Patrick Drahi, les banques et les PME.

On a connu le phénomène du surendettement des ménages américains et Espagnols (ailleurs aussi mais dans une moindre mesure) : pour accroître leur marché les banques prêtent aux ménages sans trop s’enquérir de leur solvabilité et en garantissant leurs prêts sur la valeur du bien acheté. Dès lors la demande sur le marché des biens immobiliers s’accroit, les prix montent, la valeur des biens augmente, les ménages peuvent emprunter davantage en garantissant leurs nouveaux emprunts sur la nouvelle valeur de leurs biens. Et puis… la bulle immobilière se dégonfle, les prix baissent, la valeur des biens diminue, les ménages n’arrivent plus à rembourser (car ils n’étaient pas vraiment solvables et en plus les prêts étaient à taux croissants !), ils doivent vendre à des prix inférieurs à ceux de l’achat et ne peuvent rembourser le capital emprunté aux banques. Lesquelles perdent de l’argent et font faillite car le phénomène est largement répandu ou sont remplumées par l’Etat qui s’endette à son tour,…

C’était il n’y a pas longtemps : en 2008.

Et pourtant les banques n’ont pas l’air d’avoir bien compris le message.

Patrick Drahi, le patron du fonds d’investissement Altice, sis au Luxembourg (c’est plus pratique pour les impôts), après avoir racheté les entreprises du câble dans les années 2000, en France puis à l’étranger, a récemment racheté SFR (11,75 Md d’euros), puis Portugal Telecom (7,4 Md d’euros), et propose de racheter Bouygues Télécom pour 10 milliards d’euros en empruntant, alors que sa dette s’élève déjà à plus de 33 milliards d’euros.

Bien sûr les banques garantissent leurs prêts sur les actifs achetés (et aussi sur la fortune personnelle de P. Drahi qui s’élève à plus de 18 milliards de dollars, mais cachée à Guernesey). Mais que se passera-t-il si la valeur de ces entreprises diminue parce qu’elles sont mal gérées (c’est déjà le cas pour Numéricable dont les clients s’enfuient !) ou simplement parce qu’elles ont visiblement été achetées à des prix trop élevés au regard de leur rentabilité actuelle et future. Le pari sur l’avenir des banques sur P. Drahi et les entreprises de télécom est bien risqué. Davantage en tout cas que le risque pris sur les modestes prêts que les banques refusent aux PME pour continuer à survivre parce que ces dernières n’offrent pas assez de garanties. Ces refus sont d’autant plus surprenants que les banques aujourd’hui obtiennent de l’argent sur les marchés interbancaires alimentés par la Banque Centrale Européenne à des taux ridiculement bas et destinés a priori à relancer l’économie. Mais le banquier  a une sainte horreur du risque et du coup conforte l’adage bien connu : on ne prête qu’aux riches. Par principe et non par raisonnement économique. Le banquier n’est pas mon ennemi car il devrait par essence jouer un rôle central dans le fonctionnement de l’économie en lui fournissant les liquidités dont elle a besoin pour fonctionner ; mais le fonctionnement dévoyé du système financier actuel ne peut susciter que crainte et suspicion.

FEMERAC

PS :

La NSA a espionné Chirac, Sarkozy et Hollande … et ils n’ont toujours pas trouvé quelle était la stratégie économique et politique de la France. Tout ça pour rien !

 

Débuts de siècle…

Le XVème siècle a commencé le 30 mai 1431 avec la mort de Jeanne d’Arc et le début de la fin de la guerre de 100 ans.

Le XVIème siècle a commencé le 30 mai 1515 avec la victoire de Marignan et la paix en Europe.

Le XVIIème siècle a commencé le 14 mai 1610 avec l’assassinat de Henry IV par Ravaillac et la fin de la Renaissance.

Le XVIIème siècle a commencé le 1er septembre 1715 avec la mort de Louis XIV et l’avènement du siècle des lumières.

Le XIXème siècle a commencé le 18 juin 1815 avec la bataille de Waterloo et la déchéance de Napoléon.

Le XXème siècle a commencé le 28 juin 1914 avec l’assassinat de l’archiduc François-Ferdinand par un serbe de Bosnie et l’enclenchement de la Première Guerre Mondiale.

Le XXIème siècle a commencé le 11 septembre 2001 avec les attentats organisés aux Etats-Unis par Al-Quaïda. Sauf pour la France qui est resté qui n’est toujours pas rentrée dans le siècle comme le prouve le futur combat présidentiel excitant et de haute tenue entre François Hollande, Nicolas Sarkozy et Marine Le Pen en mai 2015 ! Au secours !

FEMERAC

Pour un vote blanc qui compte

Plusieurs lecteurs de mon blog m’ont fait part de leur désaccord sur le fait de traiter de fascistes en puissance les personnes qui votent pour le Front National. Pour eux ce vote est un vote de contestation et même de ras le bol face à l’inaptitude des partis traditionnels à apporter des réponses concrètes à leurs problèmes. Je partage cette argumentation mais je maintiens ma position :

1) Dans une démocratie chaque vote doit être considéré comme responsable.

2) Je ne crois pas une seule seconde à la dédiabolisation du FN.

3) Je suis persuadé qu’au premier tour le nombre de candidats est presque toujours suffisant pour qu’on puisse voter « le moins pire » en cas d’hésitation ou d’engouement limité. Et donc que le vote FN est bien un vote choisi.

Pour autant je suis d’accord que se pose le problème de savoir pour qui voter quand aucun des candidats ne convient au deuxième tour d’une élection. Je renvoie à la valse-hésitation d’une bonne partie de l’électorat dans la confrontation Chirac – Le Pen de 2002. Il y a heureusement eu à cette époque un réconfortant sursaut républicain dont je ne suis pas sûr qu’il se reproduise à l’avenir avec autant d’intensité. Il convient donc de proposer aux français de pouvoir exprimer leur désaccord par un vote blanc qui soit comptabilisé parmi les suffrages exprimés.

Car aujourd’hui voter blanc ne sert à rien et beaucoup de français ne vont pas voter si les quelques candidats qui restent en lice au second tour sont en dehors de leur champ de préférences. Pourquoi en effet se déplacer. Or le vote blanc a bien pour les électeurs cette signification profonde : les candidats en présence sont trop éloignés de leurs idées et ne sont pas considérés comme aptes à les représenter    : c’est une véritable expression dont il faut tenir compte.

La loi de février 2014 a permis de comptabiliser les votes blancs qui ne sont plus désormais mélangés au vote nul ce qui fut un progrès (depuis 1852 !), mais la loi n’est pas allée jusqu’à les intégrer aux suffrages exprimés officiellement parce que le candidat du second tour ayant le plus de voix à la présidentielle pourrait ne plus avoir la majorité absolue et donc ne pas être déclaré élu : c’est ce qui se serait passé en 1995 avec Chirac et en 2012 avec Hollande ! Il faudrait alors revoter.

Mais c’est bien cela qui est intéressant : avec le vote blanc comme suffrage exprimé il est possible que le pays souhaite de nouvelles élections car aucun candidat ne lui convient. Au deuxième tour de ma circonscription aux élections cantonales 2015, l’élu l’a été avec 71 % des voix (c’était contre le FN) mais avec seulement 43 % d’exprimés si on enlève l’abstention et les votes blancs et nuls, soit 30 % des inscrits. Médiocre représentation.

Reconnaitre le vote blanc à part entière c’est faire avancer notre démocratie et c’est peut-être faire reculer le vote pour les forces brunes.

Bon sang mais c’est bien sûr !

FEMERAC

Le chômage : un indicateur pertinent ? Mais de quoi ?

Tous les mois la presse commente, avec grand bruit mais sans véritable analyse, l’évolution du nombre de chômeurs. Et globalement compare les taux de chômage des différents pays en montrant du doigt les plus mauvais scores. Cet indicateur est devenu central dans le pilotage de l’économie par les politiques (la fameuse inversion de la courbe du chômage). Mais ceci a-t-il un sens ? Le chômage ne fait que de mesurer à un instant donné la capacité d’une économie à fournir un emploi à toutes les personnes qui se présentent sur le marché du travail. Elle ne mesure que très partiellement la bonne santé de l’économie.

Pour caricaturer (un peu seulement), une économie peut être extrêmement performante avec 5 millions de chômeurs si elle vend très cher au monde entier de nombreux produits de très haute qualité avec une grande productivité et de façon performante (c’est-à-dire souvent très automatisée, avec une main d’œuvre très qualifiée et peu nombreuse). La valeur ajoutée dégagée par ces secteurs performants permet de rémunérer les chômeurs.

A l’inverse, et toujours dans la caricature (légère), une économie peut être sans chômeurs si elle produit avec une très faible productivité, et donc avec beaucoup de main d’œuvre, des biens de faible valeur ajoutée uniquement destinés à la population locale en se mettant intelligemment (est-ce possible aujourd’hui sur le long terme ?) à l’abri de la concurrence internationale, et si elle consomme très peu de biens importés de haute technicité.

L’évolution du nombre de chômeurs ne va donc dépendre qu’en partie de l’efficacité et de la compétitivité de l’économie. Elle est aussi liée à des phénomènes modifiant l’arrivée des personnes sur le marché du travail. Quand le président Chirac décide en 1996 de supprimer le service militaire obligatoire pour les jeunes nés après 1979, il entraine mécaniquement une arrivée massive de près de 400 000 personnes supplémentaires sur ce marché sans que rien n’ait changé du côté de l’offre : tous les garçons d’une génération se rendent à Pôle emploi au lieu d’aller dans une caserne ! De même quand les lois Fillon de 2003 modifient l’âge de départ à la retraite, augmentent le nombre de trimestres nécessaires et créent le système de la décôte, les salariés ont  progressivement retardé leur départ à la retraite, empêchant ainsi les jeunes générations d’accéder à ces emplois : l’effet sur le chômage concerne plusieurs centaines de milliers d’emplois. Dans tous ces cas ce sont les jeunes qui ont davantage de difficultés sur le marché de l’emploi ; rien d’étonnant à voir cette catégorie vivre avec des taux de chômage très importants.

Plus généralement, l’évolution du chômage va dépendre du taux d’activité des hommes et des femmes, taux qui peut fluctuer pour des tas de raison : celles évoquées ci-dessus à titre d’exemple, mais aussi l’allongement de la durée des études, le choix des femmes (et des hommes ?) de rester ou non à la maison pour élever ses enfants, le nombre de naissances 15 – 20 ans en arrière et qui représente le nombre de jeunes qui cherchent aujourd’hui un emploi,… Il va aussi dépendre de la nature des emplois occupés : à plein temps ou à temps partiel (et lequel ? à quelles conditions ?) et de la durée hebdomadaire moyenne du travail : plus cette durée est longue moins d’emplois on crée. …

L’indicateur « évolution du nombre de chômeurs » n’est donc pas très pertinent pour décrire l’état d’une économie et encore moins pour comparer une économie avec une autre, tant son interprétation est hasardeuse. Sauf à décrire un problème de détresse sociale, ce qui supposerait d’ailleurs de savoir précisément comment ce chômage impacte la population et le revenu des ménages. Mieux vaudrait utiliser un indicateur du type « évolution du nombre d’emplois équivalent temps plein et pondérés par le niveau de qualification » ; cet indicateur donnerait une véritable idée du nombre et de la qualité des emplois créés, et permettrait de relativiser le discours souvent larmoyant face à des entreprises en détresse produisant des produits obsolètes ou polluants alors que se créent (ou non !) ailleurs des emplois collectivement plus intéressants et dont on parle beaucoup moins. Pour avoir une vue globale il faudrait alors adjoindre à cet indicateur un autre qui serait représentatif de « l’évolution du niveau et de la distribution des revenus des ménages » (et non des individus), permettant ainsi de lier dynamique économique et qualité de la redistribution qui sont bien là les deux véritables objets de la politique.

Ces indicateurs peuvent être mis en place rapidement comme instruments de pilotage par les politiques et les medias. Un peu de bon sens, bon sang.

FEMERAC

John Forbes Nash et … les 32 heures !

John Forbes Nash vient de mourir. Il avait reçu l’équivalent du prix Nobel d’économie en 1994 et l’équivalent du prix Nobel (le prix Abel) de Mathématiques en 2015 pour ses nombreux travaux et notamment ceux portant sur la théorie des jeux (si tu fais ceci et que moi je fais cela, alors tu as intérêt à faire ….). Avec le fameux « Equilibre de Nash », il a montré que le jeu des intérêts particuliers pouvait souvent empêcher la mise en œuvre de solutions dans l’intérêt collectif. On en avait un peu l’intuition, mais lui l’a démontré !

Or il se trouve qu’il existe une décision de politique publique qui permettrait de résoudre en grande partie et rapidement le chômage en France, mais que cette décision ne sera vraisemblablement jamais prise. De quoi s’agit-il ?

Pierre Larroutourou, personnage créatif, volontaire, actif et également très sympathique, est le porteur du principe de la semaine de 32 heures depuis déjà des lustres. Sa démonstration est séduisante (cf ses ouvrages et notamment “le livre noir du libéralisme” pp159 et sq) : les 32 heures créerait plus d’un million d’emplois sans dégrader la compétitivité des entreprises. Bien sûr il ne s’agit plus d’imposer cette réforme comme l’a fait Martine Aubry pour les 35 heures (à la hussarde !) mais de négocier la mise en œuvre de ces 32 heures entreprise par entreprise, de façon à s’adapter à chaque cas. Et ça marche : toutes les entreprises qui l’ont testé se portent bien : Fleury-Michon, Mamie Nova,…. Savez-vous que les employés de Volkswagen, une des plus grosses et plus productives entreprises du monde, travaillent 32 heures par semaine depuis déjà longtemps.

Alors pourquoi cette mesure n’est-elle pas mise en place d’urgence : parce que le financement de cette mesure est la suivante (cf le même ouvrage p185) : une hausse de 10% des effectifs d’une entreprise dont les salariés passeraient  à 32 heures de travail par semaine, serait financé par une diminution des cotisations socailes à hauteur de 7-8% et par une baisse des salaires entre 2 et 3 %. Même si Larroutourou déclare que dans les entreprises qui ont testé les 32 heures, les baisses de salaire n’ont pas touché ceux qui gagnaient moins de 1500 euros et parfois n’ont impacté le salaire d’aucun salarié, le seul fait selon moi d’annoncer une mesure qui ferait perdre du salaire à une partie des salariés est aujourd’hui inconcevable dans la tête des décideurs, et malheureusement aussi dans la tête de beaucoup de salariés.

L’intérêt individuel empêche la mise en œuvre de l’intérêt collectif. CQFD.

Attention : j’entends d’ici les critiques virulentes me rappelant quelques principes : ce n’est pas aux salariés de partager leur misère : il faut prendre aux riches pour financer le partage du temps de travail. Oui bien sûr, mais voilà 40 ans que le chômage augmente inexorablement, mettant dans la détresse des centaines de milliers de foyers et… les riches sont toujours plus riches ! Or il n’y a pas d’autres solutions pour diminuer le chômage qu’une forte croissance ou un partage du temps de travail. Et la croissance forte ne reviendra jamais ! Alors ?

FEMERAC

PS : Les articles de mon blog s’arrachent toujours en haut lieu et dans la presse : Hollande et Merkel ont vu venir Cameron et ses revendications : ils lui proposent (cf Le Monde du 26 mai) de développer des programmes d’action sur la politique économique, la convergence économique, fiscale et sociale, la stabilité financière et la gouvernance de l’UE. Avec les anglais ce ne sera pas possible !

Charlie…c’était seulement beaucoup de tristesse !

Emmanuel Todd a lancé la polémique en parlant du 11 janvier comme d’une imposture et d’un élan islamophobe. Bigre !

Jean Daniel dans son édito du Nouvel Obs du 7 mai dernier pensait, à propos de ces manifestations qui ont réuni environ 4 millions de personnes, qu’ “on n’a pas été très loin de la  glorieuse Fête de la fédération du 14 juillet 1790”. Sacrebleu !

Ils se trompent tous les deux, comme beaucoup d’autres : le 11 janvier n’était rien d’autre qu’une grand’messe, une communion collective animée par la seule tristesse de la perte violente de la sympathique équipe de Charlie hebdo. Non pas pour regretter l’hebdomadaire que personne ne lisait plus, mais parce qu’avaient été massacrés des gens aussi représentatifs de notre esprit franchouillard que sont Cabu et Wolinski. Heureusement, si je puis dire, les deux meilleurs d’entre eux étaient déjà morts : l’immense Reiser et le talentueux Cavanna.

Une messe, vous dis-je, un rassemblement pour évacuer la tristesse profonde (qui n’a pas versé une petite larme le 7 janvier ? oui moi aussi !) et aussi la peur du danger : la menace terroriste qui restait hypothétique devenait soudain une réalité prégnante. Le 11 septembre c’était déjà 13 ans auparavant, et puis c’était aux Etats-Unis. C’est loin…. Alors ce besoin de se soutenir collectivement. De montrer qu’on était encore vivants, un sursaut pour dire que tout cela était absurde.

Je n’ai pas défilé le 11 janvier. Je n’aime plus les messes, surtout quand elles sont animées par certains personnages douteux. On peut aimer l’accolade Hollande-Merkel, et moins apprécier la présence de Nétanyahou, assassin notoire d’enfants palestiniens (même s’ils servaient de boucliers humains). On peut aimer « Je suis Charlie » comme un cri de rassemblement, on peut moins aimer qu’il soit devenu un slogan publicitaire mangé à toutes les sauces. On peut regretter aussi d’entendre des « vive la police » , c’est mon côté libertaire !

Et surtout on peut regretter que cette unité dans le drame ne crée aucun rapport de force nouveau ni aucune dynamique contre le crime terroriste, qu’elle renforce les forces brunes dans leurs convictions xénophobes (cf les dernières élections) et surtout ne conduise quelques semaines plus tard à autoriser le pouvoir et son opposition unanime à prendre des mesures liberticides telle la loi sur le renseignement : on (qui ?) pourra écouter n’importe qui sans l’aval du juge et pour des raisons bien minces. Gravissime !

Il est regrettable que les 2 000 morts de Boko Haram au Nigeria quelques jours après nos 17 morts du 7 janvier, avec une majorité de femmes, d’enfants et de personnes âgées, n’ait pas soulevé une telle émotion. Trop loin !

On était tous tristes. Ils ont manifesté par millions. And so what ?

FEMERAC

PS : Il est des voix pour s’offusquer de l’action de Robert Ménard, maire apparenté FN de Béziers, qui a répertorié les prénoms des élèves pour repérer ceux qui n’avaient pas une consonnance bien de chez nous. Ces voix ont raison de s’offusquer, mais ne soyons pas naïfs : les forces brunes sont dans la place et agissent comme des forces brunes.

Messieurs les anglais …tirez-vous les premiers !

La formule est moins élégante que celle du comte d’Anterroches à la bataille de Fontenoy (1715), mais elle a le mérite d’être claire.

La victoire surprise des conservateurs aux élections législatives du 7 mai dernier aura pour conséquence l’organisation d’un référendum promis par David Cameron sur le maintien de la Grande-Bretagne dans l’Union Européenne.

C’est une victoire surprise non pas parce que les sondages se sont une nouvelle fois trompés, ce qui renvoie à la volatilité des électeurs et de leurs réponses aux questions des sondeurs, mais parce que les fondamentaux de l’économie anglaise ne sont pas très bons. Certes le taux de chômage est relativement faible (5,6% en février) mais il est obtenu non pas par une véritable dynamique économique des entreprises mais par une très forte dégradation des droits sociaux (le contrat à 0 heure garanti par exemple : on vous appelle et on vous paye seulement quand on a besoin de vous !) et surtout par une nette dégradation des comptes publics ( la dette publique est passée de 40 à 90 % du PIB entre 2007 et 2014 , et le déficit budgétaire de -3 à -5,7 pendant la même période en étant passé à -10,8 en 2009 !) (cf notamment le Monde du 7 mai). C’est la même situation en Grande-Bretagne qu’aux Etats-Unis : la Banque d’Angleterre ou la Réserve fédérale font tourner la planche à billet à plein régime (le fameux « quantitative easing » qui sonne mieux dans les salons) : fuite en avant dont il faudra bien payer un jour (et vite !) l’addition, et qui a surtout pour effet de faire monter les bourses mondiales car les banques, avec tout cet argent disponible, préfèrent acheter des actions et des bons du Trésor plutôt que de prêter aux entreprises.

Admettons que l’anglais moyen n’ait regardé que l’amélioration du taux de chômage et qu’il ait les yeux de Chimène pour Cameron. Il va vraisemblablement voter maintenant pour la sortie de l’UE. Tant mieux. Pourquoi ?

Le général De Gaulle n’a jamais voulu faire rentrer la Grande-Bretagne dans le Marché Commun (vetos de janvier 1963 et de mai 1967) à cause de ses relations militaires privilégiées avec les Etats-Unis et de sa conception trop libre-échangiste. Et il avait raison : la GB, dès son adhésion en janvier 1972 n’a eu de cesse de promouvoir, avec un fort pouvoir d’influence, une Europe de la libre concurrence pure et dure au détriment d’une Europe plus sociale et politiquement plus intégrée (même si la France sur ce dernier point était particulièrement à la traine, j’y reviendrai). A titre d’exemple, la mise en œuvre d’un marché concurrentiel de l’électricité, qui s’est traduit… par une hausse des prix un peu partout en Europe sauf en France où les prix des particuliers sont restés réglementés (j’y reviendrai aussi) ! Rappelons également le fameux « I want my money back » de Margaret Thatcher qui traduisait un état d’esprit bien court-termiste et peu soucieux de solidarités en Europe.

On voit mal ce que l’Europe aurait à perdre du départ des anglais, qui ne sont aujourd’hui d’ailleurs ni dans l’euro, ni dans l’espace de Schengen, mais on voit bien ce qu’elle aurait à gagner : une vision plus coopérative et de plus long terme du marché intérieur, le retour à Paris et à Francfort des places financières, une réorganisation nécessaire de la défense européenne (laquelle ne reposait que sur Paris et Londres), …

Mais quand je dis “partez les premiers”, c’est un effet de style, il n’est pas dans l’intérêt de l’Europe qu’un autre pays s’en aille. Spécificité anglaise.

FEMERAC

PS : les articles de mon blog doivent s’arracher en haut lieu et dans la presse :

  • Peu après (et oui après ! ) mon article sur la réélection de Hollande en 2017, on a vu fleurir des articles et déclarations qui disaient en substance la même chose que moi mais en moins clair.
  • Le président de l’Eurogroupe (J. Dijsselbloem) et le ministre français des finances (M. Sapin) discutent enfin d’une harmonisation des systèmes fiscaux en Europe (Cf mon article du 14 avril et le Monde du 8 mai)

Femerac rigole mais bon !

La politique économique… à quoi ça sert ? En vrai.

Avant de continuer mon feuilleton sur ce que devrait faire un vrai président, il faut que je m’attarde un peu sur les finalités de la politique économique. Pour revenir à des fondamentaux oubliés par beaucoup d’acteurs.

Alors la politique ça sert à quoi ?  Cette question n’est pas formelle. Elle permet d’avoir en permanence un guide dans l’action à mener. Il y a beaucoup trop de politiques menées dont on se demande par quoi elles sont guidées.

On pourrait dire : ça sert à améliorer le bien-être global de tous les citoyens concernés par la politique mise en œuvre. C’est un peu sibyllin, mais on peut le dire autrement : la politique cela sert à fournir à chacun de quoi vivre correctement avec un accès facile à un espace lui proposant tous les services nécessaires (santé, transport, éducation,…). Cela ressemble à la formule « A chacun selon ses besoins » mais sans la vision démagogique (tu as besoin de quoi toi ? Un os à ronger me suffit ! Tu as de la chance car moi j’ai besoin de caviar midi et soir ! Dur… dur !).

Je préfère finalement dire : la politique c’est faire en sorte que personne ne soit exclu d’un confort minimal et, ce qui est aussi important, que la situation du plus grand nombre ne se dégrade pas quelle que soit la situation économique.

De manière très concrète cela veut dire d’abord qu’on ne peut pas accepter :

  • De voir des gens en dessous du seuil de pauvreté (un peu moins de 1 000 euros aujourd’hui par mois et par unité de consommation (1).
  • De voir se dégrader la situation économique de 90 % de la population si la situation des 10 % les plus riches s’améliore.

Et ceci n’est pas du tout démagogique. C’est du bon sens (bon sang !). Car

  • Pour ramener au-dessus du seuil de pauvreté les 14,5 % de français concernés aujourd’hui (soit plus de 8 millions), il suffirait de leur redistribuer, selon mes propres calculs à partir des données sociales de l’INSEE, environ 15-20 milliards d’euros par an (soit 0,75- 1,00 % du PIB qui atteint plus de 2000 milliards d’euros). Pas très compliqué, non ! Surtout qu’un grand pas est déjà fait aujourd’hui notamment avec les prestations familiales, l’allocation logement et les minimaux sociaux (les Caisses d’Allocation Familiales ont versé en 2012 près de 65 milliards d’euros d’allocations). Alors, encore un petit effort de solidarité.
  • Il faut savoir que depuis la crise de 2008 seuls les 10% des ménages les plus riches ont vu leurs revenus augmenter ! Ceci va donc à l’inverse de l’objectif que j’ai fixé (et qui est tout à fait original, il faut bien le dire). Qui sont ces 10 % des français les plus riches ? Alors que le revenu moyen des ménages (déclaré aux impôts, seule source de connaissance du revenu des 36 millions de foyers fiscaux dont 55 % sont effectivement imposables sur le revenu) est en France de l’ordre de 22 000 euros par an et par UC, celui des 12 % les plus riches (4,5 millions) est supérieur à 40 000 euros/an/UC et celui des 2 % les plus riches (0,5 million) est supérieur à 100 000 euros/an/UC (Cf INSEE ou Piketty).

Ce que je propose revient à faire financer par les 10 % les plus riches les aléas de la conjoncture économique, ce qui est à la fois

  • juste : l’impôt sur le revenu moyen de cette partie de la population est en fait peu progressif (cf les travaux de Piketty) et elle a beaucoup bénéficié des réductions d’impôts (notamment grâce à l’abaissement à 40 % du taux marginal d’imposition sous la présidence de N. Sarkozy).
  • et économiquement efficace : car l’impôt supplémentaire qu’il leur serait demandé est en fait une diminution de leur épargne ou une diminution de leur consommation de biens de luxe, ce qui n’a qu’un effet marginal sur l’économie. Alors que maintenir ou faire croitre les revenus des autres, c’est de la consommation et donc de la croissance et de l’emploi supplémentaires.

Bien sûr pour arriver à l’objectif que j’ai ainsi fixé, il ne suffit pas de faire davantage payer les gens les plus aisés quand la situation économique le requiert, il faut que la politique menée améliore cette situation : faire diminuer le chômage, rendre les entreprises créatrices de richesses (ce qui est autre chose que d’améliorer leur trésorerie), améliorer l’espace public, mobiliser les acteurs, respecter l’environnement…En réalité il suffit de pas grand chose : ce sera la suite de mon feuilleton.

(1) L’unité de consommation UC (ou équivalent adulte) sert à tenir compte de la taille des familles (elle vaut 1 pour un adulte, 0,5 pour le deuxième adulte ou un enfant à charge de plus de 14 ans et 0,3 pour un enfant de moins de 14 ans). Le seuil de pauvreté de 1000 euros par UC (calculé comme 60% du salaire médian en France) est donc d’environ 2 300 euros pour une famille composée d’un couple et de 2 enfants dont l’un de plus de 16 ans (2,1 UC).

FEMERAC

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La médecine libérale…efficace ? Bof !

Voir les médecins revendiquer de ne pas se voir appliquer le tiers payant alors qu’ils sont finalement rémunérés par le système de sécurité social est quelque peu révoltant.

Il est vrai que le système en question aime la complexité bureaucratique : paiement du médecin généraliste par le patient, carte vitale, remboursement par la Sécurité Sociale et les mutuelles ou non-remboursement ou remboursement partiel avec médecin traitant officiel et parcours coordonné, achat des médicaments en pharmacie, carte vitale, attestation de mutuelle, remboursement ou non avec participation forfaitaire … Et pour les dentistes ou d’autres spécialistes, c’est pire et c’est plus ou moins bien remboursé…

N’est-il pas temps de revoir tout cela et de le simplifier.

L’idée est venue à des esprits brillants de remplacer tout cela par un système entièrement libéral comme aux Etats-Unis. C’est tout autant bureaucratique, moins juste …mais est-ce plus efficace ? Eh bien non ! Comparons (je reprends ici les chiffres de l’OCDE indiqués dans le dossier santé d’Alternatives Economiques d’avril 2015) :

Indicateurs / Pays   Etats-Unis France Espagne Japon
Espérance de vie à la H 76,4 78,2 78,8 80,0
naissance ( années ) F 81,2 85,1 85,1 86,9
Mortalité infantile (en °/°°)   6 3 3 2
Dépenses de santé (en % du PIB)   16,9 11,6 9,4 10,3

Même si ces chiffres ne sont que partiellement représentatifs de l’efficacité et de la qualité du système de santé (il faudrait analyser et comparer l’ensemble de la morbidité), ils en donnent tout de même des indications assez pertinentes :

  • Le système libéral américain est de loin le plus inefficace, alors exit !
  • Le système japonais, un peu identique au système français mais avec une politique de prévention plus développée, est plus efficace (1,3 point de PIB représente en France 26 milliards d’euros, de quoi largement combler le trou de la sécu !).
  • Le système espagnol semble le plus efficace. Or ce système est fondé sur des centres de santé publics avec des équipes pluridisciplinaires de soins de base (médecins de famille, infirmiers, pédiatres, dentistes,…). Les spécialistes n’exercent qu’à l’hôpital. Les patients ne payent rien. Les médecins sont salariés mais peuvent être rémunérés à la performance. Intéressant, non ?

Bien sûr il faut être rigoureux dans la gestion, mais on ne changera pas vraiment l’efficacité du système de santé en rabotant ici ou là les remboursements ou les dépenses de l’hôpital, rabotage qui engendre  une limitation de l’accès aux soins d’une partie grandissante de la population. Si l’on veut vraiment s’adapter efficacement  à l’inévitable croissance des dépenses de santé, il faudra sans tarder revoir la notion actuelle de médecine libérale qui, en France, n’en a que le nom (et qui s’est d’ailleurs débarrassée des contraintes de l’urgence, cool !). Et organiser la santé  autour d’une médecine gratuite et plus préventive, organisée localement autour de centres de santé et d’hôpitaux performants et de qualité. Et c’est moins cher et pas très compliqué à mettre en œuvre !

Bon sang, mais c’est du bon sens !

FEMERAC

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Le cirque… des forces brunes

Quels acteurs, quel scénario ! Bravo les artistes. Ils ont fait la une des médias pendant plus d’une semaine. Dans la famille Le Pen, qui devrait gagner plusieurs César lors de la prochaine cérémonie, le père, très méchant (ouh le vilain !), la fille, très gentille (elle crie au méchant loup), la petite fille, très candide et très généreuse (je vais aider ma famille à s’en sortir). Encore bravo ! Le processus de dédiabolisation est bien avancé. Même Jean Daniel dans son dernier édito du Nouvel Obs s’y est laissé prendre (vous vous rendez compte : la pauvre petite Marine ne supportait pas à l’école quand elle était petite d’entendre les autres traiter son père de fasciste ! elle en a été traumatisée). Peuchère ! On a connu Jean Daniel, dont j’apprécie souvent les analyses, plus pertinent.

Mais oui tout cela c’est de la comédie (les guignols de Canal l’ont bien compris !). Jean-Marie Le Pen n’est même pas sanctionné comme annoncé, il a simplement laissé sa place à la tête de la liste PACA des futures régionales à Marion Maréchal –Le Pen. Ce qui était déjà prévu car le pauvre Le Pen à 87 ans serait bien en peine de continuer à jouer un rôle politique actif. Manipulation !

Les forces brunes sont très habiles. Ne les laissons pas nous envahir.

FEMERAC

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