La Grèce et l’Europe, un jeu politique meurtrier

On ne peut comprendre les épisodes du feuilleton Europe-Grèce si on ne se réfère pas en permanence à ces deux données clés :

  • Il est impossible à l’Europe (et notamment ses éléments les plus conservateurs qui sont majoritaires) de laisser gagner la Grèce, c’est-à-dire de lui laisser refuser la poursuite des plans d’austérité demandés, car ce serait donner raison à un parti d’extrême gauche (cf par exemple l’interview de Nicolas Sarkozy dans le Monde du jeudi 2 juillet) et créer une jurisprudence en remettant en cause les politiques traditionnelles des instances internationales.
  • Il est impossible au Premier ministre grec Alexis Tsipras, leader de Syriza, d’accepter de prendre les mesures qui lui sont demandées car il a été élu pour les refuser.

On est donc face à un jeu politique meurtrier qui ne peut se terminer que par l’échec total de l’une ou l’autre des parties de ce combat de David contre Goliath.  Si le oui au référendum l’emporte le 5 juillet (c’est-à-dire qu’une majorité de grec accepte le plan européen (FMI compris), Tsipras sera contraint de démissionner. Si le non l’emporte, l’Europe devra accepter la sortie de la Grèce de la zone euro (le fameux Grexit), ce qui ne sera pas très glorieux pour les autorités européennes qui n’auront pas réussi à préserver la zone alors que, rappelons-le, le PIB de la Grèce ne représente qu’à peine 3% du PIB de l’ensemble.

L’Europe et le FMI pourraient aussi dans ce second cas modifier la nature de leurs exigences et revenir à une vision économique plus lucide et plus réaliste. Ce serait intelligent et ce n’est pas gagné ; François Hollande pourrait d’ailleurs à cette occasion transcender son personnage et faire preuve d’initiative voire de leadership. Il suffirait en fait :

  • De constater que la politique d’austérité menée depuis 5 ans en Grèce a été un échec total pour résoudre les problèmes d’endettement et qu’elle a seulement conduit à une précarisation de nombreux ménages grecs. Le FMI l’a déjà plus ou moins admis mais continue de préconiser des mesures qui font perdurer cette austérité inefficace.
  • D’en déduire qu’il est inutile de chercher à réduire encore les retraites ou de diminuer encore les dépenses publiques qui touchent la santé ou l’éducation.
  • D’arrêter de continuer à réclamer des remboursements qui ne peuvent pas être réalisés du fait de la non-solvabilité actuelle du pays, en augmentant de manière sensible la maturité de la dette (c’est-à-dire sa durée) (ce que préconisent beaucoup d’économistes de tous bords dont Straus-Kahn), avec des taux d’intérêt fixes et faibles. Voire annuler une partie de cette dette mais il faut reconnaitre que 100 milliards d’euros de dette ont déjà été annulés.
  • Surtout d’engager sur le long terme avec des échéances à planifier une refonte complète du système d’Etat défaillant en Grèce, avec notamment un recouvrement normal de l’impôt, une restructuration progressive des dépenses publiques (la Grèce est par exemple un des 5 pays les plus dépensiers en matière d’armement au monde !) avec une amélioration sensible de l’efficacité des services publics, une dynamisation de l’offre de biens et services en améliorant progressivement une compétitivité très dégradée. Bref en travaillant sur le fond à partir d’un vrai constat des carences économiques du pays et non à partir de dogmes inefficaces.

Ce ne serait alors un échec pour personne et ce serait une grande victoire de l’intelligence collective. On peut l’espérer : un peu de bon sens, bon sang !

 

FEMERAC

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