23ème chronique Dis papa, c’est qui les méchants ?

 

  • Dis-moi, papa, c’est qui les méchants ?
  • Les arabes mon fils !
  • Ah bon, mais avant les méchants c’était les juifs, grippe-sous qui complotaient contre les braves gens.
  • C’est encore un peu les juifs, mon fils, mais les vrais méchants c’est les arabes !
  • Mais papa, avant les méchants c’était les ritals et les yougos qui sont venus manger le pain des français.
  • Ah non ceux-là ça va, ils ne sont plus trop méchants. Ceux qui sont méchants aujourd’hui ce sont les arabes !
  • Mais papa quand tu dis arabes tu veux dire musulmans ?
  • C’est pareil, mon fils.
  • Je ne comprends pas bien papa : tous les musulmans ne sont pas méchants. Je crois que la France a soutenu l’Irak sunnite contre l’Iran chiite pendant leur guerre de 1980 à 1988 en leur vendant des armes. Donc les méchants c’est l’Iran et les musulmans chiites.
  • Tout cela c’est vieux, mon fils. Depuis les choses ont bien changé.
  • C’est vrai, puisqu‘après, les gentils sunnites emmenés par le gentil Saddam Hussein sont devenus méchants en envahissant le Koweit en 1990, et très méchants en 2003 quand George Bush les a attaqués de son plein gré parce qu’ils devaient cacher de méchantes armes de destruction massive. Et les méchants c’était aussi Ben Laden et Al Quaïda qui ont détruit les Twin Towers à New York le 11 septembre 2001. Heureusement Saddam Hussein et Ben Laden sont morts, tués par nos amis américains.
  • Al Quaida, c’est toujours des méchants. D’ailleurs la France les combat encore au Mali.
  • Mais papa, Al Quaida est apparue pendant la Première Guerre d’Afghanistan de 1970 à 1979 contre les Russes que les américains (Reagan) appelaient l’Empire du Mal. Et nos amis américains ont vendus des armes à Al Quaida et aux talibans pour lutter contre les méchants russes. Al Quaida étaient donc les gentils.
  • Eh ben les gentils sont devenus méchants.
  • Oui papa, parce que ce sont des sunnites fondamentalistes et même pire des salafistes djihadistes. Mais les américains le savaient déjà en 1979 ! Et dis-moi : Al Quaida se bat aussi aujourd’hui aux côtés des rebelles syriens contre le très méchant baasiste Bachar El-Assad, dictateur qui a opprimé le peuple syrien. Même que François Hollande voulait leur donner des armes. De plus Bachar El-Assad est soutenu par le méchant président russe Poutine à qui Hollande a refusé de fournir les deux beaux bateaux Mistral vendus par Sarkozy.
  • En réalité aujourd’hui mon fils les vrais méchants c’est Daech, l’Etat islamique qui a organisé les attentats de Paris en janvier et en novembre. C’est pour cela que François Hollande, appliquant les principes érigés par Kissinger, est en train de se mettre d’accord avec El-Assad et Poutine pour combattre à mort Daech.
  • Ah oui ; les principes qui veulent que l’on désigne clairement son pire ennemi et qu’on s’allie avec tous les autres contre lui. C’est avec ce principe que les américains ont armé Ben- Laden et que les russes et El-Assad redeviennent pas méchants.
  • C’est un principe simple et efficace.
  • Pour enrichir les marchands d’armes c’est sûr. Mais dis-moi papa, Daech c’est bien le mouvement né sous l’oppression des dictatures baassites de Saddam Hussein et de Bachar El-Assad et de l’opposition à l’occident après l’invasion des Etats-Unis en Irak, et qui mobilise aujourd’hui tous les mécontentements des déçus du monde occidental.
  • Oui mon fils ! Mais les mécontents ne doivent pas se transformer en assassins.
  • Tu as raison, papa! Mais tu vois bien : les méchants, c’est pas les arabes mais les islamistes djihadistes. Mais j’y pense papa, l’Arabie Saoudite, les dictateurs wahhabites, ce sont nos grands amis aujourd’hui puisque la France a négocié avec eux des ventes de 10 milliards d’euros en octobre , mais est-ce qu’ils n’ont pas largement financé l’islamisme un peu partout dans le monde avec leurs énormes revenus pétroliers. Et d’ailleurs ils ne sont pas vraiment contre Daech mais plutôt contre l’Iran et  El-Assad qui sont alliés. Ne sont-ils pas fondamentalement les responsables et donc les vrais méchants.
  • ???
  • En fait  papa je ne comprends pas bien :  les vrais gentils, c’est qui  ? A part nous !

UN PEU DE BON SENS, BON SANG !

FEMERAC

 

 

 

 

 

22ème chronique La bête va revenir !

Pierre Perret est un grand poète, grivois, provocateur, romantique et aussi courageux(1). A côté des bien connus « le zizi » ou « les colonies de vacances » qui ont enchanté les enfants et fait sourire les parents, il a écrit

la sublime  « Lily »,

Elle croyait qu´on était égaux Lily
Au pays de Voltaire et d´Hugo Lily

les lucides « Femme Grillagée »,

Quand la femme est grillagée
Toutes les femmes sont outragées
Les hommes les ont rejetées
Dans l’obscurité.

et « Femme Battue »,

Oui c’est à toutes les femmes battues
Qui jusqu’à présent se sont tues
Frappées à mort par un sale con,
Que je dédie cette chanson.

… et surtout « La Bête est Revenue »

Attention mon ami, je l´ai vue.
Méfie-toi : la bête est revenue!…

De cette bête à chagrin
Instillant par ses chants de sirène
La xénophobie et la haine.

Quand on constate que les forces brunes sont susceptibles de largement remporter en voix les prochaines élections régionales, cette dernière chanson est plus que jamais d’actualité.

Mais que recherchent les (nombreux !) esprits faibles dans le vote Front National ?

  • Une protestation contre l’inconsistance des politiques au pouvoir depuis 50 ans ?                                                                                                    Mais c’est oublier que la gauche comme la droite traditionnelles mènent depuis cette époque une politique sociale-libérale qui      accompagne plus ou moins bien socialement le développement du capitalisme en France et son intégration dans l’économie mondiale. Et que la majorité des français de fait l’acceptent ou du moins s’en contentent.

 

  • Une volonté de mettre au pouvoir un parti inconsistant dans sa politique et son éthique parce qu’on ne récolte pas (ou on pense ne pas récolter) les fruits du fonctionnement de cette économie ? Quelles propositions ?                                                                                                    –  Sortir la France de l’Euro ? La dévaluation qui s’en suivrait rendrait plus chères nos importations (qui représentent 25 % de notre richesse consommée) et notre endettement extérieur. Au profit de quelle autonomie retrouvée ? La maîtrise de la politique monétaire ? Celle de la Banque Centrale Européenne inonde aujourd’hui (ce n’était pas vrai il y a 3 ans) l’Europe de liquidités qui ne servent qu’à augmenter la valeur des marchés boursiers et non à dynamiser l’économie réelle.                                                                                                     –  La France aux français ? Mais de quoi parle-t-on ? De ces boucs émissaires à la peau noire ou basanée qui viendraient manger notre pain ? Qui font pour la plupart les travaux que les français refusent de faire, habitent dans les logements où les français refusent d’habiter et qui participent comme tout le monde à la vie collective (impôts, cotisations sociales) !

L’alternative aux politiques traditionnelles peu mobilisatrices n’est certes pas à chercher dans le simplisme et les provocations de l’extrême droite. Pour rétablir l’enthousiasme populaire, il faut simplement

– éradiquer la pauvreté et établir un impôt juste et compréhensible (cf 18ème chronique),

– proposer du travail à (presque) tout le monde (cf 19ème chronique) et

– transformer la façon de produire et de travailler (cf 21 ème chronique) dans un monde mobilisé autour des questions écologiques et du bien vivre ensemble (chroniques à venir).

Bref de donner aux français une vraie vision et des objectifs ambitieux mais réalistes car toutes ces propositions peuvent être mises en place sans grandes difficultés mais avec une farouche volonté politique au cours d’un seul mandat présidentiel.

Alors… FEMERAC PRESIDENT ?

Un peu de bon sens, bon sang

(1) On se procurera avec profit le triple album de ses principales chansons « l’âge de Pierre » sorti en 2013.

FEMERAC

Si j’étais un vrai président – 4ème épisode : l’Entreprise Equitable

21ème chronique

Cette chronique reprend, revisitée par Femerac, un article paru dans le Monde.fr le 1er juillet 2013 et cosigné avec Claude Escarguel et Hubert Viallet, tous trois fondateurs de l’association « L’Entreprise Equitable : pour réconcilier esprit d’entreprise et partage ». Le concept a été élaboré et testé par Claude Escarguel.

La chemise déchirée du DRH d’Air France par des salariés en colère relève peut-être d’une violence inacceptable, mais elle révèle surtout que l’entreprise traditionnelle a vécu. Comment en effet continuer à écarter tout au long du processus de décision stratégique dans l’entreprise les hommes et les femmes pour la plupart très instruits et très compétents qui la font fonctionner.

L’alternative à l’entreprise d’aujourd’hui n’est pas l’éclatement généralisé prôné par certains responsables politiques ou patrons : tous les salariés en autoentreprise viendraient chaque matin s’enquérir auprès d’un grand organisateur de main d’œuvre si on a besoin d’eux ou non (cf l’article dans Le Monde et le Monde.fr du 8 juillet 2015 de Na-Ko-Mo sous une forme plus subtile !). Ce phénomène est déjà à l’œuvre en Grande- Bretagne.

Ben voyons : pourquoi pas un retour à l’esclavage : ce serait encore plus simple ! Il n’y aurait plus de chômeurs, seulement des esclaves inoccupés !

Non. L’entreprise du XXIème siècle ne peut plus ressembler à celle du XIX ème siècle et si l’on veut que cette entreprise soit performante et mobilise toutes les énergies dans une vision partagée, l’ensemble des parties prenantes (créateur, apporteurs de capitaux, salariés) doivent tous participer à la fois au processus de décision et au partage de la valeur ajoutée.

C’est dans cette optique résolument moderniste qu’un vrai président proposerait (1) que chaque entreprise française se transforme progressivement en Entreprise Equitable où les salariés détiendraient par l’intermédiaire d’un Société coopérative les regroupant

  • 33% des voix au Conseil d’Administration.
  • Au moins une action symbolique.

Et où chaque année

  • Un tiers de l’Excédent Brut d’Exploitation (c’est-à-dire ce qu’il reste à l’entreprise une fois les charges d’exploitation  payées dont les salaires) serait transféré à la Coopérative des Salariés sous forme d’actions gratuites (il n’y aurait donc pas transfert effectif de fonds et donc pas de problème éventuel de trésorerie pour l’entreprise).

Ce phénomène se poursuivrait jusqu’à ce que les salariés obtiennent 33 % du capital social de l’Entreprise ; le mécanisme pouvant se poursuivre au-delà de ce seuil si le Conseil en décidait ainsi.

  • La coopérative reverserait aux salariés de façon uniforme les dividendes correspondant à la part des salariés dans le capital social.

Le mécanisme de l’Entreprise Equitable est ici succinctement décrit. Il a été affiné pour que ces mécanismes ne soient manipulables ni par les salariés ni par les autres parties prenantes. Et donc soit viable sur le long terme.

Il respecte l’esprit de la participation gaullienne.

Cette entreprise crée par essence toutes les conditions pour être très performante et non conflictuelle, car mobilisatrice et participative. Même si il est évident que nous ne vivons pas dans le monde des Bisounours !

Elle deviendra rapidement un modèle diffusable, y compris à l’étranger. et pour une fois la France aura montré la voie.

Un peu de bon sens, bon sang

(1) Pour la petite histoire, il faut savoir que François Hollande, alors premier secrétaire du PS, a été bien informé des travaux de Claude Escarguel et qu’il lui a même écrit une lettre le félicitant de ses très intéressantes propositions. Mais pourquoi changer !!!

FEMERAC

20ème chronique : les migrants, les agriculteurs, Tsipras et les autres…

A en croire les medias, des hordes de Huns venus d’Asie Mineure auraient envahi l’Europe ! A en croire certains responsables ( ?) européens, ils seraient prêts à tout détruire, à ruiner nos démocraties, à piller nos richesses !

Cette lamentable mélopée va encore conforter les forces brunes. Déjà 80 % des français (4 sur 5 !), voudraient renforcer les contrôles aux frontières et Nicolas Sarkozy, l’homme sans idées et qui les trouvent désormais à sa droite extrême, tel Charles Martel, voudrait bouter ces hordes hors de France.

Il faut raison garder : est-ce vraiment un problème d’intégrer quelques dizaines de milliers de réfugiés, qui fuient leur pays bien malgré eux, dans un espace de plus de 400 millions d’habitants ? Même Angela Merkel (« mère Angela ») a rapidement compris tout le bénéfice que l’économie allemande en pénurie de main d’œuvre pouvait tirer de cet afflux. Est-ce si difficile de faire venir en France 20 000 personnes en plus des 200 000 qui viennent chaque année légalement en France ? Seul le pape François, décidément bien sympathique, a réagi de manière positive en mobilisant toutes les paroisses catholiques. Et quelques maires aussi. Un peu de volonté politique devrait suffire.

Le vrai problème est plutôt de savoir pourquoi ces migrants ne veulent pas venir en France et préfère aller en Allemagne, au Royaume-Uni ou en Suède. La France a encore raté le coche !

* * *

Le cycle du porc est bien connu depuis que le porc existe : le prix du porc est élevé, tout le monde se précipite pour produire du porc, il y a trop de porc et le prix diminue…Comment des agriculteurs qui défendent la libre entreprise (et votent en grande majorité à droite) peuvent-ils ignorer ces basiques et réclamer des subsides lors de manifestations agressives lorsque le marché du porc est déprimé ? Ils feraient mieux

  • De diversifier leurs production et de réfléchir à une organisation plus collective de leurs exploitations qui leur permettrait de d’amortir plus facilement les chocs de prix sur un produit.
  • de rechercher la qualité (bio, labels,…) qui leur permettrait de vendre plus cher et d’éviter d’être en concurrence avec des exploitations étrangères plus grandes et donc plus performantes.

La libre entreprise c’est bien d’être responsable. Non ?

* * *

Tsipras est un homme politique remarquable : il a réussi à trouver un compromis européen, et à se faire de nouveau réélire premier ministre. Le peuple grec a bien compris que la seule alternative, la sortie de la Grèce de l’euro, serait une catastrophe ; cela aurait en effet signifié une dévaluation immédiate de la drachme à cause du décalage de compétitivité de l’économie grecque : la dette libellée en euros serait devenue gigantesque en drachmes et l’économie complétement asphyxiée.

Tsipras a maintenant plusieurs années devant lui pour remettre de l’ordre dans l’économie grecque (ce qui n’est pas gagné) et mettre de fait progressivement un terme à une politique d’austérité stupide. Bravo l’artiste ! Et bon courage !

* * *

Selon le Monde du 17 septembre, seulement 67 % des actifs Etats-Uniens auraient un travail ou en chercherait. Cela signifie que des millions d’actifs ont renoncé à travailler. Cela renforce le propos tenu dans la chronique du 9 juin dernier : le taux de chômage ne peut pas être un indicateur pertinent pour juger de la bonne tenue ou non d’une économie.

* * *

Bolloré a repris en main Canal +. Les Guignols (la marque de fabrique de Canal) ne seront plus diffusés en clair et  leurs propos réorientés. Un des rares lieux de provocation, de parole libre et surtout de critique des forces brunes disparait. Vous pouvez reprendre une activité normale et, comme le suggérait Jean-Christophe Averty au siècle dernier transformer votre télévision en cage à lapin. Ah zut, on ne peut plus avec les écrans plats. Alors cela ne sert plus à rien !

 

Un peu de bon sens bon sang

FEMERAC

Si j’étais un vrai président – troisième épisode : réduire encore le temps de travail

Dix-neuvième chronique

La messe est dite. Daniel COHEN, professeur d’économie rue d’Ulm et vice-président cofondateur de l’Ecole d’Economie de Paris, vient de publier un livre « Le monde est clos et le désir infini » (clin d’œil pas très malicieux à l’ouvrage remarquable d’Alexandre Koyré « Du monde clos à l’univers infini »), qui stipule que la croissance économique risque d’être durablement faible. Les lecteurs de Femerac étaient déjà avertis ! Mais les paroles de cet économiste très distingué sont en première page des journaux et donc susceptibles d’être perçues. Tant mieux(1).

Il découvre aussi que les investissements réalisés dans les entreprises créent des gains de productivité uniquement au détriment du travail et donc de l’emploi(2). Il confirme ce que l’on savait depuis longtemps : que tous les emplois qui peuvent être « numérisés » c’est-à-dire remplacés par une machine ou un automatisme, vont disparaitre plus ou moins vite. Il en conclut que tout cela est bien problématique pour l’emploi. Et que propose-t-il ? Je cite « Faire bénéficier les chômeurs d’une formation professionnelle efficace ». Bigre. Ce n’est pas faux mais c’est un peu léger !

Non. La seule manière pertinente de réduire le chômage de façon sensible, c’est de réduire (encore) le temps de travail. Pierre Larrouturou(3) fait déjà ce constat depuis des lustres. Et ses propositions restent pertinentes : on passe à 32 heures en les finançant pas une réduction des cotisations sociales employeurs-employés(4), voire par une réduction des salaires de plus de 1500 euros mensuels. On a déjà signalé que cette dernière condition pouvait ne pas être acceptée. C’est pourquoi il est nécessaire, mais Larrouturou l’explique très bien, que la mise en place de cette réduction du temps de travail ne soit pas imposée à la hussarde (comme Martine Aubry a pu le faire pour les 35 heures mais elle était bien intentionnée) mais négociée entreprise par entreprise (de plus de 10 salariés) pour tenir compte des spécificités locales. Le temps de travail légal ne serait pas officiellement diminué mais les entreprises qui négocieraient une baisse de ce temps bénéficieraient d’un bonus fiscal.

Ce qui a été fait chez Volkswagen peut se faire en France.

Un récent sondage CSA pour les Echos révèle que 71% des français seraient favorables à une discussion sur la durée légale du travail (sous-entendu : remettre en cause les 35 heures pour travailler plus et gagner plus). C’est seulement révélateur du conflit évident entre ceux qui ont un emploi et ceux qui n’en ont pas. Il sera difficile à surmonter. Il interdira de créer le million d’emplois que Larrouturou espère mais il est possible d’imaginer une baisse de 300 à 500 000 chômeurs.

 

(1) On parle ici de la croissance dite « potentielle » c’est-à-dire ce que le système productif est capable de produire. Et c’est ça l’essentiel. Cela n’empêche pas, comme déjà démontré, que cette croissance potentielle peut (et c’est le cas) ne pas être atteinte si la demande, notamment celle des consommateurs salariés, est bridée par un partage salaires-profits peu favorable.

(2) Ceci n’est pas obligatoire car on peut investir pour produire de nouveaux biens (utiles !) à partir de travaux de R&D. On peut alors parler de progrès.

(3) Déjà cité dans ces chroniques (cf « le livre noir du libéralisme » pp159 et suivantes pour l’analyse et pp184-85 pour la mise en œuvre).

(4)  Ceci n’est pas de nature à perturber les équilibres financiers du fait des économies réalisées sur le chômage et du gain de cotisations des nouveaux salariés (anciens chômeurs).

 

FEMERAC

Si j’étais un vrai président – deuxième épisode : le revenu universel

Dix-huitième chronique – 13 Août 2015

Si j’étais un vrai président, j’éradiquerai la pauvreté en quelques années. Comment ?

En instaurant le revenu universel.

Ce concept est classique : on parle d’impôt négatif, de revenu social minimum,… Mais que l’on soit de droite ou de gauche, pour peu qu’on soit un peu humaniste, l’idée que chacun reçoive un revenu, indépendamment de sa situation sociale ou matrimoniale, est dans nos sociétés modernes et riches assez partagée. Bien sûr il existe encore quelques arriérés qui considèrent qu’il est hors de question d’encourager le vice et la paresse en versant des sommes indues à des individus qui ne travaillent pas : laissons-les pérorer.

Quelle est la proposition ? Elle est extrêmement simple : le Trésor Public verse chaque mois la somme de 1000 euros à toute personne adulte et la somme de 500 euros à tout enfant de moins de 18 ans. Ce revenu universel versé sans aucune formalité représente pour le Trésor Public la somme d’environ 590 milliards soit une fois et demie le budget de l’Etat ! … Femerac est devenu fou !

Pas du tout ! Car

  • Le revenu universel se substitue à toutes les allocations familiales (soit environ 70 milliards d’euros avec les coûts de gestion des CAF).
  • On supprime le quotient familial (économie : 37 milliards d’euros).
  • Chaque adulte paye des impôts dès que le premier euro gagné au-delà du revenu universel (ce qui fait rentrer plus de 10 millions de ménages dans le système d’imposition sur le revenu).
  • on adapte les tranches et les taux d’imposition pour équilibrer le système sur toutes les sommes gagnées, y compris le revenu universel (ce qui revient en fait à faire rembourser le revenu universel par les impôts pour 80 % des ménages, lesquels n’en avaient pas besoin(1)). Chaque adulte fait une déclaration d’impôts et le système est neutre quelle que soit la situation matrimoniale et le nombre d’enfants rattachés.

Ainsi on a éradiqué la pauvreté (car le seuil de pauvreté pour un adulte seul est de l’ordre de 1000 euros), on a supprimé toutes les démarches administratives pénibles et inquisitoriales sur les aides sociales et tous les effets de seuil ; tout en conservant une forte incitation au travail car tout euro gagné est certes imposé mais est conservé(2). On résout au passage le problème du revenu étudiant et on arrête de mettre en oeuvre une soi-disant politique favorisant les naissances qui n’est en réalité qu’une redistribution à l’envers (par le quotient familial). Avec un système financièrement équilibré, grâce en fait à la suppression du quotient familial et à la soumission à l’impôt du revenu universel (ce qui équivaudrait dans le système actuel à soumettre toutes les allocations familiales à l’impôt), tout le monde est gagnant sauf les ménages les plus riches avec enfants. Too bad ! Sans intégrer les économies liées à la formidable baisse de morbidité qu’engendrera l’existence de ce revenu éminemment sécurisant.

Et c’est facile à mettre en œuvre dès demain matin. Un peu de bon sens, bon sang !

(1) le fait de distribuer le revenu universel à tout le monde, quitte à le reprendre sous forme d’impôts permet d’éviter tous les effets de seuil.

(2) Ce qui n’est évidemment pas le cas aujourd’hui où l’euro supplémentaire gagné en travaillant entraine souvent la diminution (voire la suppression) d’une aide.

 

FEMERAC

Etre …le Fou du President

LRAR envoyée (vraiment) le 23 juillet 2015 au Palais de l’Elysée

« Monsieur le président,

Je vous fais une lettre que vous lirez peut-être…

Je n’ai pas le talent de Boris Vian mais ma demande est modeste : je ne vous annonce pas que je ne veux pas aller à la guerre, je vous annonce au contraire que je veux être avec vous au cœur de l’action.

Monsieur le président, je vous demande en effet officiellement de bien vouloir me nommer à vos côtés comme votre Fou, le Fou du Président.

Cela peut vous surprendre que je vous demande de remettre au goût du jour une fonction passée de mode avec la fin de la Royauté en France et l’avènement des démocraties ; lesquelles étaient sensées organiser la séparation des pouvoirs et l’existence de contre-pouvoirs qui rendaient inutile pour le chef de l’Etat d’avoir à côté de lui un personnage dit fou mais plein de bon sens, qui lui rappelle sans cesse et avec courage qu’il faut garder les pieds sur terre, se méfier des courtisans et toujours disposer du recul nécessaire. Car, avouez-le, le pouvoir qui vous est donné dans cette Vème République fait de vous l’équivalent d’un roi : l’assemblée législative est à votre botte, à coups de 49-3 s’il le faut, et la justice dite indépendante laisse par exemple le sieur Cahuzac encore en liberté près de deux ans après avoir détourné des millions d’euros tandis que le moindre petit voleur est incarcéré dans l’instant.

Monsieur le président, si les présidents de la République avaient eu l’intelligence de recréer la fonction du Fou, je doute que Charles de Gaulle ait promulgué le référendum suicidaire qui lui a coûté le pouvoir, que Giscard d’Estaing se soit laissé subjuguer par les sirènes de Bokassa, que le grand tribun qu’était François Mitterrand et que j’ai admiré avant l’élection de 1981 pour ses élans populaires se soit tourné vers la rigueur avec une telle vigueur en 1984 laissant pantois son électorat, que Jacques Chirac ait sollicité un vote catastrophique pour lui en 1997. Quant à Nicolas Sarkozy il a de fait recréé cette fonction de Fou en l’exerçant lui-même et devenant ainsi le schizophrène que les français ont dû éliminer en 2012. Je pense aussi, monsieur le Président, que l’existence d’un Fou du Président vous aurait empêché au début de votre mandat d’écouter les sirènes du MEDEF ou de succomber au charme caché mais apparemment efficace d’Angela. Bref, grâce à ce petit emploi, la face et l’honneur de la France en eussent été changés.

Monsieur le président, vous êtes un homme de grand talent que les personnes qui vous entourent (la cour du président) empêchent sans doute de s’exprimer. Quelles grandes choses vous pourriez encore accomplir avant 2017 pour remettre l’Europe sur les rails de la démocratie, pour mobiliser l’enthousiasme des français dans leur travail et leur vie quotidienne, pour redynamiser l’économie française, si votre propre dynamisme n’était pas bridé par les discours convenus et peu créatifs des gens qui vous parlent. Quelle leçon vous pourriez donner aux forces brunes qui obscurcissent notre horizon en leur démontrant l’inanité de leurs discours.

Monsieur le président, je suis un homme d’origine très modeste, qui a fréquenté les écoles de la République ; j’y ai même enseigné l’économie et, comme le disait l’immense économiste anglaise Joan ROBINSON, on ne connait vraiment l’économie que quand on l’enseigne ; même si je connais quelques enseignants qui, dans ce domaine, n’ont toujours pas bien compris ce qu’ils racontent. Je ne peux donc pas être soupçonné d’être un fils de famille cherchant à se recaser. J’ai managé des hommes dans une grande entreprise, je connais leurs penchants, leurs travers et leurs qualités. J’ai appris à détecter les menteurs, les grands diseurs et petits faiseurs. J’ai connu des gens bêtes, des gens brillants et retors et des gens très intelligents et très honnêtes. Je sais débusquer les idées originales et pertinentes et anticiper les voies de garage. Mon avis vous sera précieux à chaque instant. Vous saurez que cet avis sera honnête car je ne recherche ni le pouvoir, ni l’argent, ni la gloire. Ce ne sera bien entendu qu’un avis car les décisions vous appartiennent mais vous les prendrez avec davantage de recul ; et les gens, par ma seule présence, auront désormais peur de vous mentir.

Monsieur le Président, je pourrai également vous être utile dans votre vie privée, vous aider à distinguer les vrais reines des fausses princesses sans pour autant brider vos élans. Je pourrai vous aider à transformer votre mode de communication en vous suggérant par exemple de vous exprimer devant les caméras un soir de semaine depuis un bistrot de quartier avec Anne-Sophie L. et Maïtena B., les deux meilleur(e)s du PAF, plutôt que façon ultra-traditionnelle le 14 juillet avec les caciques des journaux télévisés du soir. Je saurai également vous orienter dans les milieux artistiques, vous faire distinguer les vrais artistes des gribouilleurs, et enfin, primum vivere, vous faire connaitre les vrais plaisirs de la table et séparer le bon vin de l’ivraie.

Monsieur le Président, qu’avez-vous à perdre à payer au SMIC et en CDD renouvelable en CDI une fois votre réélection acquise, un Fou du Président qui vous sera rapidement indispensable et saura vous rendre de nouveau populaire.

Monsieur le Président je suis disposé à vous rencontrer dès que possible dans cette illustre demeure que je vous suggérerai de transformer en musée et de vous contenter de bureaux moins ostentatoires mais plus adaptés au monde moderne.

Je vous prie d’agréer, Monsieur le Président, l’expression de mon plus profond respect. »

Un peu de bon sens, bon sang !

FEMERAC

 

La croissance forte… c’est fini !

Seizième chronique – 21 juillet 2015

Beaucoup attendent la croissance comme on attend Godot ! Mais comme dans la pièce de Beckett, le personnage tant attendu, comme l’Arlésienne, n’arrive jamais. Mais pourquoi donc la croissance qui a fait les grandes heures des économies occidentales ne sera plus que modeste et donc peu créatrice d’emplois.

Un peu d’histoire : l’évolution de la croissance française a été successivement (en taux de croissance annuel –source INSEE) de

– de 5,3% de 1950 à 1969

– de 3,2% de 1970 à 1989

– de 2,0 % de 1990 à 1999

– de 1,4 % de 2000 à 2014

Cette diminution progressive de la croissance sur le long terme (65 ans !) est un phénomène structurel qui s’explique assez facilement. On sait que les déterminants de la croissance sont le travail, la terre, le capital et l’énergie. Revue :

  • Le travail c’est la quantité de travail (les hommes et les femmes) : or la démographie est au mieux stagnante : le nombre de naissances est le même aujourd’hui en France que dans les années 1920. Et le nombre d’heures travaillées stagne. En Allemagne la forte diminution de la fécondité a dû être (et le sera de plus en plus) compensée par des travailleurs étrangers.
  • La terre a des rendements dont les progrès ont été importants grâce aux engrais mais cette évolution est terminée (et souhaitable d’un point de vue environnemental) et est largement contrebalancée par la diminution de la surface des terres arables (au profit ? de l’urbanisation).
  • C’est le capital (c’est-à-dire l’investissement) qui a permis des gains importants de productivité dans l’industrie et dans l’agriculture. Or la mécanisation de l’agriculture a atteint ses limites et si le capital dans l’industrie continue de fournir des gains (modestes) de productivité, ce secteur ne représente plus que 10 à 20 % du PIB c’est-à-dire de la richesse produite. Or dans le reste de l’économie (le secteur tertiaire), la productivité est faible : l’informatique améliore la qualité des prestations fournies mais affecte peu la productivité (c’est le paradoxe dit de Solow). Les machines à retirer de l’argent ou les machines à composter dans les nouvelles postes, se substituent effectivement à du travail en le faisant faire par le client (agacement de ma part), mais leur impact sur la productivité est faible. Et ce n’est pas en remplaçant l’lphone 2686 par l’Iphone 3063 que ce constat changera.
  • L’énergie est le facteur déterminant : grâce à l’énergie un français moyen dispose aujourd’hui de l’équivalent en quantité de travail de cent cinquante esclaves : cf l’excellent Jancovici qui est sans doute avec Pierre-Noël Giraud de l’Ecole des Mines le meilleur économiste de l’énergie en France. C’est l’énergie qui explique le développement des économies depuis 2 siècles. Héron d’Alexandrie avait déjà construit au 1er siècle ap JC le premier moteur à vapeur mais c’est l’exploitation du charbon puis du pétrole qui a permis de faire des machines à vapeur des véritables outils industriels. Or l’énergie est en quantité limitée : le peak-oil (c’est-à-dire le point où on consomme davantage de pétrole qu’on en trouve) est déjà passé (cf l’Agence Internationale de l’Energie qui a dû admettre ce fait après des années de résistance), le charbon s’épuise et pollue trop, on doit aller chercher le gaz dans les schistes ou les roches bitumineuses au mépris de l’environnement et pour quelques dizaines d’années tout au plus, l’uranium demeure en quantité limitée et il y a peu d’espoir de découvrir de nouveaux types miraculeux d’energie (à titre d’exemple le réacteur de fusion nucléaire – ITER – est et restera longtemps une énergie d’avenir !).

Les fondamentaux de la croissance économiques nous disent donc que la croissance forte c’est fini. La seule croissance reste liée aux faibles gains de productivité, lesquels se substituent directement à l’emploi. A quoi sert alors d’attendre ? Il faut faire autrement.  A suivre.

Un peu de bon sens, bon sang !

FEMERAC

 

Dette ? Vous avez dit dette !

Il est malheureux que lors du débat sur la dette grecque qui agite tous les medias et les commentateurs divers, on soit aussi peu précis sur les contenus et sur les origines de la dette en général.

En effet (cf par exemple le monde du dimanche 5 juillet sur la dette grecque) on ne parle quasiment que de dette publique. Or ceci n’a pas de sens, car l’importance de la dette d’un pays ne peut s’apprécier qu’en fonction de la capacité de remboursement des acteurs économiques qui composent ce pays. Il est donc nécessaire d’examiner l’ensemble des dettes auxquelles auront à faire face ces acteurs : la dette publique et la dette privée (des ménages et des entreprises). Or cet examen global peut être surprenant comme le montre le tableau suivant :

en % du PIB Dette publique dette privée Total
Etats-Unis 124 199 323
France 111 221 332
Allemagne 86 154 240
Royaume-Uni 105 241 346
Grèce 164 144 308
source OCDE 2012 OCDE 2011

 

En premier lieu, on constate que la dette privée est bien plus importante que la dette publique. Les chiffres (cf OCDE) montrent également que partout sauf en Allemagne cette dette privée augmente.

En second lieu, on constate que la Grèce est globalement moins endettée que les Etats-Unis, la France ou le Royaume-Uni !

Pour apprécier la solvabilité des acteurs, regardons le taux d’épargne d’un pays, c’est-à-dire ce qu’il reste du PIB (la richesse totale produite) distribué aux agents économiques et qui n’a pas été consommé :

en % du PIB Taux d’épargne brute
Etats-Unis 18
France 20
Allemagne 26
Royaume-Uni 13
Grèce 11
source Banque Mondiale 2013

Comme pour un ménage, ce taux traduit la capacité de rembourser les dettes. On peut constater que la Grèce qui a un faible taux d’épargne aura plus de mal à rembourser l’ensemble de ses dettes si elle maintient sa consommation à l’identique. Mais que ceci est vrai aussi pour le Royaume-Uni qui est beaucoup plus endetté. Alors que l’Allemagne et la France ont une forte solvabilité globale sans efforts supplémentaires. Les Etats-Unis étant dans une position intermédiaire.

Avec une explication de l’ensemble des données, tout devient plus relatif ! Le seul véritable problème de la Grèce est la collecte de l’impôt notamment auprès des plus riches (les armateurs et l’Eglise !) et c’est sur ce point essentiel qu’il faut lui demander de faire des efforts importants.

Mais comment est-on arrivé à une situation d’endettement aussi important et généralisé dans tous les pays ? Petite histoire simplifiée.

Ford avait bien compris dans les années 1920 qu’il fallait augmenter les salaires pour que les ouvriers puissent acheter les voitures qu’il produisait alors en nombre limité pour les seuls riches (lesquels étaient très riches (cf Piketty). Avec les hausses de salaires, permises par les gains de productivité (le taylorisme ou travail à la chaîne) c’est-à-dire la production par travailleur, et la mise en place du crédit à la consommation (pour pouvoir acheter la voiture tout de suite), était née la consommation de masse.

Pour autant, F D Roosevelt dans les années 1930 expliquait la crise par l’insuffisance des salaires. Il engagea des politiques nouvelles ; s’ensuivit alors après la seconde guerre mondiale et dans tous les grands pays développés une période de gains de productivité élevés distribués en grande partie aux salaires pour soutenir la croissance.

Mais, c’est une évidence, le partage salaires – profits a toujours été conflictuel. Et pendant les années Reagan –Thatcher : retour en arrière : dans une concurrence exacerbée et encouragée, il faut faire baisser les coûts et donc les salaires pour augmenter les profits qui permettront en théorie aux entreprises d’investir et d’être encore plus performantes. La part des salaires dans la valeur ajoutée (c’est-à-dire la richesse créée dans l’entreprise) est ainsi passée en France (sous Mitterrand !) de 75 à 65 % au cours des années 1980 alors que ce taux avait progressivement grimpé de 68 à 75% après la guerre. Et la part des salaires est restée par la suite à ce faible niveau. Avec trois conséquences majeures :

  • Les revenus des ménages étant insuffisants pour acheter tous les biens produits, on les a incité à s’endetter pour les acquérir grâce à une publicité stimulant les désirs de consommation de biens (utiles ?);
  • Les revenus dégagés par les entreprises ont recréé des riches aussi riches qu’en 1920 (toujours Piketty). Car les entreprises n’ont pas fait qu’investir : elles ont beaucoup distribué de dividendes ; et puis pourquoi investir quand la demande de biens est faible.
  • L’Etat prend progressivement le relais et s’endette à son tour pour relancer l’économie par ses commandes.

La solution à l’endettement ne peut donc pas être l’austérité qui conduit les ménages à encore moins être en mesure d’acheter les biens produits et donc à une crise de surproduction. Contradiction totale su système économique actuel où les mesures préconisées sont contraires au bon fonctionnement du système;

C’est à une refonte progressive du système de distribution de la richesse et surtout à un examen du contenu des biens nécessaires au véritable épanouissement de l’homme dans le respect de l’environnement (quelle croissance pour quoi faire ?) qu’il faut s’attacher pour sortir de ce cercle vicieux de l’endettement.

Un peu de bon sens, bon sang !

FEMERAC

La Grèce et l’Europe, un jeu politique meurtrier

On ne peut comprendre les épisodes du feuilleton Europe-Grèce si on ne se réfère pas en permanence à ces deux données clés :

  • Il est impossible à l’Europe (et notamment ses éléments les plus conservateurs qui sont majoritaires) de laisser gagner la Grèce, c’est-à-dire de lui laisser refuser la poursuite des plans d’austérité demandés, car ce serait donner raison à un parti d’extrême gauche (cf par exemple l’interview de Nicolas Sarkozy dans le Monde du jeudi 2 juillet) et créer une jurisprudence en remettant en cause les politiques traditionnelles des instances internationales.
  • Il est impossible au Premier ministre grec Alexis Tsipras, leader de Syriza, d’accepter de prendre les mesures qui lui sont demandées car il a été élu pour les refuser.

On est donc face à un jeu politique meurtrier qui ne peut se terminer que par l’échec total de l’une ou l’autre des parties de ce combat de David contre Goliath.  Si le oui au référendum l’emporte le 5 juillet (c’est-à-dire qu’une majorité de grec accepte le plan européen (FMI compris), Tsipras sera contraint de démissionner. Si le non l’emporte, l’Europe devra accepter la sortie de la Grèce de la zone euro (le fameux Grexit), ce qui ne sera pas très glorieux pour les autorités européennes qui n’auront pas réussi à préserver la zone alors que, rappelons-le, le PIB de la Grèce ne représente qu’à peine 3% du PIB de l’ensemble.

L’Europe et le FMI pourraient aussi dans ce second cas modifier la nature de leurs exigences et revenir à une vision économique plus lucide et plus réaliste. Ce serait intelligent et ce n’est pas gagné ; François Hollande pourrait d’ailleurs à cette occasion transcender son personnage et faire preuve d’initiative voire de leadership. Il suffirait en fait :

  • De constater que la politique d’austérité menée depuis 5 ans en Grèce a été un échec total pour résoudre les problèmes d’endettement et qu’elle a seulement conduit à une précarisation de nombreux ménages grecs. Le FMI l’a déjà plus ou moins admis mais continue de préconiser des mesures qui font perdurer cette austérité inefficace.
  • D’en déduire qu’il est inutile de chercher à réduire encore les retraites ou de diminuer encore les dépenses publiques qui touchent la santé ou l’éducation.
  • D’arrêter de continuer à réclamer des remboursements qui ne peuvent pas être réalisés du fait de la non-solvabilité actuelle du pays, en augmentant de manière sensible la maturité de la dette (c’est-à-dire sa durée) (ce que préconisent beaucoup d’économistes de tous bords dont Straus-Kahn), avec des taux d’intérêt fixes et faibles. Voire annuler une partie de cette dette mais il faut reconnaitre que 100 milliards d’euros de dette ont déjà été annulés.
  • Surtout d’engager sur le long terme avec des échéances à planifier une refonte complète du système d’Etat défaillant en Grèce, avec notamment un recouvrement normal de l’impôt, une restructuration progressive des dépenses publiques (la Grèce est par exemple un des 5 pays les plus dépensiers en matière d’armement au monde !) avec une amélioration sensible de l’efficacité des services publics, une dynamisation de l’offre de biens et services en améliorant progressivement une compétitivité très dégradée. Bref en travaillant sur le fond à partir d’un vrai constat des carences économiques du pays et non à partir de dogmes inefficaces.

Ce ne serait alors un échec pour personne et ce serait une grande victoire de l’intelligence collective. On peut l’espérer : un peu de bon sens, bon sang !

 

FEMERAC

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