Messieurs les anglais …tirez-vous les premiers !

La formule est moins élégante que celle du comte d’Anterroches à la bataille de Fontenoy (1715), mais elle a le mérite d’être claire.

La victoire surprise des conservateurs aux élections législatives du 7 mai dernier aura pour conséquence l’organisation d’un référendum promis par David Cameron sur le maintien de la Grande-Bretagne dans l’Union Européenne.

C’est une victoire surprise non pas parce que les sondages se sont une nouvelle fois trompés, ce qui renvoie à la volatilité des électeurs et de leurs réponses aux questions des sondeurs, mais parce que les fondamentaux de l’économie anglaise ne sont pas très bons. Certes le taux de chômage est relativement faible (5,6% en février) mais il est obtenu non pas par une véritable dynamique économique des entreprises mais par une très forte dégradation des droits sociaux (le contrat à 0 heure garanti par exemple : on vous appelle et on vous paye seulement quand on a besoin de vous !) et surtout par une nette dégradation des comptes publics ( la dette publique est passée de 40 à 90 % du PIB entre 2007 et 2014 , et le déficit budgétaire de -3 à -5,7 pendant la même période en étant passé à -10,8 en 2009 !) (cf notamment le Monde du 7 mai). C’est la même situation en Grande-Bretagne qu’aux Etats-Unis : la Banque d’Angleterre ou la Réserve fédérale font tourner la planche à billet à plein régime (le fameux « quantitative easing » qui sonne mieux dans les salons) : fuite en avant dont il faudra bien payer un jour (et vite !) l’addition, et qui a surtout pour effet de faire monter les bourses mondiales car les banques, avec tout cet argent disponible, préfèrent acheter des actions et des bons du Trésor plutôt que de prêter aux entreprises.

Admettons que l’anglais moyen n’ait regardé que l’amélioration du taux de chômage et qu’il ait les yeux de Chimène pour Cameron. Il va vraisemblablement voter maintenant pour la sortie de l’UE. Tant mieux. Pourquoi ?

Le général De Gaulle n’a jamais voulu faire rentrer la Grande-Bretagne dans le Marché Commun (vetos de janvier 1963 et de mai 1967) à cause de ses relations militaires privilégiées avec les Etats-Unis et de sa conception trop libre-échangiste. Et il avait raison : la GB, dès son adhésion en janvier 1972 n’a eu de cesse de promouvoir, avec un fort pouvoir d’influence, une Europe de la libre concurrence pure et dure au détriment d’une Europe plus sociale et politiquement plus intégrée (même si la France sur ce dernier point était particulièrement à la traine, j’y reviendrai). A titre d’exemple, la mise en œuvre d’un marché concurrentiel de l’électricité, qui s’est traduit… par une hausse des prix un peu partout en Europe sauf en France où les prix des particuliers sont restés réglementés (j’y reviendrai aussi) ! Rappelons également le fameux « I want my money back » de Margaret Thatcher qui traduisait un état d’esprit bien court-termiste et peu soucieux de solidarités en Europe.

On voit mal ce que l’Europe aurait à perdre du départ des anglais, qui ne sont aujourd’hui d’ailleurs ni dans l’euro, ni dans l’espace de Schengen, mais on voit bien ce qu’elle aurait à gagner : une vision plus coopérative et de plus long terme du marché intérieur, le retour à Paris et à Francfort des places financières, une réorganisation nécessaire de la défense européenne (laquelle ne reposait que sur Paris et Londres), …

Mais quand je dis “partez les premiers”, c’est un effet de style, il n’est pas dans l’intérêt de l’Europe qu’un autre pays s’en aille. Spécificité anglaise.

FEMERAC

PS : les articles de mon blog doivent s’arracher en haut lieu et dans la presse :

  • Peu après (et oui après ! ) mon article sur la réélection de Hollande en 2017, on a vu fleurir des articles et déclarations qui disaient en substance la même chose que moi mais en moins clair.
  • Le président de l’Eurogroupe (J. Dijsselbloem) et le ministre français des finances (M. Sapin) discutent enfin d’une harmonisation des systèmes fiscaux en Europe (Cf mon article du 14 avril et le Monde du 8 mai)

Femerac rigole mais bon !

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