Si j’étais un vrai président – troisième épisode : réduire encore le temps de travail

Dix-neuvième chronique

La messe est dite. Daniel COHEN, professeur d’économie rue d’Ulm et vice-président cofondateur de l’Ecole d’Economie de Paris, vient de publier un livre « Le monde est clos et le désir infini » (clin d’œil pas très malicieux à l’ouvrage remarquable d’Alexandre Koyré « Du monde clos à l’univers infini »), qui stipule que la croissance économique risque d’être durablement faible. Les lecteurs de Femerac étaient déjà avertis ! Mais les paroles de cet économiste très distingué sont en première page des journaux et donc susceptibles d’être perçues. Tant mieux(1).

Il découvre aussi que les investissements réalisés dans les entreprises créent des gains de productivité uniquement au détriment du travail et donc de l’emploi(2). Il confirme ce que l’on savait depuis longtemps : que tous les emplois qui peuvent être « numérisés » c’est-à-dire remplacés par une machine ou un automatisme, vont disparaitre plus ou moins vite. Il en conclut que tout cela est bien problématique pour l’emploi. Et que propose-t-il ? Je cite « Faire bénéficier les chômeurs d’une formation professionnelle efficace ». Bigre. Ce n’est pas faux mais c’est un peu léger !

Non. La seule manière pertinente de réduire le chômage de façon sensible, c’est de réduire (encore) le temps de travail. Pierre Larrouturou(3) fait déjà ce constat depuis des lustres. Et ses propositions restent pertinentes : on passe à 32 heures en les finançant pas une réduction des cotisations sociales employeurs-employés(4), voire par une réduction des salaires de plus de 1500 euros mensuels. On a déjà signalé que cette dernière condition pouvait ne pas être acceptée. C’est pourquoi il est nécessaire, mais Larrouturou l’explique très bien, que la mise en place de cette réduction du temps de travail ne soit pas imposée à la hussarde (comme Martine Aubry a pu le faire pour les 35 heures mais elle était bien intentionnée) mais négociée entreprise par entreprise (de plus de 10 salariés) pour tenir compte des spécificités locales. Le temps de travail légal ne serait pas officiellement diminué mais les entreprises qui négocieraient une baisse de ce temps bénéficieraient d’un bonus fiscal.

Ce qui a été fait chez Volkswagen peut se faire en France.

Un récent sondage CSA pour les Echos révèle que 71% des français seraient favorables à une discussion sur la durée légale du travail (sous-entendu : remettre en cause les 35 heures pour travailler plus et gagner plus). C’est seulement révélateur du conflit évident entre ceux qui ont un emploi et ceux qui n’en ont pas. Il sera difficile à surmonter. Il interdira de créer le million d’emplois que Larrouturou espère mais il est possible d’imaginer une baisse de 300 à 500 000 chômeurs.

 

(1) On parle ici de la croissance dite « potentielle » c’est-à-dire ce que le système productif est capable de produire. Et c’est ça l’essentiel. Cela n’empêche pas, comme déjà démontré, que cette croissance potentielle peut (et c’est le cas) ne pas être atteinte si la demande, notamment celle des consommateurs salariés, est bridée par un partage salaires-profits peu favorable.

(2) Ceci n’est pas obligatoire car on peut investir pour produire de nouveaux biens (utiles !) à partir de travaux de R&D. On peut alors parler de progrès.

(3) Déjà cité dans ces chroniques (cf « le livre noir du libéralisme » pp159 et suivantes pour l’analyse et pp184-85 pour la mise en œuvre).

(4)  Ceci n’est pas de nature à perturber les équilibres financiers du fait des économies réalisées sur le chômage et du gain de cotisations des nouveaux salariés (anciens chômeurs).

 

FEMERAC

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