31ème chronique Vérités et mensonges sur le revenu universel

Le très libéral chroniqueur du Monde, Arnaud Leparmentier, rejette aux oubliettes (Le Monde du 30 mars 2016) le revenu universel conséquent (1000 euros par mois) parce que trop, trop cher, « les revenus étant taxés à plus de 90 % pour financer cette allocation. Bon retour en URSS » (sic !).

Ce monsieur a tort et devrait éviter de caricaturer. Notre 18ème chronique avait déjà mais succinctement décrit l’intérêt et le mode de financement de ce revenu universel. Il nous faut donc être plus précis.

Rappelons qu’un Revenu Universel (RU) de 1000 euros par mois pour tout adulte et 500 euros par mois pour tout enfant de moins de 15 ans, coûterait environ 600 milliards d’euros. Ce chiffre peut paraitre gigantesque : c’est 30 % du PIB et environ 38 % du Revenu Primaire Brut des Ménages c’est-à-dire de l’ensemble des revenus que touchent les ménages avant impôt et toute forme de redistribution. Cela signifie que l’existence de ce revenu oblige à reconcevoir tout le système d’imposition et de redistribution. Mais en simplifiant tout !

D’abord, je le rappelle, en supprimant toutes les prestations sociales autres que celles qui touchent la santé, la retraite ou le chômage, qui sont financés de façon spécifique, et toutes les niches fiscales (1) y compris familiales, on réalise déjà une économie d’environ 160 milliards d’euros.

Ensuite car le RU donné à chacun signifie par exemple qu’une famille avec un couple et deux enfants toucheraient 3000 euros par mois soit 36 000 euros par an. Or un tel revenu fiscal de référence la placerait au regard des impôts d’aujourd’hui dans la catégorie imposée à un taux marginal de 30 %. Il est donc légitime de considérer que le premier euro gagné par cette famille en travaillant soit imposé à 30 %. On peut dès lors aisément mettre en œuvre sans problème des taux marginaux d’imposition beaucoup plus élevés que ceux d’aujourd’hui (de 30 à 70 % pour les revenus supérieurs à 150000 euros) qui s’appliqueront à l’ensembles des ménages (alors que plus de 50% des français ne payeront pas d’impôts sur le revenu (IRPP) en 2016) et calculer qu’il est possible de faire monter le montant de l’impôt ridiculement bas aujourd’hui (entre 65 et 70 milliards d’euros, soit moitié moins que la TVA) à des montants dépassant 400 milliards d’euros (2) CQFD.

Notons au passage que la moitié des français exemptés aujourd’hui de l’IRPP ne payent pas d’impôts locaux. Chacun payera désormais sa contribution à la vie locale au grand bénéfice des finances locales.

Le nouveau système d’imposition avec des taux marginaux élevés peut être une forte incitation à la fraude fiscale. Il sera d’autant plus facile à mettre en œuvre que les impôts seront prélevés à la source (ce qui devient simple car il n’y plus de niches fiscales et donc plus de rectificatifs ex-post). Mais on n’échappera pas un renforcement des contrôles fiscaux (aléatoires) et à une progressivité des sanctions en cas de fraude.

Le problème de la désincitation au travail, souvent évoqué à l’encontre du RU, est un faux problème. Le RU n’est pas la panacée : il est calculé au niveau de 60% du revenu médian français comme la définition du seuil de pauvreté retenue par les organismes de statistiques européens ; il permet seulement de survivre. Dès lors chacun a intérêt à compléter ce minimum par un revenu lui permettant de satisfaire ses besoins essentiels, mais sans le stress du quotidien.  Le RU permet seulement d’éradiquer la pauvreté, ce qui est déjà énorme. Et ce n’est pas accessoire, de diminuer la morbidité liée au bouclage des fins de mois.

Avec un peu de bon sens, bon sang ! Pour vivre mieux !

FEMERAC

(1) La suppression des niches fiscales qui n’est possible (supportable) que parce qu’on compense tout ou partie par le RU incite à mieux définir et à rendre plus efficaces les systèmes d’incitation publique. Et notamment, même si c’est interdit en comptabilité publique, mais rien n’interdit d’être intelligent, de faire financer une mesure donnée par un impôt spécifique : les économies d’énergies par une taxe carbone par exemple.

(2) Tous les chiffres sont issus de calculs personnels sur la base des données de l’INSEE et de la DG Finances. Ils sont approximatifs car les chiffres publics ne permettent pas des calculs précis quand on fait une refonte de l’impôt. Mais leur approximation n’empêche pas que les ordres de grandeur soient justes.

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