiers…et le public se demandent en réalité où va EDF ? Dans le mur ?  Oui, si du haut de sa domination ancienne, EDF continue de savoir mieux que quiconque quoi faire et comment faire sans écouter personne. Et continuer de manquer de vision stratégique claire.

L’entreprise doit en effet arrêter d’être sur tous les fronts à la fois, créant la confusion et l’incertitude.  Car le problème et sa solution sont simples. La France a et aura encore besoin longtemps du nucléaire, car le développement des énergies alternatives qui sont en majeure partie intermittentes ne permettent de se substituer qu’en partie à la production de type classique, le prix du stockage de l’électricité étant aujourd’hui globalement prohibitif faute d’évolution technique spectaculaire. Comme il est hors de question d’agir comme les allemands contraints de remplacer le nucléaire par du charbon aux dépens de l’effet de serre, c’est le nucléaire qui jouera le rôle de complément nécessaire. Pour autant, dans 40 ou 50 ans toute l’électricité produite le sera à partir de renouvelables : la France aura donc  besoin de moins en moins de nucléaire et EDF n’a qu’un seul choix :

  • Programmer le démantèlement progressif de ses centrales sur les 50 ans qui viennent, à commencer par la plus ancienne Fessenheim puis par celles soumises à des risques sismiques notamment dans la vallée du Rhône. EDF pourra ainsi acquérir une technologie du démantèlement à haute valeur ajoutée et devenir ainsi leader mondial. Reporter au début du siècle prochain (dans 100 ans !) ce démantèlement comme EDF vient de l’annoncer (Cf le Monde su samedi 4 juin) est tout simplement irresponsable.
  • Investir massivement en R&D et en industrie dans les énergies alternatives et les techniques de stockage, pour devenir là aussi un leader mondial.
  • Etre un acteur majeur dans les économies d’énergies et, grâce à sa R&D de haut niveau, proposer et mettre en œuvre les techniques les plus efficaces et les moins coûteuses, évitant ainsi de nombreux acteurs dont les collectivités locales d’investir à tort et à travers sur ce sujet.
  • Procéder aux travaux de rénovation de grande envergure de ses centrales (ce qu’on appelle le grand carénage) dont le coût est aujourd’hui estimé à 55 milliards sur 10 ans si on traite toutes les centrales mais beaucoup moins dans une vision de démantèlement progressif. Cette action permettra de prolonger la vie des centrales de 20 ans et d’éviter ainsi d’en construire des nouvelles.
  •  Arrêter de vendre et de construire un réacteur, l’EPR, qui n’est qu’un prototype et qui ne fonctionne pas. Annuler ainsi le contrat anglais de Hinkley Point (gain 15 milliards d’euros). Mais en revanche et avec l’activité réacteur d’AREVA, concevoir tranquillement un nouveau type de réacteur simple, sûr et moins coûteux et tirant parti des centaines de milliers d’heures de fonctionnement du nucléaire français. C’est un challenge et un enjeu majeur pour rester un acteur nucléaire dans le monde où le nucléaire se substituera aux centrales charbon, pétrole ou gaz en attendant le tout renouvelable.
  • Pour financer tout cela, qui est beaucoup plus raisonnable que ce qui est proposé aujourd’hui, une hausse adaptée des tarifs qui concerne encore les deux tiers des clients. (La France est aujourd’hui un des pays européens où le prix de l’électricité est le moins cher, 20 % en dessous de la moyenne européenne). Ne serait-ce aussi que pour rendre plus rentables les économies d’énergies. En contrepartie EDF devra s’engager publiquement à réaliser des efforts substantiels de productivité, sauf dans le nucléaire où EDF devra être irréprochable sur la sûreté.

Avec un tel programme réaliste et sécurisant, redonnant à l’opinion française une image positive du nucléaire, l’action remontera à 35 euros !

Alors, Femerac président d’EDF ?

Avec un peu de bon sens, bon sang !

FEMERAC

34ème chronique Hollande pas mort….

Cette chronique aurait pu s’intituler : « Au secours ! La droite revient ! … »  C’eût été trop facile ? Et pourtant : que nous propose donc la kyrielle de candidats à la primaire de la droite ?

Dans le programme du donné favori, Alain Juppé, l’imagination prend une grande place, qu’on en juge : économiser 85 à 100 milliards de dépenses publiques sur 5 ans en supprimant 300 000 fonctionnaires (ce qui fait au mieux 5 à 6 milliards par an, et le reste, il supprime quoi ? mystère), reculer l’âge de la retraite à 65 ans et revenir aux 35 heures. Comme on l’a déjà souligné dans ces chroniques à maintes reprises, ces deux dernières mesures ont pour effet mécanique une hausse du chômage. D’autant plus que la réduction des dépenses publiques a en effet dépressif sur la demande adressée aux entreprises.  Pas de vision en effet sur la demande qui freine aujourd’hui la croissance (sauf une réduction des impôts de 25 milliards, la suppression de l’ISF et l’allègement de l’impôt sur les dividendes et les plus-values, mesures qui profiteront aux plus riches et donc à leur épargne sans beaucoup d’effets sur la consommation), ni sur l’offre des entreprises (rien sur la formation, l’incitation à l’investissement, la promotion des start- up et de l’innovation, la R&D,… par exemple). Bref un programme libéral ultra-classique sans ambition.

Bruno Lemaire et François Fillon en rajoutent dans la surenchère ultralibérale puisque le premier veut supprimer un million d’emplois de fonctionnaires en 10 ans (il pense être élu en 2017 et réélu en 2022 !) et le second veut instaurer une taxe forfaitaire modérée (faible ?) sur tous les revenus du capital ainsi que donner à l’Etat (dont il sera à la tête) la possibilité de limiter les impôts locaux !

Last but not least, Nicolas Sarkozy, l’homme qui confirme qu’il est sans idées et sans courage, veut faire des tas de choses qu’il n’a pas eu le temps de faire en tant que président (dit-il !), en gros les mêmes que Juppé et en plus supprimer le statut des fonctionnaires. Rappelons qu’il a augmenté la dette de la France de 600 milliards d’euros en 5 ans et qu’il a laissé en 2012 une situation extrêmement dégradée qui n’est pas entièrement imputable à la crise de 2008.

Rien sur l’environnement sauf autoriser le gaz de schiste et relancer le nucléaire !

Bien sûr qu’il faut améliorer le fonctionnement de l’Etat et sa productivité, et du coup le désendetter, mais en travaillant avec les fonctionnaires, en les rendant davantage responsables, en supprimant les hiérarchies inutiles, en demandant aux élus des comptes sur leur gestion, … et pas à coups de serpe dont les effets seront forcément une dégradation du service public. Rappelons aussi qu’en France, le modèle social que veut remettre en cause toute la droite, a permis d’amortir les crises (ce qu’on appelle en économie les stabilisateurs automatiques), ce que Hollande s’est bien gardé de remettre en cause.

Conséquences de ces programmes : une poussée encore plus forte de l’extrême-droite. Bravo !

Du coup Femerac persiste et signe (cf la première chronique) : François Hollande sera réélu en 2017. Non pas parce qu’il est un bon président, on a assez souligné ici son manque de vision et d’initiatives, mais parce que c’est le moins mauvais candidat face à Le Pen. Juppé favori ne remportera pas la primaire car la droite va continuer à soutenir l’habile Sarkozy, dont la France ne veut surtout plus. A gauche, Mélenchon et Montebourg plafonnent car ils ne sont pas crédibles (rappelons que les français en majorité votent et continueront à voter au centre droit ou centre gauche). Macron est un leurre médiatique, coincé entre le social libéralisme de Hollande et le libéralisme tout court de Juppé. Et les verts ont disparu de l’échiquier politique.

De plus, comme annoncé dans la première chronique il y a plus d’un an, Hollande bénéficiera d’un renouveau faible de la croissance et donc enfin d’une petite diminution du chômage, ce qui le remontera dans les sondages.

Bof !!!      Femerac président ?

Avec un peu de bon sens, bon sang !

FEMERAC