Etre …le Fou du President

LRAR envoyée (vraiment) le 23 juillet 2015 au Palais de l’Elysée

« Monsieur le président,

Je vous fais une lettre que vous lirez peut-être…

Je n’ai pas le talent de Boris Vian mais ma demande est modeste : je ne vous annonce pas que je ne veux pas aller à la guerre, je vous annonce au contraire que je veux être avec vous au cœur de l’action.

Monsieur le président, je vous demande en effet officiellement de bien vouloir me nommer à vos côtés comme votre Fou, le Fou du Président.

Cela peut vous surprendre que je vous demande de remettre au goût du jour une fonction passée de mode avec la fin de la Royauté en France et l’avènement des démocraties ; lesquelles étaient sensées organiser la séparation des pouvoirs et l’existence de contre-pouvoirs qui rendaient inutile pour le chef de l’Etat d’avoir à côté de lui un personnage dit fou mais plein de bon sens, qui lui rappelle sans cesse et avec courage qu’il faut garder les pieds sur terre, se méfier des courtisans et toujours disposer du recul nécessaire. Car, avouez-le, le pouvoir qui vous est donné dans cette Vème République fait de vous l’équivalent d’un roi : l’assemblée législative est à votre botte, à coups de 49-3 s’il le faut, et la justice dite indépendante laisse par exemple le sieur Cahuzac encore en liberté près de deux ans après avoir détourné des millions d’euros tandis que le moindre petit voleur est incarcéré dans l’instant.

Monsieur le président, si les présidents de la République avaient eu l’intelligence de recréer la fonction du Fou, je doute que Charles de Gaulle ait promulgué le référendum suicidaire qui lui a coûté le pouvoir, que Giscard d’Estaing se soit laissé subjuguer par les sirènes de Bokassa, que le grand tribun qu’était François Mitterrand et que j’ai admiré avant l’élection de 1981 pour ses élans populaires se soit tourné vers la rigueur avec une telle vigueur en 1984 laissant pantois son électorat, que Jacques Chirac ait sollicité un vote catastrophique pour lui en 1997. Quant à Nicolas Sarkozy il a de fait recréé cette fonction de Fou en l’exerçant lui-même et devenant ainsi le schizophrène que les français ont dû éliminer en 2012. Je pense aussi, monsieur le Président, que l’existence d’un Fou du Président vous aurait empêché au début de votre mandat d’écouter les sirènes du MEDEF ou de succomber au charme caché mais apparemment efficace d’Angela. Bref, grâce à ce petit emploi, la face et l’honneur de la France en eussent été changés.

Monsieur le président, vous êtes un homme de grand talent que les personnes qui vous entourent (la cour du président) empêchent sans doute de s’exprimer. Quelles grandes choses vous pourriez encore accomplir avant 2017 pour remettre l’Europe sur les rails de la démocratie, pour mobiliser l’enthousiasme des français dans leur travail et leur vie quotidienne, pour redynamiser l’économie française, si votre propre dynamisme n’était pas bridé par les discours convenus et peu créatifs des gens qui vous parlent. Quelle leçon vous pourriez donner aux forces brunes qui obscurcissent notre horizon en leur démontrant l’inanité de leurs discours.

Monsieur le président, je suis un homme d’origine très modeste, qui a fréquenté les écoles de la République ; j’y ai même enseigné l’économie et, comme le disait l’immense économiste anglaise Joan ROBINSON, on ne connait vraiment l’économie que quand on l’enseigne ; même si je connais quelques enseignants qui, dans ce domaine, n’ont toujours pas bien compris ce qu’ils racontent. Je ne peux donc pas être soupçonné d’être un fils de famille cherchant à se recaser. J’ai managé des hommes dans une grande entreprise, je connais leurs penchants, leurs travers et leurs qualités. J’ai appris à détecter les menteurs, les grands diseurs et petits faiseurs. J’ai connu des gens bêtes, des gens brillants et retors et des gens très intelligents et très honnêtes. Je sais débusquer les idées originales et pertinentes et anticiper les voies de garage. Mon avis vous sera précieux à chaque instant. Vous saurez que cet avis sera honnête car je ne recherche ni le pouvoir, ni l’argent, ni la gloire. Ce ne sera bien entendu qu’un avis car les décisions vous appartiennent mais vous les prendrez avec davantage de recul ; et les gens, par ma seule présence, auront désormais peur de vous mentir.

Monsieur le Président, je pourrai également vous être utile dans votre vie privée, vous aider à distinguer les vrais reines des fausses princesses sans pour autant brider vos élans. Je pourrai vous aider à transformer votre mode de communication en vous suggérant par exemple de vous exprimer devant les caméras un soir de semaine depuis un bistrot de quartier avec Anne-Sophie L. et Maïtena B., les deux meilleur(e)s du PAF, plutôt que façon ultra-traditionnelle le 14 juillet avec les caciques des journaux télévisés du soir. Je saurai également vous orienter dans les milieux artistiques, vous faire distinguer les vrais artistes des gribouilleurs, et enfin, primum vivere, vous faire connaitre les vrais plaisirs de la table et séparer le bon vin de l’ivraie.

Monsieur le Président, qu’avez-vous à perdre à payer au SMIC et en CDD renouvelable en CDI une fois votre réélection acquise, un Fou du Président qui vous sera rapidement indispensable et saura vous rendre de nouveau populaire.

Monsieur le Président je suis disposé à vous rencontrer dès que possible dans cette illustre demeure que je vous suggérerai de transformer en musée et de vous contenter de bureaux moins ostentatoires mais plus adaptés au monde moderne.

Je vous prie d’agréer, Monsieur le Président, l’expression de mon plus profond respect. »

Un peu de bon sens, bon sang !

FEMERAC

 

Abonnez-vous au Blog