La croissance forte… c’est fini !

Seizième chronique – 21 juillet 2015

Beaucoup attendent la croissance comme on attend Godot ! Mais comme dans la pièce de Beckett, le personnage tant attendu, comme l’Arlésienne, n’arrive jamais. Mais pourquoi donc la croissance qui a fait les grandes heures des économies occidentales ne sera plus que modeste et donc peu créatrice d’emplois.

Un peu d’histoire : l’évolution de la croissance française a été successivement (en taux de croissance annuel –source INSEE) de

– de 5,3% de 1950 à 1969

– de 3,2% de 1970 à 1989

– de 2,0 % de 1990 à 1999

– de 1,4 % de 2000 à 2014

Cette diminution progressive de la croissance sur le long terme (65 ans !) est un phénomène structurel qui s’explique assez facilement. On sait que les déterminants de la croissance sont le travail, la terre, le capital et l’énergie. Revue :

  • Le travail c’est la quantité de travail (les hommes et les femmes) : or la démographie est au mieux stagnante : le nombre de naissances est le même aujourd’hui en France que dans les années 1920. Et le nombre d’heures travaillées stagne. En Allemagne la forte diminution de la fécondité a dû être (et le sera de plus en plus) compensée par des travailleurs étrangers.
  • La terre a des rendements dont les progrès ont été importants grâce aux engrais mais cette évolution est terminée (et souhaitable d’un point de vue environnemental) et est largement contrebalancée par la diminution de la surface des terres arables (au profit ? de l’urbanisation).
  • C’est le capital (c’est-à-dire l’investissement) qui a permis des gains importants de productivité dans l’industrie et dans l’agriculture. Or la mécanisation de l’agriculture a atteint ses limites et si le capital dans l’industrie continue de fournir des gains (modestes) de productivité, ce secteur ne représente plus que 10 à 20 % du PIB c’est-à-dire de la richesse produite. Or dans le reste de l’économie (le secteur tertiaire), la productivité est faible : l’informatique améliore la qualité des prestations fournies mais affecte peu la productivité (c’est le paradoxe dit de Solow). Les machines à retirer de l’argent ou les machines à composter dans les nouvelles postes, se substituent effectivement à du travail en le faisant faire par le client (agacement de ma part), mais leur impact sur la productivité est faible. Et ce n’est pas en remplaçant l’lphone 2686 par l’Iphone 3063 que ce constat changera.
  • L’énergie est le facteur déterminant : grâce à l’énergie un français moyen dispose aujourd’hui de l’équivalent en quantité de travail de cent cinquante esclaves : cf l’excellent Jancovici qui est sans doute avec Pierre-Noël Giraud de l’Ecole des Mines le meilleur économiste de l’énergie en France. C’est l’énergie qui explique le développement des économies depuis 2 siècles. Héron d’Alexandrie avait déjà construit au 1er siècle ap JC le premier moteur à vapeur mais c’est l’exploitation du charbon puis du pétrole qui a permis de faire des machines à vapeur des véritables outils industriels. Or l’énergie est en quantité limitée : le peak-oil (c’est-à-dire le point où on consomme davantage de pétrole qu’on en trouve) est déjà passé (cf l’Agence Internationale de l’Energie qui a dû admettre ce fait après des années de résistance), le charbon s’épuise et pollue trop, on doit aller chercher le gaz dans les schistes ou les roches bitumineuses au mépris de l’environnement et pour quelques dizaines d’années tout au plus, l’uranium demeure en quantité limitée et il y a peu d’espoir de découvrir de nouveaux types miraculeux d’energie (à titre d’exemple le réacteur de fusion nucléaire – ITER – est et restera longtemps une énergie d’avenir !).

Les fondamentaux de la croissance économiques nous disent donc que la croissance forte c’est fini. La seule croissance reste liée aux faibles gains de productivité, lesquels se substituent directement à l’emploi. A quoi sert alors d’attendre ? Il faut faire autrement.  A suivre.

Un peu de bon sens, bon sang !

FEMERAC

 

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