53ème et dernière chronique A gauche, à droite….

Il n’est pas très utile pour la réflexion de mettre sur les gens des étiquettes politiques. Les bons et les méchants, au sens de l’intérêt collectif, ne sont pas toujours là où on croit. Pour autant il faut éviter les mélanges et les confusions.

Le philosophe Alain disait : « Quand on me demande si la division entre partis de droite et de gauche, entre gens de gauche ou de droite, a encore une quelconque signification, la première chose qui me vient à l’esprit est que quiconque pose la question n’est certainement pas de la gauche. » (Éléments d’une doctrine radicale, 1925).

La confusion règne dans les esprits car elle est entretenue par beaucoup de politiques qui ont perdu leurs repères.

Chacun connait l’origine historique du clivage gauche-droite qui se trouve dans la position géographique des différents partis politiques dans l’assemblée nationale d’août-septembre 1789[1]. Cette tradition a perduré. Mais qu’en est-il sur le fond ?

Emmanuel Macron n’aime pas le concept gauche-droite, il lui préfère celui de progressistes-conservateurs. Cela reste conceptuel et n’est guère éclairant : de quel progrès parle-t-on ?

Il y a la phrase plus parlante mais provocatrice d’Arnaud Fleurent-Didier (Reproductions 2010) : « Fils de gauche, milite ! Fils de droite, hérite ».

Il y a la définition donnée par plusieurs orateurs en mai 2016 lors d’un colloque « La gauche et le pouvoir » : « La gauche c’est la patrie de ceux qui ne se satisfont pas du monde tel qu’il va »[2]. Vision négative : on est contre mais on est pour quoi ?

Il y a les trois gauches de Michel Onfray (cf Le Monde du 2-04- 2011) :

  • « Avec la gauche libérale, l’éthique de conviction disparait sous le rouleau compresseur de l’éthique de responsabilité ».
  • « La gauche antilibérale est à l’inverse de la première : tout à ses convictions, sans aucun souci des responsabilités. Chez elle, on parle d’autant plus haut et fort qu’on sait le pouvoir inaccessible autrement que par un jeu d’alliances qui fait d’elle un supplétif vite vidé de son sang… A vouloir la révolution sinon rien on n’a rien et surtout pas la révolution ».
  • « La gauche libertaire française (en opposition à la gauche libertaire …autoritaire de type Bakounine). Elle est éthique de conviction responsable et éthique de responsabilité convaincue… Son souci n’est pas de gérer le capitalisme comme la gauche libérale, ni de briller dans le ressentiment et les mots sans pouvoir sur les choses, mais de changer la vie dans l’instant, là où on est ».

On a envie d’aimer cette gauche libertaire là. Encore faut-il lui donner un contenu plus précis. C’est pourquoi, on préférera globalement parler de « la recherche d’une société solidaire »  qui  permet de définir les grands objectifs de la politique économique :

Solidaire en Eradiquant la pauvreté qui est inacceptable dans la 5ème puissance mondiale (le revenu universel) ;

Solidaire en Régulant les marchés local et international pour intégrer dans les échangesle respect des hommes et de l’environnement (l’échange équitable) ;

Solidaire en Réduisant les inégalités par le partage des richesses dès leur création dans l’entreprise et en donnant aux hommes toutes leurs responsabilités de producteurs (l’entreprise équitable) ;

Solidaire en Développant la créativité dans l’enseignement et la création d’entreprise (l’école participative et l’incitation à entreprendre) ;

Solidaire en permettant à chacun d’accéder à une santé performante (la généralisation des centres de santé polyvalents en complément d’un hôpital spécialisé ; la prévention) ;

Solidaire en Donnant la parole aux citoyens dans la ville (la participation locale) ;

Solidaire avec les pays pauvres et les exilés politiques ou économiques (l’aide au développement et l’accueil responsable des migrants) ;

Solidaire en Acceptant les cultures différentes dans le respect de l’autre (la laïcité) ;

Solidaire en assurant la promotion de la paix dans le monde.

Cette société solidaire n’est pas le monde des bisounours (même si celui-ci semble exister chez les muriquis, ces singes très évolués d’Amérique du Sud qui résistent à la fièvre jaune, font l’amour tout le temps et jamais la guerre) (cf le Monde du 15 mai 2017). Les conflits entre les hommes sont certes permanents mais toute cette solidarité est relativement facile à mettre rapidement en œuvre et crée un cercle vertueux. Et puis c’est peut-être utopique mais comme le suggérait Oscar Wilde, « le progrès c’est l’utopie ».

Alors gauche, droite ? Non : Solidaire !

* *  *

La diffusion de ces chroniques, lancées il y a maintenant 26 mois, reste très (trop !) confidentielle, ce qui s’explique sans doute par une diffusion restreinte et non forcée par des procédés mercantiles. Il n’y a pas eu l’amplification que l’on espérait au départ compte-tenu de l’absence sur le marché de textes (gratuits voire même payants) essayant de concilier comme ces chroniques pédagogie, analyse et propositions économiques.  C’est sans doute que dans notre société, à l’information surabondante, la chronique écrite n’est pas (n’est plus ?) un bon véhicule de communication. Il va nous falloir trouver d’autres formes d’expression.

Merci à mes lecteurs fidèles et …. un peu bon sens, bon sang ! FEMERAC

[1] Lors d’un débat sur le poids de l’autorité royale face au pouvoir de l’assemblée populaire dans la future constitution, les députés partisans du veto royal (majoritairement ceux de la noblesse et du clergé) se regroupèrent à droite du président de l’assemblée constituante (position liée à l’habitude des places d’honneurs). Au contraire, les opposants à ce veto se rassemblèrent à gauche sous l’étiquette de « patriotes » (majoritairement le Tiers état). (Wikipedia)

 

[2] Cité par Anne Sinclair dans « Chronique d’une France blessée » (Grasset Mars 17)

52ème chronique L’économiste et le café du commerce

Dur, dur d’être un économiste !

Bien sûr il y a la blague : « Pourquoi a-t-on inventé les économistes ? Pour que les météorologues ne se sentent pas seuls ! ». Blague qui fait fureur depuis la crise de 2008 et qui fait référence à l’incapacité des économistes à prévoir correctement l’évolution de la situation économique d’un pays.

Mais le pire ennemi de l’économiste c’est le café du commerce. Car, dans la conversation courante, il y a toujours quelqu’un qui connait le beau-frère de sa tante qui lui a dit qu’il avait vu un chômeur indemnisé qui ne cherchait pas du travail. Ou un autre qui a rencontré le copain d’un ami qui lui a raconté qu’un migrant kurde profitait avec sa famille nombreuse des aides généreuses de l’Etat alors que lui-même ne touchait aucune allocation. Ou encore un autre qui vous dit que l’inflation est galopante depuis l’euro car vous avez vu le prix de la baguette !

Le pire ennemi de la réflexion, vous dis-je, c’est quand on fait d’un cas particulier une généralité et surtout… quand on parle sans savoir !

Car le véritable économiste, et pas forcément besoin d’être hyper diplômé pour cela ni d’avoir pignon sur rue, est un être circonspect devant la rumeur, prudent devant des chiffres partiels, critique devant les discours et raisonnements simplistes (bonjour Monsieur François Lenglet !), un être qui pèse les arguments avec la balance des études et des recherches, bref un être qui travaille et qui pense….ou du moins qui essaye.

Et qui balaye du coup les idées fausses :

  • Non l’euro n’a pas entraîné depuis 2002 une inflation cachée. Et non, ma bonne dame, le prix de la baguette n’a pas doublé en 15 ans. Car il était en moyenne de 4,20 francs en 2000, soit 0,64 euro, et à 0,87 euros en 2013 soit une hausse de 36 % (2,8 % par an). (source : france-inflation.com/prix_depuis_1900_en_france.php  ). Ce n’est certes pas négligeable mais ce n’est épouvantable !   Oui l’indice des prix calculé chaque mois par l’INSEE sur la base de 200 000 prix relevés est fiable et non manipulé. L’inflation a été de 1,4 % par an de 2002 à 2017 alors qu’elle était de 2,1 % par an au cours des quinze années précédentes (source INSEE ; cf aussi le Monde des 25 et 26 mai 17).
  • Non les immigrés ne viennent pas manger le pain des français. C’est même l’inverse : dans une étude réalisée en 2010 par l’Université de LILLE pour le compte de l’Administration, la contribution nette globale de l’immigration au Budget des Administrations Publiques aurait été positive de près de 4 milliards d’euros pour l’année 2005. Ceci étant lié à la structure d’âge moyenne des immigrés, plus jeune et donc moins dépendante des aides.
  • Non les chômeurs ne sont pas tous des fainéants. « Si la vision du “chômeur fainéant” avait un sens, (cf analyse d’économistes dans Atlantico.fr du 3 juin 2016) cela signifierait que les personnes sans emploi refuseraient les emplois qui leurs sont proposés, et ainsi, que ces postes ne trouveraient pas preneurs. Ce qui obligerait les entreprises à aller chercher des personnes en emploi pour occuper ces postes, et donc à mettre les employeurs en concurrence entre eux. Ce qui provoquerait des hausses de salaires. Or, selon les chiffres de 2015, la rémunération des salariés a connu une croissance de 1.29% en 2015, contre plus de 4% en 2007. Aujourd’hui, c’est bien le manque de travail qui caractérise l’économie française, et non la fainéantise supposée de sa population. » La fameuse mesure proposée par Macron (oui il y en a quelques-unes, mais bon !) qui consiste à obliger un chômeur à accepter la troisième proposition qui lui est faite, a déjà été …mise en place en 2008 par Sarkozy et …restée sans effet car de fait inapplicable … faute d’emplois à proposer… et aussi parce qu’une telle mesure très coercitive n’est tout simplement pas légale !
  • Non l’emploi en France n’est pas trop rigide : selon les données officielles de l’OCDE, qui regroupe les 35 pays les plus riches, pour 2015 (oecd.org › Accueil de l’OCDE › Emploi › Politiques et données sur l’emploi): la France est un des pays où le taux d’emplois temporaires (CDD) est le plus élevé : 16,7 % contre 11,4 % pour l’ensemble de l’OCDE, 13,1 % pour l’Allemagne et 6,2 % seulement au Royaume-Uni !
  • Oui le travailleur français travaille plus (1482 heures) que le travailleur allemand (1371 heures) dans l’année (source OCDE stats pour 2015) et il a une productivité (PIB par tête) plus importante. Voila pourquoi madame (entre autres raisons) le taux d’emploi est plus important en Allemagne et donc le taux de chômage plus faible.
  • ….

Le débat et la polémique entre spécialistes au cours de l’année 2016, à partir de l’ouvrage de  Pierre Cahuc et André Zylberberg « Le négationnisme économique » sur le thème l’Economie est-elle une science avec ses lois inéluctables, n’a pas beaucoup d’intérêt pour le néophyte. Peu importe que l’Economie soit une science ou non. L’important c’est d’élaborer la réflexion économique de façon scientifique à partir d’une analyse rigoureuse des faits et des comportements…

Alors un peu bon sens, bon sang !

                                                                                                                                   ***

Nicola Hulot est rentré de façon surprenante dans un gouvernement qui n’a pas fait de la défense de la planète sa priorité. Comme s’interroge justement Agnès Sinaï, fondatrice de l’Institut Momentum, journaliste et enseignante à Sciences Po, dans Le Monde du 23 mai dernier : « M. Hulot sera-t-il l’idiot utile d’une vieille politique ou le héraut du monde désirable de demain ? ». On croit avoir la réponse mais on suivra avec attention !

FEMERAC

51ème chronique Le pire est évité mais pour quel avenir ?

On l’a échappé belle. Exit la candidate des esprits faibles qui heureusement sont encore loin d’être majoritaires en France (Le Pen qui dépasse historiquement les 10 millions de voix ne réunit finalement au 2ème tour « que » 22 % des inscrits). Pour autant le nouveau président, qui a su profiter de circonstances exceptionnellement favorables en jouant habilement de la bêtise de la classe politique en place (Fillon pris la main dans le sac, le PS rempli de traitres et d’opportunistes, Mélenchon trop sûr de lui), n’a guère suscité l’enthousiasme. Comment justifier en effet le titre du Monde du mardi 9 mai « le triomphe de Macron », quand ce candidat a réuni 24 % des voix au 1er tour (18 % des inscrits !), alors même que beaucoup de votes dits « utiles » (utiles à quoi au juste ?) s’étaient déjà reportés sur lui, et qu’au deuxième tour il ne réunit qu’à peine 45 % des inscrits alors même que la moitié d’entre eux ont voté non pas pour lui mais contre Le Pen. Victoire qui n’est guère glorieuse en vérité !

La question est maintenant de savoir si ce jeune technocrate, qui a brulé toutes les étapes, va enfin régler les grands problèmes de la société française. Que nenni a priori tant son programme (que nous avons analysé en détail, ce qui doit être rare car aucune personne sollicitée par nos soins n’en avait la moindre idée !), constitué de mesurettes, est inexistant dans la lutte contre le chômage, la pauvreté, le pouvoir d’achat des ménages et l’évolution de la démocratie dans la ville et l’entreprise (cf nos chroniques précédentes). Et ne parlons pas de l’écologie ! Sauf à vouloir accélérer la mise en œuvre de mesures cherchant encore à fluidifier le marché du travail, dont on sait qu’elles sont non seulement inefficaces mais dangereuses car augmentant la précarité des salariés. Et sur l’Europe : renforcer l’axe franco-allemand, certes, mais pour quelle finalité ? Et sur les migrants, accueil pas accueil ?

On peut peut-être lui faire crédit de sa capacité à transformer enfin la grande créativité de nos jeunes start-ups, qui aujourd’hui s’exilent, en véritables entreprises de création de richesses. Ce qui pourrait augmenter la croissance de quelques pour cents et l’emploi de quelques dizaines de milliers. Ce serait efficace mais largement insuffisant.

Alors une nouvelle présidence pour rien, comme les précédentes ? Attention car la belle, très futée et très dangereuse Marion Maréchal-Le Pen de la 3ème génération est à l’affût !

Mais quand les politiques (et la plupart des français manipulés par le discours inconsistants des médias) seront-ils capables de comprendre que la très forte productivité des français (une des plus élevées du monde : cf The Economist, référence libérale anglo saxonne, de fin mars 2017), ne peut se traduire que par des pertes d’emploi même si le taux de croissance augmente, et que le chômage qui s’ensuit mécaniquement ne peut se résoudre que par un partage de plus en plus important du temps de travail, comme d’ailleurs c’est le cas aux Etats-Unis ou en Allemagne mais sous la forme d’un temps partiel non choisi (des femmes notamment) et peu rémunérateur. Ou encore qu’il suffit de trouver 35 milliards supplémentaires (c’est tout à fait réalisable !) à ajouter aux 100 milliards déjà distribués pour constituer un revenu universel digne de ce nom (pauvre Hamon qui a mangé son chapeau !) se substituant à toutes les autres aides sociales (hors chômage et santé) qui vaincra enfin la pauvreté et la précarité (cf notre article dans le Monde.fr). Amenant ainsi la France au niveau des peuples solidaires et heureux de leur sort.

Alors président Macron un peu d’audace et…avec un peu bon sens, bon sang !

FEMERAC

50ème chronique Pour une Europe Fédérale

La France est belle. Mais la France est petite. De plus en plus petite …

Sixième puissance mondiale aujourd’hui avec son PIB à 2200 milliards de dollars, elle était en quatrième position en 1980 juste derrière l’Allemagne et sera sans doute exclue du G8 en 2030 dépassée par l’Inde et le Brésil. Alors restons modestes et lucides. Notre puissance économique désormais moyenne rend notre participation à l’Europe inéluctable dans les luttes économiques et politiques avec les géants que sont les Etats-Unis, la Chine, le Japon ou la Russie, …

D’autant plus que l’arrivée de Trump aux Etats-Unis, avec son désengagement de l’OTAN, les tensions avec la Russie et les guerres au Moyen-Orient avec la Syrie et Daech, nécessitent une relance de l’Europe de la Défense aujourd’hui quasi-inexistante. De façon à compter enfin dans la recherche de solutions pacifiques entre les Etats en tension, à lutter à la fois contre Bachar el Assad, qui a opprimé son peuple, et contre un Daech destructeur qui s’abreuve à l’insatisfaction de populations opprimées., à rechercher enfin une solution au conflit israelo-palestinien,…

Comment peut-on chercher à lutter contre la surenchère fiscale et sociale de nos concurrents économiques sans une Europe forte capable avec un Parlement et un Budget propres d’imposer des règles communes ? A contrario, une Europe des Nations molle est destinée à dégrader ses conditions de vie pour résister à une concurrence de plus en plus exacerbée. Il faut profiter du départ des anglais, largement responsables d’une Europe réduite à un grand marche intérieur dans une concurrence généralisée anglo-saxonne, pour redéfinir les objectifs européens en matière de politique sociale, écologique et énergétique.

Rappelons que la France exporte et importe plus du quart de sa richesse avec le reste du Monde dont près de 60% avec la seule Union Européenne. Complétement intriquée dans ce commerce privilégié avec ses partenaires européens, comment la France pourrait-elle un jour revenir en arrière ? Quelles conséquences pour son niveau de vie ?   Le PIB de la France a augmenté de 600 milliards d’euros depuis la création de l’euro (source Wikipedia) soit une hausse de 40%, rendant caduque l’argument selon lequel l’euro aurait eu des conséquences négatives sur la croissance (et ceci malgré la crise de 2008).

Le problème de l’emploi (et donc du chômage) n’a rien à voir avec l’Europe, puisqu’il est étroitement lié à l’accroissement très important de la productivité, laquelle n’a pas été assez rapidement compensée par une baisse de la durée du travail (1). Là aussi c’est une problématique européenne autant que nationale qu’il faudra bien un jour résoudre ! L’emploi est aussi lié à la capacité de la France de produire mieux dans la concurrence internationale avec des produits de plus haute valeur ajoutée, ce qui suppose une dynamique industrielle qui n’a rien à voir avec le coût de la main d’œuvre mais seulement avec une meilleure valorisation du savoir-faire français et de la coopération européenne.

Il ne sert pas à grand-chose de regretter le temps de la puissance de la France d’antan. Il faut plutôt s’attacher à créer les conditions pour que la concurrence qui est désormais inévitablement internationale, se réalise dans les conditions les meilleures pour l’ensemble des populations. En militant avec force et conviction pour une Europe fédérale sociale et écologique !

Avec un peu bon sens, bon sang !

FEMERAC

  • Si on produisait 100 avec 10 de main d’œuvre, c’est-à-dire avec une productivité de 10, et si on produit désormais 100 avec 5 de main d’œuvre avec une productivité de 20, on a divisé l’emploi par 2. Si on veut maintenir l’emploi il faut diviser la durée du travail par 2. CQFD

 

49ème chronique L’Etat Stratège

Drôle de campagne présidentielle où les élus des primaires de droite et de gauche, pourtant mobilisatrices, sont en mauvaise posture dans les sondages. Le premier parce qu’il s’est fait prendre la main dans le sac (lamentable !), le second parce qu’il a réduit sa mesure phare, son revenu universel, comme peau de chagrin sans l’avoir jamais vraiment bien expliqué et donc bien fait comprendre et peut-être aussi un peu par manque de charisme.

Il reste au centre un évangéliste du « ne changeons rien », et à gauche un prédicateur du « changeons tout ». Ne parlons pas de l’extrême droite, avec une candidate sortie tout droit de la halle aux poissons en proclamant « revenons en arrière entre nous ».

Sur le fond, des tas de propositions plus ou moins libérales, plus ou moins sociales, dont on cherche vraiment le sens et la finalité.

Or voter pour un président de la République Française c’est adhérer à une vision, passer un contrat avec un personnage qui va fixer le cap, les grandes lignes directrices d’une stratégie visant à améliorer le sort des français. Pas pour inaugurer les chysanthèmes. Aussi est-ce inutile de demander aux candidats à un tel poste quel est le prix du ticket de métro ou s’il va continuer à augmenter le nombre de radars sur la route.

De la hauteur, vous dis-je !

Et puis un président ne peut pas tout faire et surtout ne doit pas tout faire : il doit diriger un Etat dont le rôle, en dehors des fonctions purement régaliennes (la police, l’armée, la justice, la monnaie et l’impôt), est de réguler et d’inciter, à partir de cette vision et de ce contrat avec le peuple. Le rôle de l’Etat n’est pas de faire à la place des acteurs de la vie civile. C’est le rôle d’un Etat Stratège.

Et cette vision, quelle pourrait-elle être ? Si l’on veut ici résumer ici nos 48 chroniques précédentes :

  • Eradiquer la Pauvreté et la Précarité avec la mise en oeuvre d’un véritable Revenu Universel. Je persiste et signe en disant que verser 1000 euros par mois à tous les majeurs et 500 euros à tous les mineurs ne coûterait que 35 milliards  (en plus des 100 milliards déjà financés aujourd’hui  pour les mesures de  solidarité auxquelles ce revenu  se substituerait). C’est-à-dire pas grand-chose (1,7 % de la richesse nationale). Cf ma chronique précédente reprise en partie dans le Monde.fr (Voir l’article)
  • Réduire drastiquement le chômage: par le passage aux 32 heures négociées par entreprise et avec comme contrepartie une réduction des charges sociales pour que le coût soit nul ou faible. Rappelons que la France est des pays les plus productifs du monde (au sens de la richesse créée par individu). Et que cette productivité essentiellement liée à l’automatisation a été fort heureusement accompagnée d’une baisse de la durée du travail. On se retrouverait sinon avec un chômage de plus de 10 millions de personnes ! (voir les travaux de Larouturrou et Méda).  Bien sûr on peut aussi améliorer notre positionnement dans la concurrence internationale, mais cela est lié à la capacité des entreprises de produire des produits de haute valeur ajoutée (comme en Allemagne).
  • Transformer la redistribution des richesses grâce à la mise en œuvre progressive de l’entreprise équitable où les salariés perçoivent sous forme d’actions un tiers de de la richesse restante une fois payées les charges dont les salaires. Avec le droit de participer au Conseil d’Administration. Cette entreprise du XXIème siècle est la seule façon de mobiliser toutes les énergies et de diminuer les inégalités. Cf notre article dans le Monde (avec Claude Escarguel et Hubert Viallet) – (Voir l’article)
  • Eradiquer l’agriculture non biologique en 15 ans par des incitations réglementaires et financières fortes et le nucléaire en 50 ans par une maitrise de la filière du démantèlement et la mise en œuvre des énergies renouvelables et le stockage efficace de l’électricité.

Tout le reste est certes important (la sante, l’éducation, la culture,…) mais en fait secondaire et découle en vérité de ces quatre orientations refondatrices. Dans cette présidentielle on en est loin.

Avec un peu bon sens, bon sang !

FEMERAC

 

48ème chronique Pour en finir une fois pour toutes avec le soi-disant surcoût du Revenu Universel !

Compte-tenu de l’importance qu’a pris ce concept dans la campagne présidentielle, et bien que ces chroniques aient déjà largement développé l’intérêt et le mode de financement du Revenu Universel, il nous faut revenir sur ce que Benoit Hamon s’est bien caché, pour des raisons tactiques mais à tort, de développer lors des débats de la primaire de la Belle Alliance : son véritable coût.

Dit brutalement, un Revenu Universel de 1 000 euros par mois[1] pour tous les majeurs de plus de 18 ans et de 500 euros pour tous les mineurs de moins de 18 ans (c’est-à-dire bien plus que ce que propose le candidat socialiste) coûterait 600 milliards d’euros, soit 30 % du PIB français. Horreur !

Mais ce chiffre n’a aucun intérêt car il ne représente que les sommes en jeu et non pas le vrai coût net de ce dispositif. Or quel est ce vrai coût ?

D’abord il faut bien comprendre que c’est, au moins dans un premier temps et parce qu’il faut aller vite, l’impôt sur le revenu qui sera calé pour financer le dispositif.  Avec un principe essentiel :  le nouvel impôt permettra aux personnes qui en ont besoin de garder le Revenu Universel et à ceux qui n’en ont pas besoin de le rendre. Et contrairement à ce que dit Piketty (Le Monde du 11 décembre 2016 et 45 ème chronique Femerac ), qui ne comprend pas l’intérêt de donner le revenu universel puis de le reprendre par l’impôt, la vie est faite de contrariétés. Piketty devrait se promener dans les couloirs de Pôle Emploi et y voir ces milliers de gens qui croyaient ne jamais tomber dans la précarité et ne pas avoir besoin de ce Revenu Universel. C’est pour cette raison qu’il faut proposer le Revenu Universel à tout le monde. Mais, parce que la plupart des gens vont le rendre sous forme d’impôts, une grande partie des 600 milliards distribués sous forme de Revenu Universel sera récupérée par le système d’imposition.

Ensuite le Revenu Universel se substitue à tous les revenus de solidarité (allocations familiales, allocations logement, allocations vieillesse, RSA,…) dont le montant avoisine les 100 milliards d’euros (sources : Institut Montaigne 2014, e-ssentiel CAF, impôts,…) quand on y intègre le quotient familial qui perd en effet tout son sens avec l’existence du Revenu Universel.

On rappelle que le Revenu Universel laisse inchangés les systèmes de Sécurité Sociale et de retraites qui sont des revenus différés avec leurs propres modes de financement.

Dès lors, pour calculer le réel coût de ce dispositif il faut examiner ce qu’il manque aujourd’hui aux plus démunis pour leur permette d’atteindre les niveaux de revenus proposés par le Revenu Universel, compte-tenu des transferts dont ils bénéficient déjà. Or quand on croise les statistiques de l’INSEE sur le Revenu disponible (2014), c’est-à-dire ce dont disposent les ménages après transferts et impôts, avec celles de l’INED sur le nombre et la composition des ménages, on peut facilement estimer le besoin de financement supplémentaire aux 100 milliards déjà alloués sous forme de prestations diverses à environ 35 milliards d’euros[2]

Pour vaincre la pauvreté et la précarité, 35 milliards d’euros supplémentaires ce n’est pas grand chose. Alors qu’attendons-nous ?

De plus, chacun disposant avec le Revenu Universel d’un socle minimal de revenus, il est juste que tout euro supplémentaire gagné sous forme de salaire, retraite, bénéfice,…   devienne imposable. On rappelle ici que plus de 50 % des français ne payent pas d’impôts sur le revenu et donc pas d’impôts locaux. Ce qui n’est pas normal pour que chacun soit citoyen à part entière. Un taux de 5 puis 10 % sur les revenus aujourd’hui non imposables rapporterait au moins 20  milliards d’euros. Bien sûr pas question de faire payer le Revenu Universel par les catégories les plus modestes. Mais cela signifie que les marges de manœuvre fiscales sont énormes. D’autant plus que la suppression des allocations de toutes sortes ferait gagner en frais de gestion des milliards d’euros à l’Etat et surtout aux Collectivités Territoriales.

Le Revenu Universel c’est beau comme un camion et cela ne coûte pas (très) cher. Le Revenu Universel à 1000 euros par mois c’est juste, c’est possible, c’est 35 milliards d’euros et c’est maintenant.

Avec un peu bon sens, bon sang !

FEMERAC

 

[1] On rappelle que le seuil de pauvreté est défini à 60 % du salaire médian c’est-à-dire 1000 euros par mois aujourd’hui.

[2]  Attention. Ce chiffre est une estimation Femerac qui ne demande qu’à être challengée.

47ème chronique Bannir le travail au noir !

On exagère à peine en affirmant, pour l’avoir largement testé, qu’il  existe peu d’entreprises artisanales, voire plus importantes, qui ne vous propose de payer en liquide tout ou partie d’un service rendu.  La Cour des comptes estimait en octobre 2014 et pour l’année 2012 entre 20 et 25 milliards d’euros le coût fiscal et social du travail dissimulé. Une étude menée en 2016 par l’Agence centrale des organismes de Sécurité sociale (Acoss) estimait cette fraude des entreprises à environ 7 milliards d’euros. Ce qui ramènerait la fraude à des niveaux importants en niveau absolu mais relativement modestes en niveau relatif (2%) et nous mettrait loin derrière dans le classement des mauvais élèves européens, loin derrière la Grèce et l’Italie !

Ces derniers chiffres sont difficiles à croire. Ces estimations sont en effet  fondées sur le recoupement de fichiers entre les différentes administrations. Mais elles ne mesurent pas la réalité du travail au noir qui ne passe par aucun document : celui du café vendu au bistrot d’à côté servi sans ticket et fabriqué avec du café acheté en liquide au supermarché du coin. Ni vu ni connu. Plus facile encore de dissimuler des cours particuliers ou des prestations de coiffure,…

Bien sûr cette pratique ne peut être que marginale (10-20 % ?), surtout pour des acteurs qui ont pignon sur rue, sous peine d’être trop facilement repérée. Difficile en effet de croire le patron d’une petite entreprise qui roule en 4X4 tout en déclarant un bénéfice à peine supérieur au SMIC ! Pour autant, dans une estimation grossière, si on estime à 10% ce type de dissimulation sur l’ensemble des secteurs pour lesquelles cette possibilité est ouverte (service aux particuliers , commerce, hôtellerie, bâtiment,…), et en constatant que plus de 50 % des transactions sont encore réglées en espèces en France, on peut estimer à au moins 50 milliards d’euros le montant total du travail au noir et donc estimer à plus de 10 milliards le montant des pertes fiscales et sociales qui viennent sans doute s’ajouter aux estimations de l’Acoss. On retrouve alors les chiffres de la Cour des Comptes.

Peu importe en réalité la valeur exacte de chiffres non vérifiables par définition. Il importe qu’ils soient non négligeables.

Faut-il alors laisser faire et se dire que ce travail au noir permet une respiration financière bienvenue pour des métiers qui « croulent sous les charges » ? Difficile à admettre, par pure justice, que certains puissent échapper à l’impôt et aux charges sociales alors que ce ne peut pas être le cas pour la majeure partie des salariés. Car réduire ou supprimer le travail au noir remettrait un peu baume au cœur des comptes publics.

Mais comment faire ?

Encourager le délation : c’est déjà une possibilité car la loi de Finances 2017 a autorisé, en expérimentation sur deux ans, la rémunération par le fisc des informations fournies par les citoyens en vue de sanctionner tout « manquement à une obligation fiscale ». Même si le français excelle dans ce genre de pratique délétère (cf la dénonciation des juifs pendant la 2ème guerre mondiale), nous ne saurions la recommander !

Alors il faut faire comme le gouvernement indien, agacé par l’importance de l’économie souterraine, qui vient de supprimer les billets les plus utilisés par la population. Si cette mesure est susceptible de freiner l’économie indienne qui règle ses transactions à plus de 90 % en espèces, elle pourrait sans beaucoup de problèmes être mise en place en France où il est seulement interdit depuis 2015 de régler les factures de plus de 1000 euros en espèces. Car au pays qui a inventé la carte bleue il ne saurait être très difficile de généraliser le paiement par carte monétique et par simple contact même pour payer sa baguette. Au même titre que les cartes de bus.  Il suffit que le système soit bien sécurisé (techniquement et financièrement, ce que l’on sait faire) et qu’on impose un système de paiement tôt ou tard inéluctable, et qui engendrerait des économies considérables (1)

 

Avec un peu bon sens, bon sang !

FEMERAC

(1) Un billet de banque a une durée de vie moyenne de 3 ans et son remplacement coûte plusieurs euros (c’est un chiffre gardé secret par la Banque de France) !!!. Par ailleurs il y a en France 57000 distributeurs à entretenir !

46ème chronique Vive la Sécu !

Martin Hirsch, directeur général de l’AP-HP, et Didier Tabuteau, responsable de la chaire santé à Sciences-Po, ont eu une bonne idée (Cf le Monde du 16 janvier 2016) : ils proposent de créer une assurance-maladie universelle. C’est-à-dire, pour simplifier, de supprimer progressivement toutes les assurances maladies complémentaires (dont 80% sont des mutuelles) et de confier à la Sécurité Sociale le rôle entier de remboursement des dépenses de santé, moyennant de la part des assurés une hausse (obligatoire) de leurs cotisations.

Leur argument est fondé sur un rapport de 2013 dont les conclusions sont assez surprenantes :  le coût de gestion de la Sécu est de l’ordre de 4% (6,5 milliards d’euros sur un total de 150 milliards de remboursements) alors qu’il est pour les mutuelles en moyenne de l’ordre de 19% (6 milliards sur un total de remboursements de 32 milliards). La Sécu modèle de gestion : incroyable… mais vrai !

Faire gérer par la Sécu traditionnelle l’ensemble des dépenses de santé économiserait a minima 6 milliards d’euros, puisqu’au-delà des economies de frais de gestion, il faut tenir compte du gain potentiel énorme issu du fait qu’un dossier médical ne sera plus traité qu’un fois au lieu de l’être deux fois dans le système actuel. Et ainsi économiser ce que les économistes appellent dans leur langage feutré, des coûts de transaction. Autrement dit des gâchis !

Même si l’OMS classe le système de santé français comme le premier au  monde en termes d’efficacité (cf Patrice Alloux  « La santé n’est pas une marchandise ») et celui des Etats-Unis, fondé sur des assurances privées, comme le 12ème seulement, on peut constater qu’il reste encore des marges de progression.

Mais alors pourquoi en est-on arrivé là ?

Les organismes de “complémentaire santé” se sont considérablement développés depuis 20 ans en raison de la diminution du taux de remboursement des régimes obligatoires. Ceux-ci couvrent aujourd’hui environ 78% de la dépense globale de soins, 54% des soins courants (médecins, médicaments, analyses) et parfois moins de 10% pour certaines dépenses spécifiques (optique, dentaire).

Car face à la hausse très importante des dépenses de santé (la consommation de soins et de biens médicaux représentait 3,4 % du PIB en 1960, 6,3 % en 1980 et 10,9 % en 2013 (ref  OCDE) , et qui le seront encore davantage à l’avenir avec le vieillissement de la population sauf à changer notre mode de consommation médicale, il a été choisi par les pouvoirs publics de diminuer les remboursements plutôt que d’augmenter les cotisations sociales (salarié ou employeur) ou la CSG (cotisation sociale généralisée). En laissant ainsi le champ libre à un système de cotisations volontaires payées par le seul assuré. Cette diminution de la qualité de la solidarité santé s’est traduite par le non accès aux soins des plus pauvres : le gouvernement Jospin a créé en 1999 la CMU-C (couverture maladie universelle complémentaire) et le gouvernement Ayrault a créé en 2013 l’obligation pour les entreprises du secteur privé de proposer à leurs salariés une complémentaire santé, par un contrat collectif qu’elles devront financer à 50%.

Comment faire simple quand on peut faire très compliqué ! Et donc très coûteux.

L’idée de Hirsch-Tabuleau est donc à retenir d’urgence. Elle n’est en fait pas très originale : elle consiste à revenir à la Sécu d’antan, financée par le salarié et le patronat, en améliorant les prestations (optiques et dentaires en particulier). C’est en fait ce que propose Jean-Luc Mélenchon dans son programme présidentiel. Et, au moins sur ce point dont l’application est simple, il est en pointe sur tous les autres candidats.

Avec un peu bon sens, bon sang !

FEMERAC

45ème chronique Piketty n’a pas tout compris !

Dommage ! Thomas Piketty, économiste désormais mondialement connu pour ses travaux sur les inégalités de revenu et la rentabilité du capital[1], a écrit un article (Le monde du 11 décembre « Revenu de base ou salaire juste) ») dans lequel il remet en cause l’intérêt du Revenu Universel car dit-il « si nous voulons vivre dans une société plus juste, alors il faut formuler des objectifs plus ambitieux, concernant l’ensemble de la répartition des revenus et de la propriété. » Vérité stratégique mais erreur tactique, commune à beaucoup d’acteurs de gauche (le revenu universel n’est pas dans le programme présidentiel de Jean-Luc Mélenchon pour la même raison que Piketty).

Bien sûr qu’il faut chercher à augmenter les salaires : on a, dans ces chroniques, largement commenté, comme beaucoup d’auteurs, le fait que la diminution de la part des salaires dans la valeur ajoutée depuis l’ère Reagan-Thatcher, était la cause profonde des crises économiques depuis 35 ans, crises résolues à court terme par une fuite en avant dans l’endettement. On a même écrit en ce sens au président du Medef (cf 26ème chronique de janvier 2016). Le problème c’est qu’on ne décrète pas du jour au lendemain un renversement de la distribution des revenus dans les entreprises. C’est le résultat d’un rapport de forces qui est très défavorable aux salariés quand le chômage est élevé (« si tu n’es pas content de ton maigre salaire, la porte est là, ils sont des milliers à lorgner ton emploi, … »).

Alors encore attendre avant de résoudre le problème crucial de la pauvreté ?!

A tout vouloir changer, on ne change rien. Le Revenu Universel à 1000 euros par mois pour les adultes et 500 euros pour les enfants (Benoît Hamon et les Verts sont bien timides dans leurs propositions[2] !) éradique la pauvreté, au moins au sens statistique du terme (revenus inférieurs à 60 % du revenu médian soit 1000 euros).

On peut le mettre en place rapidement (cf 31ème chronique d’avril 2016) en remplaçant toutes les aides et la plupart des exemptions fiscales (dont la famille), sans ne toucher évidemment ni aux indemnités chômage ni aux retraites qui sont des salaires différés. Son financement est simple : les entreprises continuent de payer (comme pour les allocations) mais de façon simplifiée et tout revenu est soumis à l’impôt de façon très progressive dès le premier euro gagné (hors revenu universel).

Quand Piketty affirme « je comprends mal ceux qui s’obstinent à vouloir verser un revenu de base de 500 euros par mois aux personnes touchant 2000 euros de salaire, pour ensuite reprendre la même somme en augmentant les impôts prélevés à la source. », il n’a décidément pas tout compris. Car il y a beaucoup de des gens qui ont un salaire un jour et rien ou pas grand-chose le lendemain : le revenu universel garantit de quoi vivre tout le temps, il crée une relation au travail différente, moins angoissée, plus mature, il laisse le temps pour la formation, il fait du chômage une période moins stressée. En lien avec les 32 heures, il permet de faire face à une société de plus en plus automatisée dont le salarié subit les impacts négatifs sur l’emploi. Il permet une simplification considérable des procédures administratives qui encombrent les instances départementales et les mairies, en supprimant tous les effets de seuil très  mal perçus, et de faire ainsi d’énormes gains de productivité dans la fonction publique permettant de combler les carences dans les hôpitaux ou l’éducation, …

Alors les hausse de salaires, bien sûr. Mais le revenu universel c’est maintenant[3].

* * *

Il faut reconnaitre que les deux journalistes du Monde que nous avons à juste titre vilipendés pour leur livre « un président ne devrait pas dire ça, … » ont reconnu, sans commentaires trop désagréables, le rôle digne et pertinent de Hollande à l’international (si Obama avait suivi Hollande en août 2013 sur les frappes en Syrie, on n’aurait pas eu Alep aujourd’hui !) et face au terrorisme (en dehors de l’erreur reconnue sur la déchéance de nationalité qui nous avait valu le très beau texte de « Murmures à la jeunesse »). On maintient ici, en synergie avec Julien Dray, et malgré quelques critiques (sympathiques) reçues, que ces confidences du président constituent un bel exercice de démocratie. Si Hollande a renoncé à son renouvellement, il est possible qu’il prenne rapidement des responsabilités dans des instances internationales.

Avec un peu bon sens, bon sang !

FEMERAC

[1] « Les hauts revenus en France au XXème siècle » (Grasset 2001) et surtout « Le capital au XXIème siècle » (Seuil 2013)

[2] Un Revenu Universel à 750 euros par mois ne résoud rien car c’est à peu près ce que touchent aujourd’hui les pauvres en moyenne avec le système particulièrement complexes d’aides.

[3] Compte-tenu de l’importance du sujet et de l’incapacité des commentateurs de donner une vision claire du RU, nous allons nous donner pour tâche en 2017 (c’est bientôt l’heure des vœux) d’écrire un fascicule « le revenu universel à 1000 euros par mois, c’est juste, c’est maintenant et c’est possible ».

 

44ème chronique On ne parle pas comme ça d’un président…

Puisque cet ouvrage a créé des remous dans le landernau politique et médiatique, il fallait donc lire attentivement les 662 pages à l’écriture serrée du livre des deux grands reporters du Monde, Davet et Lhomme « Un président ne devrait pas dire ça… ». Peut-être est-on le seul en France à avoir eu cette exigence ; car, surprise, à l’inverse de ceux qui ont repris le commentaire de celui qui a repris le commentaire… de quelqu’un qui avait juste lu quelques pages, le président Hollande y apparait sous un jour plutôt favorable. Ce sont surtout les commentaires et critiques acerbes des journalistes, dont l’éthique est très discutable, qui donnent à cet ouvrage un caractère, il faut le dire, détestable[1]. A titre d’exemple,

  • page 201, « Et soudain, le prestidigitateur prend des allures de bonimenteur», sans que ce propos particulièrement agressif ne repose sur aucun fait ni aucune analyse ;
  • page 254 : « Délire de persécution, début de paranoïa? En même temps les faits auraient plutôt tendance à lui donner raison » ; pourquoi le traiter de cette manière s’il a raison ?

Au nom de quoi et de qui un tel dénigrement ? En tout état de cause, on ne parle pas comme ça d’un président. Le titre du livre lui-même est une provocation : Hollande a été très naïf de faire confiance à ces deux journalistes qui (cf le prologue) ne lui ont même pas permis de relire quoi que ce soit[2] et qui, in fine, dénigrent le personnage à un moment clé pour faire un best-seller : belle mentalité ! Mais l’ attitude de Hollande s’explique par son souci de mieux faire comprendre son action et à mon sens sur ce point et pour le lecteur honnête et attentif, il a réussi.

Nous avons dans nos chroniques beaucoup critiqué François Hollande pour son incapacité à trouver un souffle et une dynamique permettant de réduire le chômage (pourtant son objectif premier), de diminuer sinon vaincre la pauvreté et surtout, à la suite de la crise de 2008, de réguler un système capitaliste dont l’objectif premier devient de plus en plus de faire de l’argent avec de l’argent. Cette critique demeure : Hollande est un social libéral qui le revendique. Il ne mettra jamais en place les 32 heures (seule arme contre le chômage), ni le revenu universel à 1000 euros par mois (seule arme contre la pauvreté[3]) ni l’entreprise équitable (seule arme pour résoudre dès sa création le problème du partage des richesses et faire entrer l’entreprise dans le XXIème siècle).  Lesquelles mesures conjuguées avec une décision publique et privée (par incitations) systématiquement déterminée par des considérations écologiques et dans le cadre d’une démocratie locale réanimée, constituent les trois piliers d’une nouvelle économie, non révolutionnaire car elle ne remet pas en cause l’économie de marché, mais plus juste et plus efficace.   Mais aucun candidat aujourd’hui déclaré à la présidentielle de 2017 ne propose ces trois mesures et un tel système et cadre de décisions. On y reviendra.

Pour autant, la gestion sociale-libérale de Hollande n’est pas si critiquable si on la considère en tant que telle. C’est la (seule !) vertu du livre de montrer qu’un homme honnête et intègre, travailleur et extrêmement compétent en économie[4],  essaye dans tous ses processus de décisions et de nominations de prendre le recul nécessaire et de tenir compte des qualités et des défauts des hommes avant de les nommer. On comprend mieux ainsi qu’il a eu à subir en 2012 une situation économique catastrophique (Sarkozy ayant fait retarder au maximum les plans sociaux), des comptes publics dégradés (une dette de plus de 85% du PIB et un  déficit public de 5,2 % complétement en dehors des clous européens) et des impôts à la hausse décidés en 2011 pour s’appliquer en 2012 !

On comprend mieux ce qu’il s’est passé à Florange (aucun licenciement, des investissements supplémentaires et un centre de recherche ; la nationalisation partielle de Montebourg étant vouée à l’échec par les mesures de rétorsions annoncées par Mittal), à Notre Dame des Landes (le respect de la démocratie pour un projet voté par les élus et conforté par un référendum), pour l’écotaxe et les bonnets rouges (projet annulé car mal ficelé par Sarkozy pour application en 2014 !), au niveau européen (risque d’éclatement de la zone euro), avec le droit de vote des étrangers aux élections locales (majorité des 3/5 au Parlement réuni en Congrés introuvable), avec Valérie Trierweiler (et son livre déplacé) ,…

Sans réduire de beaucoup les dépenses publiques, c’est-à-dire sans austérité, il a augmenté les impôts (en plus des hausses Sarkozy-Fillon) pour réduire les déficits, mais 75 à 80 % des recettes fiscales nouvelles ont été trouvées chez 10 % des contribuables, ce qui est redistributif (page 224).

Sa politique de l’offre (le CICE crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi, la loi travail) s’explique par la mauvaise situation des entreprises depuis la crise de 2008. Une politique de la demande ne peut se mettre en place que si les entreprises peuvent y répondre. C’est l’absence de contreparties en termes d’emplois et d’investissement qui est critiquable.

Bref il fallait avoir sur l’action de François Hollande un regard plus objectif pour quelqu’un dont les auteurs conviennent pourtant (p289) qu’il a honoré à l’automne 2016 l’essentiel de ses promesses.

                                                                                                                  * *  *

La prochaine élection se fera sans Sarkozy et sans Hollande, trop impopulaires. Nous avons perdu notre pari (cf Chronique n°2). La présidentielle est donc ouverte entre une gauche éclatée, un François Fillon qui se croit au XIX ème siècle et une Marine Le Pen qui veut transformer la France en citadelle haineuse. Les combats qui s’engagent seront acharnés !!!

Avec un peu de bon sens, bon sang !

FEMERAC

[1] Que le lecteur non convaincu par mon propos s’astreigne à ne lire dans le livre que les passages entre guillemets, c’est-à-dire les seules paroles citées de Hollande. L’exercice est éclairant !

[2] François Hollande a promis, parce que le président est juridiquement inattaquable, de ne pas ester en justice au cours de son mandat. Promesse tenue, y compris lors de l’affaire Closer avec son scooter et Julie Gayet.

[3] Le dossier récent d’Alternatives Economiques (Novembre 2016) sur le sujet, qui doute de la faisabilité financière d’un tel revenu, devrait tenir compte de notre 31ème chronique d’avril dernier : ce revenu est financé parce que chaque euro de revenu tiré du travail ou du capital est systématiquement soumis à l’impôt dans le cadre d’un système fiscal très progressif. Ceci est juste, efficace et pertinent.

[4] Ce qui n’est pas le cas des deux journalistes dont les commentaires économiques prêtent à sourire, en particulier à propos de Keynes et des salaires (p218).