John Forbes Nash et … les 32 heures !

John Forbes Nash vient de mourir. Il avait reçu l’équivalent du prix Nobel d’économie en 1994 et l’équivalent du prix Nobel (le prix Abel) de Mathématiques en 2015 pour ses nombreux travaux et notamment ceux portant sur la théorie des jeux (si tu fais ceci et que moi je fais cela, alors tu as intérêt à faire ….). Avec le fameux « Equilibre de Nash », il a montré que le jeu des intérêts particuliers pouvait souvent empêcher la mise en œuvre de solutions dans l’intérêt collectif. On en avait un peu l’intuition, mais lui l’a démontré !

Or il se trouve qu’il existe une décision de politique publique qui permettrait de résoudre en grande partie et rapidement le chômage en France, mais que cette décision ne sera vraisemblablement jamais prise. De quoi s’agit-il ?

Pierre Larroutourou, personnage créatif, volontaire, actif et également très sympathique, est le porteur du principe de la semaine de 32 heures depuis déjà des lustres. Sa démonstration est séduisante (cf ses ouvrages et notamment “le livre noir du libéralisme” pp159 et sq) : les 32 heures créerait plus d’un million d’emplois sans dégrader la compétitivité des entreprises. Bien sûr il ne s’agit plus d’imposer cette réforme comme l’a fait Martine Aubry pour les 35 heures (à la hussarde !) mais de négocier la mise en œuvre de ces 32 heures entreprise par entreprise, de façon à s’adapter à chaque cas. Et ça marche : toutes les entreprises qui l’ont testé se portent bien : Fleury-Michon, Mamie Nova,…. Savez-vous que les employés de Volkswagen, une des plus grosses et plus productives entreprises du monde, travaillent 32 heures par semaine depuis déjà longtemps.

Alors pourquoi cette mesure n’est-elle pas mise en place d’urgence : parce que le financement de cette mesure est la suivante (cf le même ouvrage p185) : une hausse de 10% des effectifs d’une entreprise dont les salariés passeraient  à 32 heures de travail par semaine, serait financé par une diminution des cotisations socailes à hauteur de 7-8% et par une baisse des salaires entre 2 et 3 %. Même si Larroutourou déclare que dans les entreprises qui ont testé les 32 heures, les baisses de salaire n’ont pas touché ceux qui gagnaient moins de 1500 euros et parfois n’ont impacté le salaire d’aucun salarié, le seul fait selon moi d’annoncer une mesure qui ferait perdre du salaire à une partie des salariés est aujourd’hui inconcevable dans la tête des décideurs, et malheureusement aussi dans la tête de beaucoup de salariés.

L’intérêt individuel empêche la mise en œuvre de l’intérêt collectif. CQFD.

Attention : j’entends d’ici les critiques virulentes me rappelant quelques principes : ce n’est pas aux salariés de partager leur misère : il faut prendre aux riches pour financer le partage du temps de travail. Oui bien sûr, mais voilà 40 ans que le chômage augmente inexorablement, mettant dans la détresse des centaines de milliers de foyers et… les riches sont toujours plus riches ! Or il n’y a pas d’autres solutions pour diminuer le chômage qu’une forte croissance ou un partage du temps de travail. Et la croissance forte ne reviendra jamais ! Alors ?

FEMERAC

PS : Les articles de mon blog s’arrachent toujours en haut lieu et dans la presse : Hollande et Merkel ont vu venir Cameron et ses revendications : ils lui proposent (cf Le Monde du 26 mai) de développer des programmes d’action sur la politique économique, la convergence économique, fiscale et sociale, la stabilité financière et la gouvernance de l’UE. Avec les anglais ce ne sera pas possible !

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