29 ème chronique Loi El Khomry – chant désespéré

On sait avec Musset que les chants désespérés sont les chants les plus beaux. La loi El Khomry en est un, qui risque de se transformer en pur sanglot sans pour autant devenir immortel.

François Hollande joue en effet son va-tout : après avoir distribué des dizaines de milliards aux entreprises sans contrepartie contractualisée avec le CICE, après avoir multiplié les emplois jeunes et les formations, il joue ce qu’il estime être sa dernière carte pour tenter de réduire le chômage en l’absence de reprise franche de la croissance économique : la libéralisation du marché du travail. La vieille idée qui veut que l’entrepreneur qui a aujourd’hui peur d’embaucher des salariés qui vont lui rester sur les bras et lui coûter trop cher à licencier en cas de renversement de conjoncture serait enclin à davantage embaucher s’il peut facilement licencier.

Or cette assertion est en général fausse. Même si elle vient d’être soutenue par d’éminents économistes (cf Le Monde du samedi 5 mars) emmenés par le très éminent et très libéral Prix Nobel Jean Tirole. Lesquels affirment que les mesures annoncées permettraient de stimuler l’embauche des jeunes qui sont aujourd’hui les laissés pour compte de l’économie. Et de citer l’Espagne qui ayant pris des mesures du même type a vu en peu de temps l’embauche de 300 000 jeunes. C’est ou de la mauvaise foi ou de l’incompétence : le taux de chômage était monté si haut en 2008-09 en Espagne et la croissance était si bas (négative !) que la moindre remontée de cette dernière (plus de 3% ces deux dernières années) se traduit mécaniquement par des embauches nouvelles, indépendamment des mesures de droit du travail. Rappelons que le taux de chômage en Espagne était de 26 % début 2013, le plus élevé de l’Union Economique.

Il est quand même étonnant et pour le moins paradoxal d’imaginer que la facilité de licencier va se traduire par un accroissement de l’emploi ! A remplacer plus facilement, peut-être et en partie, des salariés âgés par des salariés plus jeunes et donc moins chers. Et donc finalement encore baisser le coût du travail, mesure qui n’aboutit à rien en termes d’emploi quand la croissance est faible (et elle va le rester) et quand les entreprises ne sont pas performantes en termes de haute valeur ajoutée (cf la lettre de Femerac au président du CNPF), c’est-à-dire capables comme en Allemagne de vendre cher des biens très demandés où elles sont leader. Ce qui suppose d’ailleurs dans c cas et dans une logique inversée positive qu’on ait envie de garder les compétences plutôt que de les voir s’enfuir.

Aux Etats-Unis où on peut se faire licencier dans la journée sans justification (bonjour l’ambiance !) et en contrepartie s’en aller sans préavis , le marché du travail est certes plus fluide mais le niveau de l’emploi qui fluctue beaucoup est fondamentalement tiré par le niveau d’activité qui est lui-même tiré par la fuite en avant de l’endettement croissant.

Rappelons qu’il n’est pas possible de lutter contre les bas salaires des pays de l’Asie du Sud-Est ou de l’Europe de l’Est sauf à détruire l’économie française. Que les industries lourdes et pénalisées par le coût de la main d’œuvre ont quitté la France depuis longtemps. Et donc que toutes les mesures visant à diminuer le coût du travail ou à niveler la protection des travailleurs par le bas sont vouées à l’échec sur l’autel de l’emploi.

Il n’y a que le partage par la réduction du temps de travail (cf chronique 19). Avec un peu de bon sens, bon sang !

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Dans le registre de la gestion publique locale, il faut absolument lire l’ouvrage de Philippe PUJOL « La fabrique du monstre » (Les Arènes janvier 2016) pour comprendre le fonctionnement de l’économie parallèle de la drogue à Marseille dans les quartiers les plus pauvres d’Europe et de la violence associée, les raisons pour lesquelles le corse Jean-Noël Guérini, appelé dans sa jeunesse « le crétin du Panier » tant étaient élevées ses aptitudes et sa culture, est resté 17 ans président du Conseil Général le plus riche de France et comprendre enfin pourquoi la ville de Marseille, pourtant sous perfusion de l’Etat, est devenue la ville la plus endettée et une des plus mal gérées de France. Edifiant !

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Les associations qui se sont pourvues en justice contre les rejets des boues rouges désormais transparentes (cf chronique 27) ont été déboutées par la justice. La pollution peut continuer de s’accumuler au large des Calanques ! Lamentable.

 

FEMERAC

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