Dette ? Vous avez dit dette !

Il est malheureux que lors du débat sur la dette grecque qui agite tous les medias et les commentateurs divers, on soit aussi peu précis sur les contenus et sur les origines de la dette en général.

En effet (cf par exemple le monde du dimanche 5 juillet sur la dette grecque) on ne parle quasiment que de dette publique. Or ceci n’a pas de sens, car l’importance de la dette d’un pays ne peut s’apprécier qu’en fonction de la capacité de remboursement des acteurs économiques qui composent ce pays. Il est donc nécessaire d’examiner l’ensemble des dettes auxquelles auront à faire face ces acteurs : la dette publique et la dette privée (des ménages et des entreprises). Or cet examen global peut être surprenant comme le montre le tableau suivant :

en % du PIB Dette publique dette privée Total
Etats-Unis 124 199 323
France 111 221 332
Allemagne 86 154 240
Royaume-Uni 105 241 346
Grèce 164 144 308
source OCDE 2012 OCDE 2011

 

En premier lieu, on constate que la dette privée est bien plus importante que la dette publique. Les chiffres (cf OCDE) montrent également que partout sauf en Allemagne cette dette privée augmente.

En second lieu, on constate que la Grèce est globalement moins endettée que les Etats-Unis, la France ou le Royaume-Uni !

Pour apprécier la solvabilité des acteurs, regardons le taux d’épargne d’un pays, c’est-à-dire ce qu’il reste du PIB (la richesse totale produite) distribué aux agents économiques et qui n’a pas été consommé :

en % du PIB Taux d’épargne brute
Etats-Unis 18
France 20
Allemagne 26
Royaume-Uni 13
Grèce 11
source Banque Mondiale 2013

Comme pour un ménage, ce taux traduit la capacité de rembourser les dettes. On peut constater que la Grèce qui a un faible taux d’épargne aura plus de mal à rembourser l’ensemble de ses dettes si elle maintient sa consommation à l’identique. Mais que ceci est vrai aussi pour le Royaume-Uni qui est beaucoup plus endetté. Alors que l’Allemagne et la France ont une forte solvabilité globale sans efforts supplémentaires. Les Etats-Unis étant dans une position intermédiaire.

Avec une explication de l’ensemble des données, tout devient plus relatif ! Le seul véritable problème de la Grèce est la collecte de l’impôt notamment auprès des plus riches (les armateurs et l’Eglise !) et c’est sur ce point essentiel qu’il faut lui demander de faire des efforts importants.

Mais comment est-on arrivé à une situation d’endettement aussi important et généralisé dans tous les pays ? Petite histoire simplifiée.

Ford avait bien compris dans les années 1920 qu’il fallait augmenter les salaires pour que les ouvriers puissent acheter les voitures qu’il produisait alors en nombre limité pour les seuls riches (lesquels étaient très riches (cf Piketty). Avec les hausses de salaires, permises par les gains de productivité (le taylorisme ou travail à la chaîne) c’est-à-dire la production par travailleur, et la mise en place du crédit à la consommation (pour pouvoir acheter la voiture tout de suite), était née la consommation de masse.

Pour autant, F D Roosevelt dans les années 1930 expliquait la crise par l’insuffisance des salaires. Il engagea des politiques nouvelles ; s’ensuivit alors après la seconde guerre mondiale et dans tous les grands pays développés une période de gains de productivité élevés distribués en grande partie aux salaires pour soutenir la croissance.

Mais, c’est une évidence, le partage salaires – profits a toujours été conflictuel. Et pendant les années Reagan –Thatcher : retour en arrière : dans une concurrence exacerbée et encouragée, il faut faire baisser les coûts et donc les salaires pour augmenter les profits qui permettront en théorie aux entreprises d’investir et d’être encore plus performantes. La part des salaires dans la valeur ajoutée (c’est-à-dire la richesse créée dans l’entreprise) est ainsi passée en France (sous Mitterrand !) de 75 à 65 % au cours des années 1980 alors que ce taux avait progressivement grimpé de 68 à 75% après la guerre. Et la part des salaires est restée par la suite à ce faible niveau. Avec trois conséquences majeures :

  • Les revenus des ménages étant insuffisants pour acheter tous les biens produits, on les a incité à s’endetter pour les acquérir grâce à une publicité stimulant les désirs de consommation de biens (utiles ?);
  • Les revenus dégagés par les entreprises ont recréé des riches aussi riches qu’en 1920 (toujours Piketty). Car les entreprises n’ont pas fait qu’investir : elles ont beaucoup distribué de dividendes ; et puis pourquoi investir quand la demande de biens est faible.
  • L’Etat prend progressivement le relais et s’endette à son tour pour relancer l’économie par ses commandes.

La solution à l’endettement ne peut donc pas être l’austérité qui conduit les ménages à encore moins être en mesure d’acheter les biens produits et donc à une crise de surproduction. Contradiction totale su système économique actuel où les mesures préconisées sont contraires au bon fonctionnement du système;

C’est à une refonte progressive du système de distribution de la richesse et surtout à un examen du contenu des biens nécessaires au véritable épanouissement de l’homme dans le respect de l’environnement (quelle croissance pour quoi faire ?) qu’il faut s’attacher pour sortir de ce cercle vicieux de l’endettement.

Un peu de bon sens, bon sang !

FEMERAC

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