27 ème chronique Risques sanitaires et chantage à l’Emploi

Un millier de personnes se sont rassemblées devant la préfecture de Marseille le 30 janvier dernier pour protester contre le déversement des boues rouges de l’usine d’aluminium Alteo de Gardanne dans la Méditerranée entre Fos et Toulon devant le parc national des Calanques. Cette pollution dure depuis 1966 ; elle devait s’arrêter en décembre 2015 (50 ans après !) mais continue sous une forme liquide transparente certes atténuée mais extrêmement toxique et dangereuse : arsenic, uranium 238, thorium 232, mercure, cadmium, titane, soude, plomb, chrome, vanadium, nickel, … continuent de se déverser dans un flot de 270 m3 par heure, plusieurs dizaines de fois au-dessus des normes européennes. Pollution vérifiée par les laboratoires universitaires.

Tout ceci a largement été repris par la presse (voir notamment le Monde Diplomatique de mai 2015, l’excellente chronique d’Audrey Garric dans le Monde du 2 février). Tous les articles sont unanimes pour dénoncer un véritable scandale.

Pour autant rien ne se passe. Dans la manifestation de Marseille à laquelle votre serviteur participait, quelques élus des verts, José Bové …et c’est tout. Un millier de personnes, c’était finalement relativement peu compte-tenu des enjeux. Pourquoi pas les élus du PS ou du PR ? Les syndicats ?…

Parce que des emplois sont en jeu : 400 sur le site et un millier de sous-traitants. Alors silence, …

 

Pourtant des solutions techniques de traitement de l’ensemble des déchets existent mais ils nécessiteraient un investissement de plusieurs millions d’euros, que les propriétaires, le fond de placement américain HIG Capital (qui a racheté le site à Rio Tinto en 2012, qui l’avait lui-même racheté à Alcan en 2008, lequel l’avait racheté à Péchiney en 2003), refuse de faire. Rentabilité oblige. Alors silence, …

 

C’est le Conseil supérieur de prévention des risques technologiques (CSPRT), réuni à partir du 22 décembre, qui a donné un avis favorable au renouvellement de l’autorisation du rejet de ces effluents dnas la mer.  Le gouvernement n’y serait pour rien. Pourtant la pancarte de la manifestation qui disait « Manuelito, on va te couper les oreilles et la queue ! », n’avait sans doute pas tort. Personne n’en est dupe. L’encart Royal-Valls dans l’Obs du 4 février attribue bien la responsabilité de ce prolongement de rejet au premier ministre qui a, semble-t-il, cédé au chantage à l’emploi de l’investisseur américain. Alors silence, …

 Au lendemain de la COP21, qui fut il faut le reconnaitre un succès pour la diplomatie française et sans doute aussi pour l’écologie par la prise de conscience mondiale des problèmes de réchauffement climatique qui s’y est manifestée, la volonté de continuer à polluer et à altérer la santé des populations pour quelques centaines d’emplois est dramatique.

Bien sûr on ne peut pas parler à la légère des pertes potentielles d’emplois, mais quand on sait que l’investissement pour dépolluer le site de Gardanne permet de recycler et donc de valoriser les déchets, on est face au redoutable défi politique de mettre les industriels en face de leurs responsabilités collectives. Et si ces derniers s’avèrent incapables d’y faire face, ce qui est probable, de leur substituer des repreneurs alternatifs (si le propriétaire est prêt  à fermer l’usine c’est que sa valeur est nulle pour lui !) au risque de perdre des emplois à court terme pour améliorer le bien-être collectif et gagner des emplois demain dans des investissements permettant de construire la nouvelle industrie dont les Etats ont désormais besoin pour faire face aux défis écologiques. C’est à l’aune de ce type d’arbitrage qu’on mesure le vrai courage politique et que peut s’exprimer une vraie vision !

Avec un peu de bon sens, bon sang !

 

FEMERAC

 

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